L’objet transitionnel-doudou doit-il rester ou non en libre-accès ?
Un doudou accessible, oui mais pas n’importe lequel !
S’il soutient la continuité psychique entre la maison et le lieu d’accueil, c’est qu’il a auparavant été identifié comme un objet de réconfort identifié, soutenu et repéré dans une dynamique familiale. Ainsi, lorsqu’un enfant est en contact avec son doudou, rapidement, nous l’observons se sentir mieux, se rassurer par cette interaction. Le simple fait de tenir, sentir ou voir son doudou peut suffire à apaiser ses angoisses. Ce lien intime avec l’objet dépend directement des expériences vécues avec lui dans le passé, et la force du doudou réside dans la capacité de l’enfant à en contrôler son utilisation et ses expériences. Mais n’oublions pas qu’il n’est pas « magique » en lui-même. Dans un nouveau lieu, sans ses parents, il ne peut fonctionner de manière transitionnelle que si l’enfant crée un lien de confiance avec ceux qui vont s’occuper de lui. En d’autre termes : il n’est pas là pour se substituer à la relation à l’adulte.
« Libre accès » ne signifie pas permanence
Le débat autour du libre accès au doudou dans les lieux d’accueil est récurrent. Pourtant, nous le soutenons tous les deux, il nous semble essentiel qu’il soit accessible à l’enfant car cette « fonction transitionnelle » lui appartient, et il doit pouvoir l’utiliser librement quand il en ressent le besoin. Limiter cet accès pourrait entraver la capacité de l’enfant à développer des stratégies autonomes pour surmonter ses angoisses et les changements. Ainsi, le fait de savoir que son doudou est à portée de main lui permet de mieux gérer certaines situations, que ce soit en crèche, chez un assistant maternel, ou même à la maison. Cela dit, le « libre accès » ne signifie pas que l’enfant doive toujours avoir son doudou en permanence en main. Il s’agit plutôt de lui donner la possibilité de l’utiliser quand il en ressent le besoin, tout en préservant les moments relationnels avec l’adulte, comme durant les repas ou les activités de groupe.
Comment intégrer le doudou dans le lieu d’accueil ?
Pour faciliter l’usage du doudou sans perturber la vie collective, des espaces spécifiques peuvent être aménagés. Il est possible d’installer un espace cocooning, calme et rassurant permettant à l’enfant de déposer son doudou en sécurité, tout en lui offrant la possibilité d’y revenir quand il en a besoin. Il peut également rester dans le sac à dos, sac à langer, ou pochette à doudou, dédiés à cet objet précieux, qui peuvent également servir d’ancrage pour l’enfant, lui permettant de garder son doudou à portée sans l’avoir constamment en main.
Le doudou peut avoir des odeurs familières qui rappellent la maison et ses figures d'attachement principales : celles-ci font parties intégrantes de l’objet transitionnel-doudou. Il est de ce fait important de ne pas mélanger les doudous dans des « bacs à doudous collectifs » et privilégier un accès individuel. Les craintes exprimées par les professionnels à propos d’une utilisation excessive du doudou sont souvent compréhensibles mais rarement fondées. En réalité, ces préoccupations traduisent plus fréquemment une difficulté de l’entourage à repérer le rôle transitionnel de l’objet pour l’enfant (et ainsi de le surinvestir), plutôt qu’un réel attachement excessif de l'enfant envers ce dernier. Il est tout à fait possible de trouver un équilibre. Notamment en accompagnant et en permettant à l’enfant de déposer son doudou dans des espaces dédiés, comme un sac à dos ou un espace cocooning comme précédemment évoqué, il peut ainsi s’en « détacher » progressivement tout en sachant qu’il est toujours accessible en cas de besoin.
Une question de confiance
Restreindre l’accès au doudou, que ce soit pour des raisons pratiques ou éducatives, pourrait revenir à rendre l’enfant dépendant d’un adulte pour accéder à cet objet de continuité, alors même qu’il l’aide à supporter et élaborer cette dépendance à l’autre ! En d’autres termes, restreindre l’accès pourrait nuire à son équilibre émotionnel et freiner sa capacité à gérer ses angoisses de manière autonome.
De plus, en interférant trop dans cette relation, les adultes risquent de cristalliser des enjeux émotionnels qui pourraient altérer l’utilisation de ce doudou. N’oublions pas, nous y tenons tous les deux, à rappeler que les phénomènes transitionnels, dont fait partie l’objet transitionnel-doudou, sont naturels et essentiels. C’est pour cette raison que les reconnaître est important, tout comme les accueillir avec bienveillance pour leur permettre de se déployer librement à nouveau. Ces phénomènes sont un soutien et un moyen d’élaboration pour l’enfant face à ses angoisses et situations de dépendance, et sont, par essence, non addictifs : ils permettent d’aller vers autre chose, vers le jour où ils pourront s’en passer ! Faisons confiance aux enfants qui sont nos guides à observer.
Adrien Blanc est également auteur de « Mon doudou, l’objet transitionnel qui fait grandir »aux éditions In Press.
Agathe Seube est également autrice de « Mon carnet de bord d’assistant.e maternel.le » aux éditions Vuibert
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