La délimitation des espaces de jeu : essentielle pour les enfants et les pros   

Pour les professionnels de la petite enfance, la question de l’aménagement des espaces tient une place centrale. Mais créer un environnement propice au développement de l’enfant ne se résume pas à simplement disposer des jouets ici et là, mais bien à structurer l’espace en y mettant du sens. Les explications d’Agathe Seube, éducatrice de jeunes enfants, ancienne assistante maternelle, et autrice*.  

 
Tapis de motricité, marquages au sol, dalles en mousse… il existe bien des manières de délimiter un espace de jeu. Ces outils, en apparence banals, agissent comme de véritables repères visuels, permettant au jeune enfant d’évoluer dans un cadre structuré et sécurisé. Dès ses premiers mois, le tout-petit cherche en effet des repères stables pour s’ancrer dans son environnement. Quel que soit son mode d’accueil, on remarque souvent comment un simple tapis déposé dans un coin de la pièce devient un refuge, un lieu d'exploration concentré pour les plus jeunes. Et les plus grands aussi aiment s’y loger, il n’est pas rare que ces tapis deviennent de véritables lieux de rendez-vous.

La création d’un cadre visuel sécurisant
En effet, l’espace délimité, qu’il soit matérialisé par un tapis, une couverture ou même par un masking tape (ruban adhésif de masquage) est un repère dans l’espace offrant à l’enfant la possibilité de s’approprier son environnement de façon symbolique. Ce cadre visuel à un pouvoir rassurant, limitant les distractions et permettant au tout-petit de se concentrer pleinement sur l’activité qu’il s’apprête à faire.

Prenons l’exemple des bacs sensoriels, souvent associés à des matières volatiles comme le riz ou le sable coloré, ils sont parfois sources de chaos. Cependant, dès lors qu’un plaid ou une bâche de protection est placé sous ces bacs, une barrière symbolique est créée, non seulement pour le contenu du bac, mais aussi pour l’enfant qui comprend intuitivement les limites de son espace de jeu. Ce cadre visuel sécurisant lui permet de mieux se concentrer et d’explorer librement sans se sentir envahi par l’environnement autour de lui. Il est ainsi plus facile de donner des consignes claires et positives comme : « le contenu du bac reste sur le tapis ». 

Dans la pédagogie Montessori, lorsqu’un enfant saisit un plateau, il sait que cet espace est le sien. En effet, tout est contenu dans le cadre du plateau, ce qui rend l’activité structurante, renforçant ainsi l’autonomie de l’enfant.

Une délimitation encourageant la créativité 
Les limites, loin de restreindre l’enfant, libèrent l’imaginaire. Comme l'artiste qui a besoin d'un cadre pour exprimer sa créativité, l’enfant utilise ces espaces délimités pour inventer des mondes à lui. 
En ce sens, plastifier des feuilles colorées toutes simples ou autour d’un univers en particulier a le pouvoir de délimiter le jeu de l’enfant tout en devenant : « la maison des figurines », « une piste pour les petites voitures », « un océan pour les poissons » « la banquise des pingouins » et bien plus encore. Ces frontières physiques, loin d’être des obstacles comme leur nom pourrait laisser l’entendre, ouvrent des portes vers l’invention et le jeu symbolique.

Un support sensoriel
L’espace délimité, au-delà de sa fonction organisationnelle, peut aussi jouer un rôle sensoriel. Dans le milieu d’accueil du jeune enfant, placer un tapis sous les jeux de construction en plus d’être un espace délimité, est aussi expérience : les pieds nus sur une texture lisse, la sensation du tapis doux ou plastifié participe à l’immersion de l’enfant grâce à un support « sensoriellement différent ». En effet, les jeunes enfants peuvent rester concentrés de longues minutes sur une construction de blocs simplement car le support sensoriel sous leurs pieds leur offre une sensation agréable, apaisante tel un « cocon ». Les tapis sont également de « beaux isolants phoniques » permettant de réduire le bruit dans l’environnement ambiant, lorsqu’une boîte de jouets est renversée brusquement.

Un outil de gestion des conflits 
Les jeunes enfants sont naturellement attirés par les mêmes objets au même moment, le jeu en mouvement : et cela est souvent source de tensions, de disputes, de pleurs. C’est ici que les espaces délimités deviennent de précieux alliés pour les professionnels de la petite enfance. Le masking tape au sol ou une craie peuvent suffire à définir clairement les zones pour chacun ou réunir autour d’un jeu collectif.

En délimitant l’espace, on pose une frontière invisible, car le fait de verbaliser à un enfant : « Voici ici ton espace, celui-ci en revanche, est celui de ton copain », devient une invitation à respecter l’autre, à comprendre la notion d’attente et de partage. Les frustrations sont ainsi moins fréquentes, les enfants apprennent à attendre leur tour, à respecter l’espace des autres et ainsi à intégrer les premières règles de vie en collectivité. L’adulte peut ainsi verbaliser plus facilement : « Tu auras accès à cet espace quand l’autre enfant aura terminé », ce qui est plus facile à comprendre pour les jeunes enfants que des consignes générales.

Une zone délimitée et ordonnée
Dans le contexte de l’accueil du jeune enfant, l’ordre et la clarté sont essentiels pour le bon déroulement de sa journée. Lorsque l’environnement est structuré et structurant, il est plus facile de l’accompagner dans le rangement, l’autonomie, le prendre soin de l’environnement. 

Dans le cadre de certaines activités (comme le transvasement) l’utilisation d’un tapis qui permet de délimiter la zone de jeu, permet également de signaler la fin d’une activité et le moment du rangement. Cela facilite non seulement le nettoyage, mais aussi la compréhension des consignes pour les enfants. « Quand tu as finis, tu peux sortir de la zone d’activité et jouer dans un autre espace, ou bien rester là pour m’aider à nettoyer la table ? » Ou encore « je vais bientôt ranger la bâche ce qui va signifier la fin de l’atelier ». Cette phrase, associée à la délimitation visuelle permet d’être mieux comprise par l’enfant. 

*« Mon carnet de bord d’assistant.e maternel.le : Pour une année zen et bien organisée », éditions Vuibert. 
Article rédigé par : Agathe Seube
Publié le 10 octobre 2024
Mis à jour le 23 octobre 2024