Le projet d’accueil de Chablais Inter Emploi au service de l’insertion professionnelle

Pour répondre aux besoins des personnes en démarche d’insertion qu’elle accompagne et aux problématiques de son territoire, l’association Chablais Inter Emploi a imaginé un lieu d’accueil expérimental. Entre Mam et crèche familiale, Trampoline et CIE - c’est son nom - offrira aux parents un mode d’accueil temporaire pour mieux rebondir, un accompagnement pour découvrir les métiers de la petite enfance et s’y former. A condition que la Caf et la DGCS lui accordent les dérogations nécessaires, puisque le projet ne rentre pour l’instant dans aucune case…

Implantée de longue date en Haute-Savoie, l’association Chablais Inter Emploi intervient dans le champ de l’insertion par l’activité économique. Elle propose à ses candidats des missions de travail ponctuelles ou régulières, sur des postes peu ou pas qualifiés, à temps complet ou temps partiel, afin de répondre au mieux à leurs disponibilités et de favoriser leur retour à l’emploi. Chaque année ce sont environ 250 personnes accompagnées, avec un taux de sortie en emploi de près de 80%.

L’enfant comme un frein à l’emploi
Les candidats sont majoritairement des femmes, souvent avec enfants à charge, qui doivent faire preuve d’une certaine réactivité afin de pouvoir accepter ces missions, et peinent à reprendre un emploi faute de solution d’accueil pérenne. L’association les accompagne également pour lever les freins périphériques liés à l’emploi. Et le constat de l’accompagnatrice socioprofessionnelle qui les reçoit est très clair : le mode d’accueil est le deuxième frein d’accès à l’emploi, juste après la mobilité. « C’est vraiment triste de se dire qu’avoir un enfant puisse être considéré comme un frein ! » regrette Sabrina Lefebvre, chargée de projet pour Chablais Inter Emploi. Elle constate également les difficultés des crèches du territoire, qui peinent à recruter des professionnels qualifiés. « Certaines sont même contraintes de réduire leur capacité d’accueil car elles manquent de personnel. Mais on sait que sur notre territoire, nous avons des assistantes maternelles agréées qui ne peuvent ou veulent plus exercer à domicile mais ont encore volonté à travailler auprès des enfants », précise-t-elle.

Un projet expérimental audacieux
Pour répondre aux besoins de son public cible et aux contraintes territoriales, Sabrina Lefebvre et Chablais Inter Emploi travaillent depuis 2022, à mettre sur pied une structure d’accueil qui réponde à tous ces besoins. Un projet expérimental qui permette d’accueillir les tout-petits, qui soit également un tremplin pour l’emploi, qui accueille les personnes qui viendront découvrir les métiers de la petite enfance et leur permette de se former pour répondre aux besoins de recrutement de ce territoire.

« Nous avons ici un potentiel vivier de candidats, prêts à travailler auprès des enfants, qui ont besoin d’être accompagnés et formés, explique Sabrina Lefebvre. Et je précise que l’insertion, ce ne sont pas des gens qui sortent de prison ! Il suffit d’avoir 26 ans et un niveau infra-bac pour être éligible à un parcours d’insertion, rappelle-t-elle. On peut être fragilisé, ne pas avoir confiance en soi, avoir peur de passer un examen et avoir besoin d’être accompagné pour aller jusqu’au CAP ou un autre titre qui permette d’accéder à l’emploi… »

S’inspirer de l’existant
Avant de concevoir son projet, l’association a bien-sûr cherché à s’inspirer des expérimentations en cours et modèles existants, comme l’Unité Familiale d’Accueil Collectif (UFAC) ouverte près de Pau , mais la Caf de Haute-Savoie a jugé son fonctionnement trop complexe. Ce ne sera pas non plus un nid maternel dont l’expérimentation n’avait finalement pas été retenue dans la réforme des modes d’accueil. Le modèle Avip, aurait pu être une solution. « J’ai en effet trouvé de bons retours du modèle Avip pour les enfants mais un peu moins de satisfaction pour les professionnels de l’insertion quant à l’insertion professionnelle des familles. Nous voulons créer un modèle Avip ++ en quelque sorte », précise Sabrina Lefebvre.

Ni Mam, ni crèche familiale
Qu’à cela ne tienne, Chablais Inter Emploi concevra Trampoline et CIE une structure sur mesure adaptée à ses besoins. Le lieu d’accueil de 16 berceaux emploiera cinq assistantes maternelles, qui n’accueilleront pas à domicile, et une directrice-adjointe, de profil EJE, dont 50% du temps de travail sera dédié à la direction et 50% pour assurer des places d’accueil d’urgence ou compenser une absence. Alors plutôt en MAM ou en crèche familiale ? Ni l’une ni l’autre et c’est là toute la complexité du projet ! « Nous voulons proposer le confort du salariat à nos assistantes maternelles, avec une rémunération mensuelle fixe, et les décharger des relations contractuelles avec les familles, explique Sabrina Lefebvre. Nous ne serons pas une crèche familiale car il n’y aura pas d’accueil individuel, uniquement un accueil collectif. Ce ne sera pas non plus une MAM puisqu’elles seront salariées de l’association. La difficulté aujourd’hui est de savoir qui on est et comment on s’appelle ! » Et c’est aujourd’hui le principal point de blocage avec la Caf, qui leur apporte néanmoins un grand soutien. « Nous avons besoin d‘obtenir des dérogations qui nous permettront de salarier des assistantes maternelles pour un accueil comme en MAM, précise Sabrina Lefebvre. Et ce modèle hybride pour l’instant n’existe pas ».

Un accueil temporaire pour mieux rebondir
Trampoline et CIE, n’aura pas vocation à proposer une forme accueil pérenne mais plutôt une solution temporaire pour mieux rebondir, comme le suggère son nom. Des contrats courts de 4 mois en moyenne seront proposés aux familles de tout le territoire en démarche d’insertion. 4 mois, la durée moyenne d’un démarrage en insertion. « Pendant ces quatre mois, nous allons accompagner les familles à la résolution de leurs problématiques : choisir une assistante maternelle, mettre en place un contrat de travail, comprendre ses obligations de parent-employeur, trouver une place en crèche, rentrer à l’école… Un contrat bien-sûr renouvelable en cas de besoin pour poursuivre l’accompagnement ». Une mission qui sera assurée en co-direction de la structure par Sabrina Lefebvre pour la partie insertion et l’EJE pour la partie petite-enfance.

Un parcours et chantier d’insertion
Ce lieu d’accueil sera couplé à une structure pour les personnes en parcours d’insertion qui viennent se former aux métiers de l’accueil de l’enfance et de la petite enfance. Elles pourront être guidées vers différents parcours de formation (CAP AEPE, Diplôme d’AP, BAFA, titre d’animateur périscolaire etc.) et bénéficieront d’un parcours d’accompagnement inhérent aux structures d’insertion par l’activité économique. Mais Chablais Inter Emploi précise bien que la structure n’a pas vocation à devenir un centre de formation.

Sur un format atelier-chantier d’insertion, la structure permettra de proposer des contrats de travail de 28h à des personnes qui viendront dans le lieu d’accueil en observation avec les assistantes maternelles référentes, ainsi qu’un parcours de formation à l’extérieur de la structure. « Puisqu’il s’agit de travailler auprès d’enfants, nous allons porter une grande attention aux personnes qui seront recrutées au sein de la structure et aux profils qui accèderont à ces parcours, assure Sabrina Lefebvre. Ce ne sera pas une usine à CAP puisque nous ne serons agréés que pour 5 ETP. »

Une ouverture prévue fin 2025
Chablais Inter Emploi a pu bénéficier d’un Diagnostic Local d’Accompagnement pendant 6 mois avec le cabinet Nova Practice, qui leur a permis de valider l’étude de faisabilité du projet auprès des partenaires. « Et dans la foulée nous avons été lauréats du Fonds Innovation Petite Enfance qui a permis de soutenir l’ingénierie du projet », se félicite Sabrina Lefebvre.

Aujourd’hui, même si le projet est encore en attente d’arbitrages juridiques de la Caf et de la DGCS pour pouvoir aboutir, un local a été trouvé à Thonon-les-Bains, une ancienne maison de quartier qui va être rénovée par la municipalité. Avec optimisme, l’ouverture est d’ores et déjà prévue pour la fin d’année 2025. « Nous sommes relativement confiants car il y a une forte mobilisation des partenaires institutionnels et des élus de poids du territoire, confirme Patricia Hus, ancienne directrice petite-enfance de la ville de Thonon-les-bains, bénévole et membre du conseil d’administration de Chablais Inter emploi.

Des soutiens de poids
Il faut dire que les acteurs de l’insertion professionnelle et les partenaires institutionnels de la petite enfance ont été impliqués dès le début dans le projet, ce qui fait aujourd’hui sa force. « Chacun se connaissait de loin, avait identifié les freins et contraintes du territoire mais personne ne s’était jamais vraiment parlé. Nous pouvons maintenant compter sur le soutien des communes, des élus, de la Caf de Haute-Savoie et nous attendons seulement que l’on nous octroie certaines dérogations », rappelle Sabrina Lefebvre. « Notre projet hybride vise le confort des pros et des enfants tout le monde en est convaincu mais il faut réussi à rentrer dans de petites cases ! », conclut Patricia Hus.