Assistants maternels : pourquoi leurs formations sont reportées ?

Non, les caisses d’Iperia ne sont pas vides ! Mais il est vrai que les fonds de la collecte 2019 destinés au départ en formation des assistants maternels (au titre du plan de développement des compétences*) seront épuisés à partir de fin octobre.

Les départs en formation prévus pour novembre et décembre sont reportés au premier trimestre 2020. Iperia a demandé aux organismes de formation de faire en sorte que cela soit possible. Ces annulations, faute d’argent, ne touchent pas les formations liées au Compte Personnel de Formation (CPF).

Comment expliquer cette situation ?
Selon la responsable de la communication d’Ipéria, Laetitia Tariel, c’est assez simple : « au premier semestre 2011, il y a eu une augmentation de 31% des demandes de formation… Sachant que cette progression avait été de de 33% sur l’année 2018 (année durant laquelle plus de 42 000 assistants maternels sont partis en formation)… On peut comprendre que la collecte soit déjà épuisée. En effet le nombre de particuliers employeurs (1,06 millions), lui, demeure constant, et ce sont leurs cotisations qui alimentent la collecte. » C’est donc purement mathématique.
Pourtant la Branche professionnelle des assistants maternels du particulier employeur avait tenté d’anticiper une situation qu’elle sentait venir puisque depuis ces cinq dernières années, les départs en formation des assistants maternels n’ont cessé de croître. Elle a décidé d’augmenter les cotisations des particuliers employeurs de 0,35% à 0,55%.
La mesure n’est entrée en vigueur qu’en avril dernier, ce qui explique qu’elle n’a pu rectifier totalement le tir pour 2019. Cette augmentation devrait donc prendre toute son ampleur en 2020. Néanmoins si les demandes de départs en formation devaient encore s’intensifier, cela pourrait à nouveau aboutir à une situation délicate.

La Branche prête à envisager d’autres solutions
Dès lors la Branche assistants maternels du particulier employeur a mis en place des groupes de travail pour étudier d’autres pistes. Objectif : renflouer les caisses pour pouvoir répondre aux demandes des professionnels, demandes légitimes, souhaitables et souhaitées. Des pistes dont il est prématuré de parler selon la vice-présidente de la Branche issue de la Fepem, Marielle Brouard, mais qui pourraient être d’ordre politique en lien avec la réforme des OPCO.

Qu’est-ce qui pèse sur les finances de la formation continue ?
En l’état actuel, quels seraient les leviers pour améliorer la situation ? Car qu’est-ce qui ampute le montant de la collecte destinée à la formation continue (hors CPF) ?
D’une part, la rémunération d’Iperia, à qui la Branche délègue la mission d’ingénierie et de mise en œuvre des formations. Elle gère notamment les appels de fonds auprès de l’AGEFOS (l’un des organismes membre de l’OPCO **) entreprises et services de proximité pour que les employeurs soient remboursés des salaires versés durant la formation de leur assistant maternel. Et également sont en charge de la labellisation des organismes de formation. Iperia qui précise qu’il ne touche une rémunération que quand la formation a bien eu lieu.
D’autre part les organismes de formation sollicités sont rémunérés.
Enfin les assistants maternels sont défrayés de leurs frais de vie (indemnités kilométriques, frais de transport, hôtel, repas) lors de leur départ en formation - que ce soit sur leur temps de travail (leur salaire étant par ailleurs évidemment maintenu,) ou hors de leur temps de travail (ils reçoivent alors une allocation de formation de 4, 47€ heure de formation).

Des freins inquiétants à la formation des assistants maternels
La situation est particulièrement regrettable car tous les organismes représentant les assistants maternels sont d’accord : ces demandes croissantes de départs en formation sont bon signe : les assistants maternels sont de plus en nombreux à vouloir se professionnaliser. Il ne faudrait pas que ces difficultés, qui espérons-le ne sont que passagères, les découragent.

Pour Marie-Noëlle Petitgas de l’ANAMAAF, « les dispositions prises pour les cotisations employeurs ne semblent pas suffire. ». Et c’est d’autant plus inquiétant qu’avec le plan de formation des 600 000 professionnels de la petite enfance, prévu par le gouvernement dans le cadre de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, les OPCO ont déjà fait savoir qu’ils auraient du mal à financer les formations, et ce malgré les subventions de l’État qui lui seront affectées. Conclusion selon elle, « il y a aura forcément un conflit de financement ».  Pour elle, « l’augmentation des cotisations est à discuter avec les partenaires sociaux. » Mais pour les assistants maternels, les employeurs ne cotisent pas, c’est l’État, via l’exonération des charges patronales et le Cmg, qui les paie. On voit mal l’État s’imposer une nouvelle hausse. « A moins qu’on demande aux particuliers employeurs une petite participation directe, » suggère Marie -Noëlle Petitgas.

De son côté, Sandra Onyzsko de l’UFNAFAAM n’est pas favorable à une éventuelle cotisation payée directement par le parent-employeur. « Cela se retournerait contre les assistants maternels et constituerait un nouveau frein à leur emploi. On le voit bien car le reste à charge. » Elle souligne : « je regrette la situation, une partie des assistants maternels qui s’étaient organisés pour leur formation vont se décourager. Par ailleurs je pose la question : pourquoi l’État ne regarde pas de plus près où vont les fonds collectés puisque les cotisations employeurs sont à sa charge ? Enfin je pense que si on favorisait les remplacements des assistants maternels, ils seraient plus nombreux à partir sur leur temps de travail et cela permettrait de faire le montant des allocations de formation. Quant aux frais de vie, c’est vrai qu’ils sont importants. » A tel point qu’il se dit qu’il faudrait encourager les assistants maternels à choisir des formations proches de leur domicile...

Liliane Delton, présidente l’UNSA-PROASSMAT, confirme « effectivement une des pistes qui, dit-on, pourrait être envisagée, consisterait à réduire les coûts pédagogiques et les frais de vie des assistants maternels, les repas notamment. Il me semble que ce serait inquiétant de réduire les coûts pédagogiques car on pourrait craindre alors que l’on se tourne vers les organismes de formation les moins sérieux ou performants ».

Toutes les formations d’octobre 2019 seront effectuées. Seules celles de novembre-décembre sont impactées. Tout est fait pour qu’elles ne soient pas purement et simplement annulées mais reportéees à 2020. Reste à attendre les décisions que prendra la Branche pour éviter qu'une telle situation ne se reproduise dans les années à venir. L’objectif : ne pas mettre en péril la formation professionnelle des quelques 400 000 assistants maternels. A suivre donc.

*58h de formation allouées chaque année aux assistants maternels au titre de la formation continue. Formations dont les thèmes ont été déterminés par la Branche.
** OPCO : Opérateurs de Compétences, ex OPCA, organisme paritaire collecteur agréé


 
Article rédigé par : Catherine Lelièvre
Publié le 18 octobre 2019
Mis à jour le 18 octobre 2019