Les étapes de l’imitation dans le développement de l’enfant

L’enfant se développe progressivement sous l’effet de l’évolution de sa maturation neurologique et de ce qu’il vit et expérimente. Il franchit ainsi les étapes de son développement, il acquiert de nouvelles capacités. Quel est le rôle de l’imitation dans ce développement ? Imiter, c’est faire comme l’autre, c’est tenter de reproduire ce que l’on voit. Comment un enfant imite-t-il ? Les explications de Monique Busquet, psychomotricienne.
L’imitation néonatale, grâce aux neurones miroirs
Les bébés manifestent dès la naissance des capacités d’imitation néonatale. Ainsi ils peuvent tirer la langue ou ouvrir la bouche après avoir vu un adulte en face d’eux tirer lui-même la langue ou ouvrir la bouche. Cette extraordinaire capacité repose sur l’activité des neurones miroirs du cerveau. Ces neurones qui s’activent autant à la perception qu’à l’action de mouvements ou d’émotions et qui « permettent à la personne, dès la naissance, de reproduire une variété d’actions, de gestes et de mouvements spontanés ou provoqués, simples ou complexes, significatifs ou non significatifs* ». Le bébé n’utilise pas alors un système de pensée complexe et volontaire comme il pourra le faire lorsqu’il sera plus grand.

L’imitation de gestes associés à des situations et paroles
En grandissant, les enfants s’imprègnent de ce qu’ils voient faire autour d’eux. Ils observent et associent leurs différentes perceptions. Ils sont alors capables d’une imitation « spontanée et différée ». Ainsi un bébé fait « au-revoir » ou « bravo » avec ses mains parce qu’il a vu souvent les adultes faire ces gestes. Il recopie les gestes vus parce qu’il les associe aux situations dans lesquelles ils sont faits et aux paroles qui les accompagnent. Il fait bravo lorsqu’il fait quelque chose qui déclenche généralement un bravo ou lorsqu’il entend le mot. Il fait au-revoir lorsqu’il entend le mot ou dans les situations de départ. Par contre il ne les fait pas sur demande, cela n’a pas encore de sens pour lui. Assez vite, il peut également faire au revoir dans des moments où il souhaite partir, comme pour déclencher ce moment qui lui est habituellement associé.

C’est ainsi que l’enfant apprend de nombreux comportements. Il s’en imprègne et les reproduit lorsque son développement global le lui permet. C’est le même processus qui lui permet d’apprendre à parler : il saura dire des mots dans des situations appropriées parce qu’il les a entendus auparavant et suffisamment fréquemment, dans ces situations. Il ne les apprend pas parce qu’on les lui ferait répéter.
C’est également ainsi qu’il intègre progressivement les tics, les mimiques, certaines attitudes des adultes qui l’entourent. Il les reproduit parfois même des années plus tard. Les enfants sont en quelque sorte notre miroir. Ils nous surprennent par leur finesse d’observation et de perception.

L’imitation des gestes du quotidien
L’enfant voit l’adulte remuer la cuiller dans la purée ou servir le thé. Il peut voir shooter dans un ballon ou bricoler, faire le ménage et toute autre action de son quotidien.
Il tente alors d’imiter les gestes et mouvements qu’il voit faire. Il en imite la forme globale. Il ne peut encore décomposer le geste. Il ne peut pas copier le « comment faire ». Mais par exemple, il crie s’il voit crier, il a des gestes doux s’il voit des gestes doux.

Jeux d’imitation : du simple mouvement au vrai « faire semblant »
C’est aussi par cette imprégnation progressive que les enfants entrent progressivement dans les jeux d’imitation. Ils ont d’abord imité le simple mouvement : remuer sa cuiller dans une tasse, fermer la porte du micro-ondes, prendre un balai, taper avec un marteau, déplacer une voiture, la faire rouler, pour le plaisir de refaire le geste.
Puis ils imitent de façon plus symbolique. Ils jouent à faire la cuisine, à mettre le couvert, emmener sa poupée en voyage, faire les courses. Le développement de leur pensée leur permet d’entrer dans une pensée symbolique. Ils comprennent que les images et les mots représentent quelque chose de concret. Ils peuvent alors jouer réellement à faire semblant, à imaginer, à représenter. Cela devient possible pour eux d’inventer des histoires, d’imaginer faire comme s’ils étaient papa, maman, comme s’ils font et donnent à manger, comme s’ils font les courses, comme s’ils partaient en voiture.

L’imitation,  une action spontanée
Tous ces processus d’imitation partent d’un mouvement spontané de l’enfant. C’est lui qui y est totalement acteur et sujet. Il s’imprègne d’une forme globale, de l’apparence et du résultat d’un geste. Et il essaie de faire pareil, sous sa propre impulsion.
Avant trois ans demander à un enfant de reproduire, de faire pareil, n’a aucun intérêt. Ce serait lui demander de copier comme « un singe savant », ou un perroquet. Ce serait alors une répétition mécanique qu’il ne pourra utiliser de façon adaptée parce qu’il ne peut en intégrer le sens. Par exemple l’enfant qui sait répéter une suite de chiffres, ne sait en aucune façon compter (c’est-à-dire dénombrer). Ce qu’il apprend ainsi ne lui est pas utile.
Il saura tenir sa cuiller et plus tard son crayon parce qu’il l’aura vu et quand il en aura acquis la capacité psychomotrice. Il ne sert a à rien de lui montrer, de le faire reproduire ce qu’on lui montre. Il vaut mieux lui permettre de manipuler un maximum d’objets et de matières, tout en ayant une motricité générale fluide.

Après 3 ans, l’imitation sur démonstration et sur commande
L’enfant de moins de 3 ans, apprend par ses propres expérimentations et par ses observations. Il n’apprend pas quand on lui demande de faire pareil. Il n’apprend pas quand on lui demande d’imiter ce qu’on lui montre. Malgré tout, nous sommes des modèles d’identification et l’enfant imite l’ensemble de nos comportements, de nos paroles, de nos réactions, de nos modes de communication.
En revanche, à partir de 3 ans et plutôt 5-6 ans d’ailleurs, l’enfant pourra reproduire de façon plus conscientisée un geste montré par un adulte. C’est alors seulement que des enseignements plus techniques de gestes comme les gestes sportifs peuvent commencer.


*Rizzolatti, 2004

Codes sociaux : ils s’apprennent aussi par une imitation volontaire

Il n’est pas utile non plus de lui demander de répéter ou d’exiger ni les codes sociaux comme les mots de politesse ou ni les savoir-faire sociaux, comme bien tenir sa cuiller.
L’enfant en grandissant dira bonjour, merci, parce qu’il aura entendu et vu suffisamment souvent les adultes le dire. Il rangera les jouets à leur place par ce qu’il aura vu les adultes les ranger (sans le transformer en corvée). L’enfant s’identifie à ce que fait et manifeste l’adulte.


 

Article rédigé par : Monique Busquet
Publié le 02 février 2019
Mis à jour le 02 octobre 2020