BABI (Bébé Aux Besoins Intenses) : quelles postures professionnelles adopter ?

Environ 10% des bébés sont de tempérament "difficile" selon une étude américaine « The Origin of Personality *». Il est donc très probable qu’au cours d’une carrière, un professionnel de la petite enfance s’occupe d’un BABI, un bébé aux besoins intenses. Et qui dit bébé particulier dit réponse particulière. Le point avec Lara Cocheteux, psychologue spécialiste de la petite enfance.
Comment repérer un BABI ?
« Tous les bébés naissent avec un tempérament déjà établi. Et il y a des bébés plus ou  moins faciles, plus calmes, plus dormeurs, qui vont se réguler plus vite… Et puis il y a d’autres bébés plus sensibles, plus réactifs, qui vont exprimer leur mal-être plus intensément. Et ce sont ces bébés qu’on appelle les BABI, les bébés aux besoins intenses », explique Lara Cocheteux. Ce n’est en rien une pathologie mais plutôt un tempérament. « C'est un bébé que l'on pourrait qualifier d'"irritable", de par sa sensibilité. Ses ressentis sont intenses, et il peut être difficile à comprendre (qu'est ce qui a déclenché ses pleurs ?) Et à calmer. Il peut aussi s'exprimer plus fort, » poursuit la psychologue. Là où un bébé va chouiner, un BABI va hurler par exemple. Mais ce n’est pas parce qu’un bébé hurle, qu’il est forcément un « bébé aux besoins intenses ». Alors comment s’y retrouver ? En regardant les critères du docteur Sears, pédiatre américain, qui a défini ce qu’était un BABI dans les années 80 :
-    Ce sont de petits dormeurs, qui peuvent se réveiller dès qu’on les pose dans leur lit, et qui ne s'endorment ni en poussette ni en voiture par exemple. Ils restent en éveil constant.
-    Ils pleurent beaucoup
-    Ils ont une grande sensibilité
-    Ils réagissent plus intensément que les autres bébés
-    Ils ont un grand besoin des bras (mais peuvent refuser ceux des professionnels, ou de leurs grands-parents, amis…)
-    Ils sont difficiles à calmer
-    Ils ont un grand besoin de succion pour s'apaiser
-    Ils peuvent être très énergiques et avoir une activité motrice intense (différent de l'hyperactivité).
Néanmoins, ces traits de caractère peuvent également apparaître chez un bébé dont le contexte est perturbé (déménagement, séparation, décès…). Pour pouvoir distinguer un BABI d’une façon d’être passagère, Lara Cocheteux propose de s’adresser directement aux parents : « N’hésitez pas à prendre rendez-vous avec eux, à les interroger sur un éventuel changement dans leur vie pour pouvoir confirmer le fait que leur bébé est un BABI ou non ».
C'est la constance de cette forte réactivité qui pourra venir confirmer votre analyse. Un BABI va réagir aux mêmes événements mais de façon plus intense. Lorsqu’un repas tarde à venir par exemple, le BABI va être très vite submergé. Cette situation va générer un état de mal-être absolu chez lui. Et quand le repas arrive alors, cela ne suffit plus à l'apaiser. Cette attitude demande alors une réponse particulière.

S’occuper d’un BABI au quotidien : s’autoriser à tâtonner
Les BABI sont en effet des bébés, qui, par leur comportement, vont demander une approche et des réponses différentes. Chez le tout-petit, le professionnel se doit de répondre à ses besoins, ce qui n’est pas toujours facile en collectivité. Cela peut passer par un  besoin de maternage important. L’introduction d’une écharpe de portage(https://lesprosdelapetiteenfance.fr/initiatives/autres-initiatives/mettre-en-place-le-portage-la-creche-facile)  peut par exemple être la bienvenue. Souvent, ils n’apprécient pas trop de rester dans un transat. Prenez-les alors sur vos genoux pendant le repas. « On peut être amené à beaucoup tâtonner avec ces enfants là, avec l’impression que rien ne fonctionne » précise la psychologue. Autorisez-vous donc une phase d’expérimentation ! Peu à peu, vous trouverez les clés pour les BABI dont vous vous occupez.
Une astuce qui peut vous aider au quotidien : répartissez-vous les enfants (et donc les BABI) selon vos affinités, votre sensibilité quant à certaines problématiques. Vous êtes à l’aise avec les problèmes d’endormissement ? Vous aurez donc la patience nécessaire pour vous occuper aux heures des siestes d’un BABI. Même s’il faut une référente à un bébé, il ne faut pas qu’un professionnel s’occupe seul d’un BABI, car ce sont des bébés qui nécessitent de grandes ressources et qui peuvent être épuisants. L’organisation même de l’équipe doit alors être revue et pensée pour que chacun puisse être un relai de la référente dans les moments difficiles de la journée.

Quand le BABI touche la fragilité du professionnel
Les BABI peuvent amener les professionnels à se remettre en question. « Il est normal d’être un peu moins en réussite avec ces bébés », témoigne la psychologue. Les BABI renvoient en effet aux pros (comme à leurs parents d’ailleurs) quelque chose de moins valorisant. On peut alors entendre des phrases du genre  « on ne sait pas s’y prendre avec lui », « on ne sait pas le calmer », bref en un mot « on n’y arrive pas ! ». Les BABI peuvent alors renvoyer une image très négative aux professionnels qui ne se sentent pas compétents et qui peuvent s’épuiser à vouloir faire mieux. « Il peut alors y avoir des sentiments négatifs qui naissent et qui conduisent le professionnel à préférer s’occuper d’un autre enfant plutôt que du BABI », analyse Lara Cocheteux. « Ce sentiment va davantage culpabiliser le professionnel et va venir renforcer sa croyance dans le fait qu’il n’est pas un bon professionnel » poursuit-elle. Pour ne pas entrer dans ce cercle vicieux, il faut pouvoir prendre du recul. Comment ? En vous rappelant que les problèmes que vous pouvez rencontrer avec ce bébé ne viennent ni de vous ni de son « mauvais caractère », mais que c’est un BABI, c’est à dire un enfant dont la sensibilité particulière le rend plus exigeant. Un BABI peut vite renvoyer vers la fragilité du professionnel. Dans ce cas, n’hésitez pas à en parler à la directrice de la crèche ou à la psychologue qui peut être un formidable maillon et vous aider à faire la part des choses. Ou si vous êtes assistante maternelle à la PMI.

La phrase magique à communiquer aux parents
En tant que professionnel, vous pouvez avoir un rôle clé dans la relation parent/BABI ! Souvent, ces parents ont le sentiment de ne pas « bien faire », de ne pas être « assez patients », et sont épuisés. Entendre des professionnels dédramatiser la situation peut leur être d’une grande aide. La phrase magique à leur dire : « Ce n’est pas votre faute ! ». Rappelez-leur qu’ils ont simplement un enfant aux besoins intenses, qu’il s’agit d’un tempérament et que tout ce qu’ils font, ils le font bien. Grâce à eux, leur bébé va s’apaiser de plus en plus. Et n’oubliez pas de leur glisser que « les BABI ont aussi des traits de personnalité positifs comme la détermination, la persévérance, la sensibilité, le dynamisme... Ce sont des bébés pleins de vie ! » comme le rappelle si justement Lara Cocheteux.


*http://www.acamedia.info/sciences/sciliterature/origin_of_personality.htm

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Article rédigé par : Laure Marchal
Publié le 12 février 2017
Mis à jour le 08 décembre 2018
En ce qui me concerne cette notion me questionne depuis plusieurs années et me donne l'impression d'une notion "fourre tout" lorsque certains parents sont en difficulté. Nous ne sommes ni face à un concept scientifique car je ne connais ni recherches théorico-cliniques, ni relevant de la littérature scientifique (je suis preneur si vous vous avez des références sérieuses). Les fondements de cette notion viennent de l'expérience parentale d'un médecin étasunien dans les années 80 nommé William Sears dont il a fait un livre. De ce fait, je me questionne donc sur la pertinence et la généralisation de cette expérience parentale, même si son auteur est médecin. De même, le contexte socio-culturel n'est pas sans influences sur cette émergence : La société étasunienne des années 80. A cette époque, sur le plan philosophico-économique, émerge un fonctionnement social ou la satisfaction des besoins individuels et le narcissisme des individus se vit parfois au détriment que la relation d'altérité et collective. Il n'est donc pas étonnant, que la notion de Babi, jusque là inexistante hors des États-Unis, ne prenne corps aujourd'hui dans nos sociétés de plus en plus individualistes !!!