Bien-être en petite enfance : la clé est au cœur des émotions

 Enfants et adultes sommes tous empreints d’émotions. Et, en plus, elles sont contagieuses ! C’est en développant leurs propres compétences socio-émotionnelles que les professionnels de la petite enfance pourront  encourager les tout-petits à découvrir et exprimer leurs émotions. Le point sur les dernières recherches et la façon dont le pros peuvent se former pour mieux prendre en compte les émotions de tous, petits et grands.
Nous sommes des êtres d’émotion autant que de raison : innées, spontanées, les émotions traduisent les réactions de notre organisme aux stimuli extérieurs ; elles expriment nos besoins et agissent sur notre comportement. Langage à elles seules, il nous faut apprendre à mieux les connaître pour les accueillir, les vivre pleinement mais aussi les réguler par nous même. Il y a aussi les émotions des autres qui nous pénètrent malgré nous, qu’elles soient pénibles ou bien agréables. Une résonnance empathique qui commence dès la naissance. Il paraît donc essentiel d’apprendre dès que possible à mieux vivre avec, pour favoriser notre vie sociale, les apprentissages que nous ferons au fil de notre vie et prévenir les troubles d’ordre psychologique.
 
Les apports de la recherche
Depuis quelques dizaines d’années, la recherche, et tout particulièrement les neurosciences et la psychologie positive, travaillent sur les compétences psychosociales parmi lesquelles les compétences sociales et émotionnelles, qui nous font parfois cruellement défaut. Ces compétences comportementales s’acquièrent de manière intuitive et implicite par l’analyse personnelle de notre vécu et se renforcent avec le temps. Elles sont la manière dont chacun d’entre nous identifie, exprime, comprend, utilise et régule ses émotions et celles d’autrui, sa capacité à communiquer efficacement, à formuler et recevoir des critiques, à résoudre des problèmes relationnels, à être habile dans les relations interpersonnelles, à faire preuve d’empathie, de résilience et de bienveillance… Une thématique pas ou peu abordée jusqu’à lors dans la formation des professionnels de la petite enfance, et pourtant essentielle. Pour Laure Reynaud, co-fondatrice de l’association ScholaVie qui en a fait sa spécialité, c’est une question de santé ! « Les professionnels de la petite enfance devraient être formés à cette approche psychosociale pendant leur formation, pour développer leurs propres compétences socio-émotionnelles afin d’éveiller chez les enfants accueillis, la confiance en soi, les forces de caractère, l’empathie, la bienveillance en les aidant à reconnaître et accueillir leurs propres émotions. (…) C’était jusqu’ici quelque chose de très intuitif que beaucoup de professionnels font déjà ou un peu mais qu’il serait utile de conscientiser dans un éclairage théorique et pratique. » explique-t-elle.  
 
Gagner son autonomie émotionnelle 

Vous l’avez sûrement observé, le tout-petit est dépendant de l’adulte pour réguler ses émotions, en proie à de véritables tempêtes émotionnelles, difficiles à apaiser. Vers 7 mois, il devient capable d’identifier visuellement ou auditivement certaines émotions de base : la joie, la tristesse, la peur, la colère… Il apprendra ensuite à les catégoriser puis à faire la différence entre l’élément déclencheur et l’émotion ressentie. Pour l’aider à gagner son autonomie émotionnelle, et favoriser ainsi son bien-être, parents et professionnels de la petite enfance ont un véritable rôle à jouer.  A leur tour d’accompagner le tout-petit dans le développement de ses compétences émotionnelles : l’encourager à reconnaître et différencier ses émotions, à les verbaliser pour les vivre pleinement et les laisser aller… Mais aussi lui faire prendre conscience qu’il a le droit d’être triste, ou en colère, d’avoir peur ou d’être joyeux, d’en reconnaître les signaux dans son corps et d’apprendre à les réguler sans pour autant les étouffer. C’est rassurer le tout-petit d’une présence aimante et affectueuse, l’aider à nommer ce qu’il ressent pour qu’il puisse s’apaiser davantage… En effet « les neurosciences nous indiquent que nommer une émotion permet de calmer le cerveau en état d’alerte, rappelle Céline Alvarez, dans son ouvrage Les lois naturelles de l’enfant. Ainsi l’enfant retrouve progressivement son calme. »
 
« La bienveillance n’est pas une option » !

Enfin, la meilleure manière d’accompagner l’enfant vers son épanouissement, c’est de lui offrir toute la bienveillance dont nous sommes capables. Selon Céline Alvarez, « le lien social positif entre les êtres, l’empathie, les comportements altruistes et généreux favorisent le développement de nouveaux neurones et augmentent les connections sympathiques. Tant chez celui qui montre un comportement pro social que chez celui qui le reçoit. » Ainsi, notre comportement bienveillant stimule chez l’enfant le développement de ses capacités morales et empathiques. Il déclenche également la sécrétion d’ocytocine dans son cerveau, qui favorise l’attachement, l’empathie, le lien et la confiance. « La bienveillance n’est donc pas une option pédagogique, conclut Céline Alvarez, dans Les Lois naturelles de l’enfant. Il s’agit d’un véritable catalyseur d’épanouissement. »
 
Des outils pour libérer la parole

Pour faire l’apprentissage de ce langage émotionnel et libérer la parole dès le plus jeune âge, Laure Reynaud et l’association ScholaVie travaillent avec les outils simples de la psychologie positive, accessibles, transférables immédiatement dans notre quotidien à tout moment de la journée. Des activités sensorielles, des activités de routine et de transition, des exercices de respiration et de pleine conscience qui rencontrent un grand succès auprès des tout-petits qui vivent pleinement l’instant présent.
-  En arrivant à la crèche, le temps du baromètre émotionnel permet d’exprimer avec des gestes, des mots ou par le biais de papa et maman « comment je me sens aujourd’hui ». On peut même en faire une chorégraphie collective !
-  Travailler le langage émotionnel par des jeux de mime, d’imitation.
-  Ecouter de la musique, dire, dessiner ce qu’elle évoque en nous.
-  Revisiter une situation difficile avec des marionnettes.
-  Au moment du repas, parler des textures, des couleurs, du chaud et du froid…
-  Créer un mur de la joie, avec des photos, des dessins, des souvenirs…
-  Proposer un coussin de la colère pour se défouler, une balle antistress ou un doudou pour s’apaiser.
-  Découvrir les automassages et les exercices de yoga, de sophrologie et de respiration adaptés aux tout petits (respiration de la main, de l’étoile…)
-  Visualiser physiquement son ressenti : souffler sa colère dans un ballon de baudruche et le laisser se dégonfler ou bien l’exprimer dans un dessin jusqu’à ce qu’elle s’estompe.
-  Profiter du moment du change pour dialoguer, amener l’enfant à reconnaître ce qu’il ressent, en anticipant les gestes par des paroles…
 

Pour aller plus loin
 
-Association ScholaVie
-Développer les compétences psychosociales de Laure Reynaud, Editions Retz

-Les lois naturelles de l’enfant de Céline Alvarez, Editions Les Arènes
 

Les rituels de gratitude

 
Pour faire face au stress, aux tensions, aux conditions de travail difficiles, il est important d’apprendre à se recentrer sur le positif qui nous redonne de l’énergie. Enfants comme adultes, nous devons nous entraîner à réorienter notre attention sur les émotions agréables de la journée. A la crèche comme à l’école, les rituels de gratitude peuvent nous y aider : le mur des réussites, sur lequel chacun note ses petites victoires, les billes de la joie que l’on transfère d’un bocal plein à un bocal vide au fil de la journée à chaque moment joyeux vécu, avec un beau moment de partage avant de se séparer. 
 
 

Article rédigé par : Laurence Yème
Publié le 16 décembre 2019
Mis à jour le 21 janvier 2020