Age par âge, savoir favoriser les compétences pro-sociales des enfants

En fonction de l’âge du tout-petit, les compétences pro-sociales vont évoluer. Elles peuvent être soutenues au fur et à mesure qu’elles apparaissent spontanément. Dès les trois premières années, parents et professionnels de la petite enfance ont un rôle à jouer pour favoriser leur développement. Les résultats de n’importe quelle action montrent un effet largement supérieur lorsque les enfants bénéficient d’adultes qui se montrent soutenants, bienveillants, pro-actifs et posant clairement les règles plutôt que punitifs ou autoritaristes, réagissant dans l’après coup.
Dès la première année : des comportements affiliatifs à encourager
Avant ses un an, un bébé présente des compétences que l’adulte peut soutenir. Par exemple entre 9 et 12 mois, le tout-petit commence à être capable :
D'attention conjointe avec l’adulte et les pairs : cela correspond à la période du « pointage ». C'est le jeune enfant lui-même qui chercher à capter l’attention de l’Autre sur un objet, une scène, un animal … qu’il voit en attirant l’attention sur lui (par des vocalises) puis en  pointant du doigt ce qu’il souhaite partager avec cet Autre.
D'actes de lien et d’apaisement : à un an déjà, les enfants communiquent entre eux et se font clairement comprendre par leurs pairs avec des mouvements et des comportements codifiés. Comme le fait de pencher la tête sur le côté, de toucher avec douceur le bras ou le dos, certaines vocalises, des offrandes…
D'imitation des pairs : il est grandement connu à présent que l’imitation (reproduire le même bruit, utiliser le même jeu de la même façon, etc.) constitue une des modalités chez les tout- petits pour communiquer, jouer et s’amuser avec les pairs et reste le meilleur moyen pour lui permettre d’acquérir de nouvelles compétences.

En fait, Henri Montagner l’a montré dès les années 1970 : les comportements affiliatifs de l’enfant, ceux qui visent à entrer en relation avec les autres de façon positive (dont l’imitation entre pairs), existent très précocement. Les actes d’agression deviennent, eux, particulièrement marqués entre 15 et 24 mois. Ainsi, l’adulte a tout intérêt à verbaliser et à valoriser tous ces comportements dits affiliatifs dès leur apparition, avant même l’émergence des comportements d’agression marquée. En cela, tous les auteurs prônant la bien-traitance de l’enfant évoquent ces postures éducatives : faire attention à l’enfant, l’observer pour pouvoir mettre en mot ce qui se passe en lui et autour de lui, répondre à ses sollicitations, valoriser l’imitation de l’enfant vis-à-vis de ses pairs, ce qui lui permet de ressentir ce que l’autre ressent au même moment. Il est également nécessaire de profiter du gout inné de l’enfant pour l’imitation pour se montrer soi-même modèle dans nos relations aux autres.

A partir de deux ans : gestion des émotions et développement de l'empathie
Dès 24 mois, mais en ayant en tête que les résultats ne seront pas immédiats et en restant conscient des limites neurophysiologiques liées à l’immaturité cérébrale de l’enfant, on va pouvoir commencer à aider le tout-petit à développer certaines habiletés reconnues comme contribuant à l’épanouissement des relations sociales positives entre les enfants. Il est également reconnu que plus l’enfant développe des compétences dans certains domaines (le langage notamment) et moins il a recours aux comportements violents vis-à-vis des autres.
Quelques exemples.
Le développement du langage : plus le tout-petit a le moyen de se faire comprendre autrement que par des cris et des coups, et plus il pourra y recourir pour obtenir attention ou objet convoité ; cela bien sur s’accompagne de l’écoute apportée aux mots et besoins sous-jacents de l’enfant.
La régulation des émotions : au départ, l’enfant vit l’émotion de façon intense. Il est en quelque sorte dépassé par elle, d’autant plus que contrairement aux adultes, il n’a pas encore l’expérience lui permettant de savoir que ce qu’il ressent lors d’émotions désagréables va s’apaiser. Cela le déroute d’autant plus : quand il est triste, il est en fait désespéré ! Il ne sait pas que sa tristesse va passer et encore moins qu’il peut mettre en œuvre des stratégies pour dépasser ses émotions
L’inhibition des impulsions : à la naissance, l’enfant n’a pas de contrôle volontaire de ses actions. Tout du moins, il ne peut pas se retenir de faire quelque chose dont il a envie ni de s’empêcher de faire quelque chose dont il a envie. C’est l’apprentissage (ainsi que la maturation du système nerveux préfrontal) qui va lui permettre petit à petit de ne pas frapper son petit copain quand il est frustré. Cette capacité se développe entre 9 mois et 36 mois, mais poursuit son chemin de développement jusqu’à maturité du cortex préfrontal, vers 25 ans… Toutefois, certains enfants ont déjà la capacité métacognitive pour calmer un état d’excitation négative. Les stratégies utilisées seront de plus en plus sophistiquées à l’entrée en maternelle.
La compréhension des relations de cause à effet : la prime éducation consiste aussi à verbaliser à l’enfant les liens entre ce qui se passe à un instant T et les conséquences que cela a apporté. Cela le guide dans ses stratégies. Par exemple : regarde,  Marie pleure quand Léo prend son jeu…

Il a été démontré que des « programmes proposés dès deux ans, dans les services d’accueil collectif comme la crèche et l’école maternelle, améliorent de façon considérable les compétences pro-sociales des enfants.
En général ces mini-programmes (il est vrai que le terme peut faire peur, appelons cela des compétences à encourager en adoptant des postures éducatives adéquates) s’intéressent  aux domaines suivants :
L’expression et la gestion des émotions : faire une pause, décrire ce qui se passe en soi ou en l’enfant, l’aider à se calmer.
Le développement de l’auto-contrôle : apprendre à ne pas utiliser de comportements violents.
Le développement de l’empathie et l’adoption de comportements affiliatifs : cela  passe par la compréhension de ce que ressentent les autres et des comportements de soutien que l’on peut avoir vis-à-vis d’eux.
L’apprentissage des étapes de résolution pacifique des conflits. Avec les moins de 5 ans, l’idée est de pouvoir suivre ces 6 étapes :
  1. Stop : Je me sens dépassé, j’ai un problème : je dis Stop ou j’entends l’autre dire Stop
  2. Je marque une pause, je me calme
  3. Je formule le problème, l’autre protagoniste formule le sien
  4. Chacun reformule le problème de l’autre
  5. On cherche des idées pour résoudre le problème
  6. On vérifie si cela satisfait les enfant
Tout cela peut être entrepris à la maison par les parents, chez l’assistante maternelle pour régler les conflits entre enfants et bien sûr à la crèche et à l’école maternelle. Avec comme principal intérêt, non seulement d’apaiser le quotidien des enfants et avec les enfants mais aussi d’installer véritablement des compétences que l’enfant gardera à jamais. Et renforcera même en grandissant.
Article rédigé par : Claire Boutillier, psychologue
Publié le 21 septembre 2016
Mis à jour le 17 août 2017