Coronavirus : comment accompagner les enfants ?
Nous traversons actuellement une période inédite qui sera probablement inscrite dans les livres d’histoire de nos enfants et nos petits-enfants. Certains parlent d’une ambiance de « fin du monde », de « chaos ». D’autres comparent cet effondrement soudain de la société à un scénario de série américaine catastrophiste dans le style de « The Handmaid’s Tale » (nous sommes à deux doigts d’être encadrés par des militaires austères pour aller acheter un sac de tomates au supermarché du coin) ! Dans notre cas, l’ennemi est invisible et peut se nicher partout : sur les poignées de porte, sur nos mains, sur les anses d’un sac, dans notre corps. Comme si cela ne suffisait pas, les médias s’emballent, les scientifiques se contredisent, la situation évolue très rapidement et le gouvernement manque parfois de cohérence dans ses choix. Quant aux enfants, s’ils sont moins à risque de développer des formes graves et critiques du COVID-19, la probabilité qu’ils soient victimes de maltraitance de la part de leurs parents explose (confinement oblige).
Avoir peur, c’est bien. Paniquer, ça l’est moins
A présent, venons-en à vous, professionnels de la petite enfance. Sans doute vous a-t-on déjà conseillé de ne « pas avoir peur », de « prendre sur vous », de « penser à autre chose ». Quelle erreur ! Dans un tel contexte, la peur est une émotion ultra adaptée. C’est grâce à la peur, et spécifiquement au circuit du stress existant dans notre cerveau, que l’être humain a réussi à survivre dans des environnements hostiles depuis la nuit des temps. La peur n’est pas une émotion « négative » en soi, mais plutôt une émotion désagréable (je vous l’accorde, c’est plus bien sympathique de ressentir de la joie !).
La peur permet à votre organisme de se protéger, de rester vigilant, de réagir de manière lucide et cohérente en fonction des situations. C’est grâce à votre émotion de peur que vous respectez les gestes d’hygiène et que vous n’allez pas sortir dans la rue embrasser tous les piétons que vous croisez. Si vous laissiez votre peur aux vestiaires (ce qui est d’ailleurs impossible), vous seriez bien moins alerte et donc plus à risque d’être contaminé. En revanche, la panique est une émotion toute autre. Celle-ci, de par son intensité, vous sidère et tend à figer votre réflexion, votre pensée et votre rationalité. Vous avez alors davantage tendance à agir sous l’effet de votre cerveau archaïque que sous l’effet positif de votre cerveau frontal - siège du raisonnement, de l’inhibition, de la planification… Dès lors, vous risquez de surévaluer le danger et de contaminer les enfants – non pas avec le COVID-19, cette fois, mais avec votre propre angoisse !
Et les enfants, dans tout ça ?
Justement, des enfants, parlons-en. Les jeunes enfants, de par leurs capacités cognitives encore limitées, ne comprennent pas grand-chose à la situation (il faut dire que même avec des cerveaux de plus de 20 ou 30 ans de maturation, il est assez facile de s’y perdre !). Or, s’ils ne comprennent pas le contexte, ils le ressentent. Toute notre communication non verbale – nos gestes, notre expression faciale, le ton de notre voix… - traduit notre émotion et nos doutes. Chloé, 2 ans, sent bien que l’auxiliaire de puériculture qui s’occupe d’elle la journée est bien moins câline que d’habitude, qu’elle a tendance à mettre beaucoup plus de distance entre elles. Mathéo, 3 ans, sent bien que son assistante maternelle lui lave les mains beaucoup plus souvent que d’habitude et qu’elle est, à ce moment-là, bien plus insistante et nerveuse.
La présence d’un masque sur le visage de l’adulte est d’ailleurs l’un des éléments les plus troublants pour eux, dans le sens où le petit humain est programmé pour décoder l’expression faciale de son interlocuteur afin d’identifier son émotion. N’hésitez pas à enlever ce masque de temps en temps, tout en restant à distance, pour que les plus jeunes enfants vous reconnaissent. Le confinement n’arrange rien à l’affaire. L’impossibilité de sortir et de s’oxygéner tend à accroître leur niveau de stress et leur irritabilité. Cette situation nous rappelle à quel point les mammifères, et notamment les petits humains, sont programmés pour être dehors et en mouvement…
Le but du jeu ? Se protéger contre ce méchant virus invisible
Pour favoriser un minimum de sérénité chez les jeunes enfants, il est indispensable d’avoir un discours qui va dans le même sens que vos émotions et vos préoccupations d’adulte. L’objectif n’est ni de banaliser la situation, ni de les faire paniquer, mais plutôt de leur apporter quelques éléments de compréhension dans cet énorme brouhaha qui les entoure. Voici quatre préconisations (liste non exhaustive), à adapter en fonction de l’âge de l’enfant. A savoir que, si l’ensemble des conseils suivants conviendront aux enfants de 18 mois et plus, seuls les deux premiers seront adaptés aux plus jeunes, de 3 à 18 mois environ.
• Dans un premier temps, autorisez-vous à leur dire que la situation vous fait peur (si c’est le cas, bien sûr !), qu’elle vous préoccupe, vous inquiète, que vous ne savez pas comment tout cela va évoluer. Nous passons nos journées à demander aux enfants de nommer leurs émotions. Commençons donc par le faire nous-mêmes ! Cette mise en mot de vos ressentis va ouvrir la porte au dialogue et vous rendra plus disponible psychiquement pour les enfants.
• Expliquez-leur la situation avec des mots simples : « Le coronavirus, dont parlent sans arrêt les adultes autour de toi, c’est un virus, un genre de tout petit microbe invisible qui peut se cacher partout : sur tes mains, sur ton manteau, sur les poignées de porte, sur ton visage. Si ce virus fait si peur à tout le monde, c’est parce qu’il peut nous faire tomber malades, et surtout les personnes les plus fragiles, comme les personnes vieilles ou déjà malades »
• Dessinez le virus. Pour les plus grands, le dessin est un excellent moyen de se créer une image mentale rationnelle du virus. De votre plus belle plume, dessinez un rond entouré de petits traits, comme un soleil, à l’image des images ministérielles. Expliquez à l’enfant que le virus est comme un minuscule petit monstre qui n’a ni jambe, ni bras, ni yeux, ni tête. Il est si petit qu’on ne peut pas le voir. Si l’inspiration vous vient, dessinez plusieurs bonhommes sur une même feuille et montrez-lui, à base de flèches, comment ce petit virus peut passer d’une personne à une autre personne.
• Faites vivre les gestes barrières comme un jeu : « Heureusement, il existe des superpouvoirs pour se protéger contre ce méchant virus et éviter qu’il atteigne trop de personnes : bien se laver les mains, tousser et éternuer dans le coude, porter des gants, et même un masque… D’ailleurs, je vais te montrer comme se laver les mains comme un super héros ! ». L’essentiel est de rendre l’enfant acteur, dans la limite de son âge. Pour faire comprendre aux enfants l’importance de bien se laver les mains, des parents ont eu la bonne idée de plonger les mains de leur enfant dans les paillettes et de leur demander de se laver les mains. Le but du jeu ? Faire prendre conscience à l’enfant que seul un lavage de mains efficace permet d’enlever toutes les paillettes !
N’hésitez pas à compléter vous-même cette liste en commentaire de cet article, et à partager vos bonnes idées auprès de la communauté des professionnels de la petite enfance.
Et, surtout, surtout, prenez soin de vous !
Réquisition d’EAJE : une situation doublement anxiogène
Certains lieux d’accueil du jeune enfant ont été réquisitionnés pour accueillir les enfants des soignants. Cette situation est, pour certains d’entre vous, doublement anxiogène. Car les enfants que vous accueillez sont statistiquement plus à risque d’être porteurs du virus que les autres enfants, dans le sens où leurs parents sont statistiquement plus à risque d’être exposés au virus que la population générale. Dès lors, vous pouvez craindre de contaminer, à votre tour, vos propres enfants et votre conjoint confinés à votre domicile. Certains parents peuvent d’ailleurs ne pas comprendre pourquoi des professionnels sont réticents à garder leur enfant. Et pourtant ! En fait , vous êtes comme eux, vous particpez activement à la guerre contre la coronavirus.
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