Le Père Noël, les pros, les enfants accueillis et leurs parents

En décembre, partout où il y a de jeunes enfants se profile l’ombre du Père Noël. Alors que certains parents se réjouissent que l’esprit de Noël règne autant chez l’assistante maternelle ou à la crèche que chez eux, d’autres y sont nettement moins favorables. Du côté des professionnels aussi, les avis sont partagés car chacun entretient un rapport très personnel à cet événement festif difficilement contournable dans notre société. Comment faire pour que le Père Noël ait une place raisonnable et raisonnée dans les lieux d’accueil de la petite enfance ? Explications de Fabienne Agnès Levine, psychopédagogue.
Pendant quelques semaines, il est difficile d’échapper à l’omniprésence du Père Noël comme personnage central des fêtes de fin d’année. Aussi, se pose pour eux la question de faire perdurer cette tradition ou de lui tourner le dos. Vers 2 ans, la plupart des enfants reconnaissent et nomment la représentation du Père Noël dans leur environnement. Quelles que soient les convictions de leurs parents, ils adhèrent peu à peu à un imaginaire collectif dont les mots-clés – habit rouge, barbe blanche, bonnet, traîneau, renne, lutin, sapin, hotte, jouet – inspirent leurs rêveries et leurs jeux. La croyance dans ce mythe s’installe vers 3 ans pour se transformer en doute au cours des années suivantes, jusqu’à la révélation qui les fait grandir, quitte à les décevoir un peu. 

La magie de Noël, avec ou sans Père Noël ?
Les parents des enfants accueillis se divisent entre « pour » et « anti » Père Noël. Le premier groupe est impatient de vivre la « magie de Noël » en choisissant avec soin guirlandes, boules brillantes, et autres décorations. Ils font déposer les chaussons au pied du sapin, chantent « Petit Papa Noël » et « 1, 2, 3, dans sa hotte en bois ». S’y ajoutent, dans certaines familles, un verre de lait, des biscuits ou des carottes (pour les rennes !) déposés devant la cheminée ou près de la fenêtre. C’est une offrande que les parents prendront soin de faire disparaître pour signifier que le Père Noël est bien passé. Les « anti » ne prennent aucun plaisir à participer à toute cette mise en scène. La plupart d’entre eux cèdent à la coutume et font quand même des cadeaux le 24 ou le 25 décembre mais sans avoir recours du tout à cette légende. En effet, ils refusent de mentir à leur enfant car ils considèrent comme une trahison de lui faire croire qu’eux-mêmes n’ont eu aucun rôle dans l’achat des jouets qui lui sont destinés. Comme pour tout rituel social, toutes les variantes sont permises.
Du côté des professionnels, le mieux est de ne pas prendre parti et de s’abstenir de parler à la place des parents à propos de cette fête de famille. Ne pas dire : « Je sais que le Père Noël va t’apporter plein de jouets » ou « Si tu n’es pas gentil, le Père Noël ne passera pas dans ta maison » ou « Chez toi, tu vas mettre tes chaussons devant le sapin et tu auras des cadeaux ». La manière dont chaque famille fêtera Noël un peu, beaucoup ou pas du tout ne regarde pas les professionnels. Toutefois, rien n’empêche de raconter aux tout-petits des histoires dont le personnage principal est le Père Noël, héros au même titre que P’tit Loup ou T’choupi. Albums, chansons, comptines qui évoquent un bonhomme barbu tout de rouge vêtu, des rennes qui tirent son traîneau, des lutins qui l’aident à fabriquer et emballer des jouets se situent dans le domaine de la fiction. Chanter « L’as-tu vu, le petit bonhomme au chapeau pointu ? Il s’appelle Père Noël… » ou coller du coton blanc sur une silhouette de Père Noël en carton ont pour seule fonction de susciter l’émerveillement et de partager un imaginaire collectif auxquels les parents ne sont pas obligés d’adhérer. Ces démarches n’entrent donc pas en concurrence avec leurs choix sur la place accordée à ce personnage dans le milieu familial.

Faut-il organiser le passage du Père Noël à la crèche ?
Dès qu’il s’agit de faire la fête avec des jeunes enfants, y compris ceux de moins de 1 an, des précautions s’imposent de manière à bien concilier leur besoin de repères et leur goût des surprises. Or, qui dit fête, dit musique, bruit, mouvement. Dans les crèches et les écoles maternelles, la visite du Père Noël avec une hotte remplie de cadeaux pour chacun(e) a longtemps été une occasion de se réunir autour d’un goûter ou d’un spectacle, en associant les parents ou non. La crise sanitaire actuelle a mis un grand frein aux regroupements mais depuis plusieurs années, les grandes fêtes de Noël étaient déjà l’objet de critiques : trop d’agitation provoquée dans le groupe, enfants qui ont vraiment peur du Père Noël, salle de vie des enfants envahie par les adultes, séances photos imposées par le service de communication de la mairie ou de tout autre gestionnaire de la structure. Lorsqu'un budget est alloué à cet événement, la question se pose aussi d’offrir des cadeaux individuels que chaque enfant emportera chez lui (qui va s’accumuler avec tous les autres) ou de faire déballer par les enfants les nouveaux jouets de la structure, dont tous pourront profiter à la rentrée. L’idéal est probablement de pouvoir combiner les deux : petit cadeau individuel (un petit jouet ou un livre) et cadeaux collectifs pour le lieu d’accueil.
Il y a de quoi y réfléchir à deux fois avant de mettre en route toute cette organisation et de prendre des décisions. Si on prend en compte l’intérêt de l’enfant, en particulier avant 2 ans, rechercher quel adulte va revêtir le costume de Père Noël et frapper à la porte de la collectivité est vite abandonné. Si cette option est maintenue, il y a toujours la possibilité d’éloigner les plus petits ou de faire passer le Père Noël devant la vitre et le faire s’éloigner après avoir déposé la hotte devant la porte. Faire porter un bonnet rouge muni d’un pompon blanc à chaque adulte et aux enfants qui le souhaitent, dans une salle aux décors lumineux, peut suffire à émerveiller les bébés. La simple prise de conscience que ce qui fait plaisir aux adultes ne fait pas systématiquement la joie des enfants suffit à trouver des solutions respectueuses. Quoi qu’il en soit, les regroupements festifs au sein de la famille ont leurs propres règles et n’ont pas à être jugés. Souvent, le même scénario est reproduit chaque année : le grand-père ou l’oncle qui se déguise, les enfants plus âgés qui rassurent leurs petits cousins et cousines, etc. En général, le cadre familial est suffisamment contenant sur le plan affectif pour que les plus petits y trouvent leur compte et s’initient en douceur aux symboles de Noël.

Le Père Noël appartient à tout le monde
Le Père Noël, bien qu’ancré dans les traditions chrétiennes, est avant tout un personnage populaire. Il est important de sélectionner les références utilisées dans les décorations, les jouets et les activités, de manière à respecter les familles et ses collègues. Par exemple, la chanson « Ils étaient trois petits enfants qui s’en allaient glaner aux champs… » est à éviter car elle évoque la légende de saint Nicolas et en plus, son thème est particulièrement effrayant. Inutile également de mettre une étoile en haut du sapin car, dans les familles chrétiennes, c’est ce qui symbolise l’arrivée des mages.
En crèche, à l’école comme dans tout autre accueil professionnalisé, les principes de la laïcité doivent être appliqués, ce qui explique l’absence de la crèche de Noël et de tout autre attribut emprunté à la chrétienté, comme les anges. Les autres éléments, tels le sapin, le bonhomme de neige, les illuminations et la figure du Père Noël, se sont rajoutés au fil des siècles et se sont même heurtés aux avis des représentants de l’Église catholique. Aussi, est-il important de bien faire la distinction, même s’il y a des interférences, entre la célébration de la naissance du Christ et la fête autour des échanges de cadeaux. De quoi avoir des arguments à donner aux parents qui s’inquiètent que leur enfant participe de près ou de loin à cette fête, alors qu’eux-mêmes pratiquent une autre religion ou aucune.
On entend et on lit beaucoup de choses sur l’origine du Père Noël, de saint Nicolas au bonhomme Coca-Cola. Les travaux de l’historien Michel Manson fournissent des éléments fiables. Le point de départ est effectivement d’origine chrétienne : le saint Nicolas, appelé dans d’autres pays Santa Claus, en tant que protecteur des enfants. Mais c’est à partir des années 1820 que plusieurs artistes, illustrateurs ou écrivains, ont créé l’image actuelle du Père Noël : un bonhomme âgé, à la barbe blanche, avec un gros ventre et habillé de rouge. Dans son « Histoire(s) des jouets de Noël », l’historien situe la première création littéraire en 1823, conte dans lequel apparaissent les rennes au nombre de huit. Les lutins et la fabrique de jouets furent ensuite représentés dans de nombreux dessins. En 1931, une affiche publicitaire, montrant un Père Noël devant son traîneau et faisant une pause en buvant du Coca-Cola, a contribué à propager ce rituel centré autour de l’achat de jouets offerts au nom du Père Noël. Plus tard, la Laponie, en Finlande, s’est autoproclamée le royaume du Père Noël. 

Le Père Noël et les enfants : le point de vue de Françoise Dolto
Au XXe siècle, la célèbre pédiatre et psychanalyste, décédée en 1988, avait eu l’occasion de s’exprimer à plusieurs reprises sur le Père Noël. Elle considérait que ce mythe était une belle voie d’accès à l’imaginaire et une sensibilisation au don désintéressé. Lorsqu’en 1962 son frère est devenu ministre des Postes et des Télécommunications, il lui a parlé de tout le courrier reçu à destination du Père Noël, avec une adresse au pôle Nord, dans le ciel ou ailleurs. Ainsi, elle a elle-même rédigé les premières réponses avant qu’un service soit mis en place, toujours existant, à Libourne.
Concernant le dialogue avec l’enfant autour de l’existence du Père Noël, elle avait donné l’exemple d’un de ses enfants qui se demandait d’où venaient tous ces Père Noël croisés dans les rues et dans les commerces. Elle lui avait expliqué que ces adultes étaient déguisés avec un costume alors que le vrai Père Noël, celui qui fait sa tournée pendant la nuit de Noël avec un traîneau, on ne pouvait jamais le voir car « quand on est petit, on ne sait pas faire la différence entre les choses vraies vivantes et les choses vraies qui se trouvent seulement dans notre cœur ».
 

Le Père Noël dans les albums

Cher Père Noël, Jeanne Ashbé, Pastel
Un livre plein d’humour. Un petit enfant écrit au Père Noël et, au lieu de lui réclamer des jouets, il lui raconte à quel point il aimerait le rejoindre et l’accompagner dans sa tournée.

Tchoupi et le père Noël, Thierry Courtin, Nathan
T’choupi manifeste beaucoup d’impatience en attendant le Père Noël, comme le lecteur : un livre à lire à deux voix, l’enfant pouvant participer à chaque fois qu’une image remplace un mot. 


Le Père Noël a disparu ! Mandy Archer, Chris Jevans, Tigre et Cie
Les aventures d’une petite souris à la recherche du Père Noël dans toutes les pièces d’une grande maison.
Album cartonné avec 40 volets à soulever.


Qui a volé le bonnet du Père Noël ? Emmanuelle Rey, Fleurus
Un livre rempli de détails avec tous les ingrédients de Noël : cheminée, neige, lutins, rennes, etc. Des volets à soulever pour faire participer l’enfant et maintenir son attention.



Petit Papa Noël, Sandrine Beau, Sophie Bouxom, Casterman
« Petit papa Noël, quand tu descendras du ciel avec des jouets par milliers, n'oublie pas … » : la célèbre chanson de Tino Rossi est détournée pour évoquer l’univers des contes d’une manière fantaisiste très sympathique.

La journée du Père Noël, Marion Billet, Lito
Tous les incontournables de la préparation de la nuit de Noël y sont, de l’atelier des lutins jusqu’à la livraison des jouets, le tout agrémenté d’une petite peluche Père Noël à déplacer au fil des pages.

Article rédigé par : Fabienne Agnès Levine
Publié le 13 décembre 2021
Mis à jour le 30 décembre 2022