Coronavirus : les tout-petits sont-ils si à l’abri ?

Alors que deux bébés de moins d’un an ont succombé au Covid-19 en seulement cinq jours aux Etats-Unis, l’inquiétude enfle. Parents et professionnels de la petite enfance s’interrogent de plus en plus sur la réalité de la protection dont bénéficieraient les plus jeunes face à l’épidémie.
Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, les plus jeunes semblent avoir jusqu’ici mieux résisté que leur aînés. Des nouvelles, notamment du front chinois, nous ont relativement rassurés sur les capacités de la population pédiatrique à se défendre face au virus. Une synthèse des observations internationales en cours, réalisée par le Dr. Jean Sarlangue, de l’Hôpital des enfants de Bordeaux, confirme que « le risque de formes graves et de décès et quasiment nul chez les nourrissons et les enfants ».

Pour autant, difficile d’avoir le recul suffisant afin d'évaluer objectivement la situation. Le Dr. François Vié le Sage *admet que : « les publications scientifiques fleurissent partout quotidiennement, mais nous ne savons encore pas tout de la maladie puisque nous la découvrons. La seule chose que nous pouvons dire pour le moment  - et qui pourra être amené à évoluer en fonction d’éléments scientifiques nouveaux - c’est : tout le monde est fragile, mais les enfants plutôt moins. »

Les moins d’un an plus vulnérables ?
L’actualité récente, avec les tragiques décès d’adolescents - dont une jeune fille de 16 ans en France - et ceux de ces deux bébés en moins d'une semaine aux Etats-Unis, doivent-ils nous faire redouter le pire et remettre en question la croyance que les plus jeunes seraient mieux immunisés que les adultes ? Ces craintes peuvent s’avérer d’autant plus légitimes à la lecture d'une étude chinoise prépubliée par l’American Académie of Pediatrics. Réalisée auprès de 2143 jeunes patients chinois âgés de 0 à 18 ans, entre le 16 janvier et le 8 février 2020, elle révèle que, parmi les enfants globalement moins à risque que les adultes, les nourrissons de moins d’un an seraient plus vulnérables au Covid-19. Cette tranche d’âge enregistrant le plus fort pourcentage (10, 6 %) de cas atteints d’une forme sévère ou critique de la maladie. Il s’agit d’une seule étude portant sur une cohorte limitée et sélectionnée.

 Relativiser les résultats
Pour le Dr. François Vié le Sage, aucune conclusion hâtive ne doit être tirée immédiatement : « A l’heure actuelle, il n’existe pas, à ma connaissance, d’autres études renforçant ce sens. Cela n’empêche malheureusement pas la survenue de cas graves et rares.  Mais, même si ce sont des drames individuels horribles, ces quelques cas ne sont pas significatifs épidémiologiquement. Par ailleurs, les données chinoises sont réalisées à partir de formes symptomatiques et ne prennent pas en compte la majorité a ou pauci symptomatiques ».  Le pédiatre pense qu'en l’absence d’autres études plus probantes, celle-ci tend surtout à confirmer que les enfants développent généralement des manifestations cliniques moins sévères que les adultes.

Vidal France, le site de référence des professionnels de santé a également analysé cette étude. L'article souligne aussi la nécessité de prendre avec précaution ses chiffres inquiétants : « En effet, seuls 34 % des enfants avaient une COVID-19 confirmée par un test, et la gravité des cas semble différente entre les cas confirmés et les cas suspectés. Ainsi, pour les « COVID-19 » confirmés par PCR, l'étude chinoise rapporte 2,5 % de formes sévères et 0,4 % de formes critiques, toutes tranches d'âge confondues. Pour les cas suspectés, il y avait davantage de formes sévères ou critiques : 6,7 % de formes sévères (2,7 fois plus) et 0,7 % de formes critiques (1,8 fois plus). Il est donc légitime de soupçonner une plus grande hétérogénéité des pathologies (ou des pluripathologies) dans la population « suspectée ».  En d’autres termes, les experts du Vidal, comme les auteurs de l’étude eux-mêmes, regrettent notamment l’absence d’information « sur d'éventuelles autres maladies dont souffraient les enfants étudiés ». La bronchiolite infectieuse, en particulier, pourrait figurer parmi les pathologies associées.

 La prudence s’impose
S’il convient donc de ne pas céder à la panique, le Vidal appelle néanmoins les professionnels de santé à maîtriser ces données épidémiologiques et à les comparer à l’avenir avec celles qui seront recueillies en France en en Europe « pour avoir une idée objective chiffrée de la gravité du COVID-19 dans la population pédiatrique ». Pour le moment, le Dr. Vié le Sage constate que « les remontées des services d’urgences pédiatriques dans les zones rouges française montreraient eeffectivement quelques cas de nourrissons à forme un peu plus sévère, mais sans létalité ni réanimation importante ». Et le médecin de conclure : « Le nourrisson doit donc être surveillé, mais sans affoler les adultes de son entourage qui doivent avant tout se surveiller eux-mêmes ».

*Pédiatre, membre du Groupement de Pathologie Infectieuse Pédiatrique, coordinateur de la commission scientifique de l’AFPA, et responsable du groupe vaccin de l’AFPA, membre d’Infovac.
 
Article rédigé par : Marie-Sophie Bazin
Publié le 31 mars 2020
Mis à jour le 15 mai 2020