Pollution : comment préserver la santé des enfants accueillis ?

La communauté scientifique est unanime : l'environnement a une forte influence sur la santé, et c’est tout particulièrement le cas pour les jeunes enfants. Alors, comment les protéger au mieux des effets de sa détérioration ? Guillaume Karr, ingénieur expert en santé environnementale et auteur du blog Santé des enfants et environnement fait un état des lieux scientifiquement étayé des impacts de la pollution sur la santé des plus petits et livre quelques conseils de prévention particulièrement adaptés à l'accueil individuel.
La qualité de l’environnement : un enjeu de santé publique
Notre santé est étroitement liée à celle du monde vivant qui nous entoure, et plus particulièrement aux impacts de la dégradation de l’environnement. Enjeu majeur de santé publique, ces impacts restent malheureusement difficilement évaluables [1], notamment au regard du grand nombre de substances produites (entre 100 et 150 000 sur le marché européen) et des faibles connaissances disponibles sur leurs effets [2]. Néanmoins, les évaluations existantes, bien que partielles, permettent déjà de confirmer l’ampleur de l’enjeu sanitaire. Quelques chiffres en France ?
  • Concernant la seule pollution de l’air extérieur, environ 48 000 décès prématurés par an sont attribués aux concentrations en particules fines (PM2,5), environ 8 000 au dioxyde d’azote (NO2) et 2 000 à l’ozone (O3) [3]. Ces chiffres, déjà impressionnants, pourraient être fortement sous-estimés [4,5].
  •  Concernant la pollution de l’air intérieur, l'Agence sanitaire française (l’Anses) estime que six substances seulement, parmi une multitude de polluants existants, seraient à l'origine de 20 000 décès et 30 000 pathologies : cancers, maladies cardiovasculaires, AVC, etc. [6]
  • Plus généralement, selon un rapport de l’Agence européenne de l’environnement (AEE) [7], « l’exposition à la pollution provoque 10 % des cas de cancer en Europe ».
     
Santé et environnement : les enfants ne sont pas des petits adultes !
Face aux risques sanitaires liés aux pollutions environnementales, certaines populations comme les jeunes enfants sont plus vulnérables. Car les enfants ne sont pas, comme on pourrait parfois le croire, de petits adultes « en plus fragile ». Ils sont en réalité plus sensibles aux effets des pollutions, à plusieurs titres :
  • A poids corporel équivalent, les enfants respirent plus d’air, boivent plus d’eau et mangent plus de nourriture et de poussière (contacts mains-bouche) que les adultes : leur exposition aux polluants est donc plus élevée [8].
  • Le fonctionnement du corps des enfants n’est pas arrivé à maturité : leur capacité de détoxification est plus faible. La neutralisation et l’élimination des polluants est plus lente.
  • Le développement de leur organisme repose sur des procédés extrêmement sensibles, qui peuvent être facilement perturbés. Ce développement inclut des « fenêtres de vulnérabilité » [9,10], sans équivalent chez les adultes, où de faibles expositions à des polluants peuvent conduire à des dommages graves et irréversibles, pendant l’enfance et même plus tard dans la vie.
De ce fait, les enfants ont besoin d’un haut niveau de protection contre les pollutions environnementales. Malheureusement, l’action des pouvoirs publics ne permet pas d’assurer une protection satisfaisante [2,11–15].


Les bons réflexes pour réduire l'exposition des enfants aux polluants
Il est donc indispensable de passer à l’action, au niveau individuel. Afin d’obtenir un haut niveau de protection pour les enfants, on peut s’appuyer sur des bonnes pratiques de santé environnementale, permettant de réduire les expositions préoccupantes. Voici quelques exemples :
  • S’équiper d’un aspirateur avec un filtre à haute efficacité (« HEPA »).
  • Aérer les pièces de vie tous les jours, pendant au moins 10 minutes, été comme hiver.
  • Pour le choix de produits de consommation courante, s’appuyer sur des labels reconnus et indiquant une absence ou une faible teneur en substances préoccupantes.
  • Laisser couler l’eau froide quelques instants le matin, avant de la consommer.
  • Privilégier, pour les repas, les poissons se trouvant au bas de la chaîne alimentaire aquatique (sardines, maquereaux, anchois, etc).
  • Préférer les « vrais aliments » aux « produits alimentaires ultra-transformés ».
  • Nettoyer les intérieurs avec des produits simples et dont la composition ne fait pas débat (vinaigre blanc, bicarbonate de soude, etc.)
  • Préférer les biberons en verre.
  • Éviter l’utilisation de désodorisants d’intérieur, surtout lorsqu’ils impliquent une combustion (bougies, encens).
  • Si des travaux sont envisagés sur le lieu d'accueil, choisir des peintures et des revêtements étiquetés A+.
Entourer les enfants d’environnements favorisant la santé !
En complément de la réduction des expositions préoccupantes, la santé environnementale invite à mettre les enfants au contact d’espaces naturels de qualité, « verts et bleus ». En effet, de nombreux bienfaits pour la santé des enfants ont été associés à des environnements incluant de la végétation et des eaux de surface [1].

Pour aller plus loin sur ce thème, découvrez le blog de Guillaume Karr : Santé des enfants et environnement, ses podcasts et ses vidéos.

 

Références

1. Agence Européenne Environnement (AEE). Healthy environment, healthy lives: how the environment influences health and well-being in Europe. 2020.
2. Bonvallot N, Brimo S, Boudes P, et al. Pour une gestion alerte du risque chimique - Risques (éco)toxicologiques pour les êtres humains et l’environnement dans une logique de biodiversité. Expertise collective. Rapport final. 2021.
3. Santé publique France (SpF). Impacts sanitaires de la pollution de l’air en France : nouvelles données et perspectives. 2016.
4. Lelieveld J, Klingmüller K, Pozzer A, et al. Cardiovascular disease burden from ambient air pollution in Europe reassessed using novel hazard ratio functions. European Heart Journal 2019 ; 40 : 1590–1596.
5. Vohra K, Vodonos A, Schwartz J, et al. Global mortality from outdoor fine particle pollution generated by fossil fuel combustion: Results from GEOS-Chem. Environmental Research 2021 ; 195 : 110754.
6. Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Étude exploratoire du coût socio-économique des polluants de l’air intérieur. 2014.
7. Agence Européenne Environnement (AEE). L’exposition à la pollution provoque 10 % des cas de cancer en Europe. Web report “Beating cancer — the role of Europe’s environment.” 2022.
8. Landrigan PJ, Etzel RA. Textbook of Children’s Environmental Health. Oxford University Press, 2014.
9. Kishi R, Grandjean P. Health Impacts of Developmental Exposure to Environmental Chemicals. 2020.
10. Barouki R, Gluckman PD, Grandjean P, et al. Developmental origins of non-communicable disease: Implications for research and public health. Environmental Health 2012 ; 11 : 42.
11. Demeneix B, Slama R. Endocrine Disruptors: From Scientific Evidence to Human Health Protection. European Parliament Reports 2019.
12. Harremoës P, Gee D, MacGarvin M, et al. The precautionary principle in the 20th century: Late lessons from early warnings. European Environment Agency (EEA), 2013.
13. Projet Human biomonitoring for Europe (HBM4EU). Presentations of the HBM4EU Final Conference. 2022.
14. Toutut-Picard É, Josso S. Rapport fait au nom de la Commission d’enquête sur l’évaluation des politiques publiques de santé environnementale. 2020.
15. Pipien G, Vindimian É. Évaluation du troisième plan national Santé-Environnement - Rapport n° 011997-01. Ministère en charge de l’environnement - Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), 2018.
 

Article rédigé par : Guillaume Karr
Publié le 08 juillet 2022
Mis à jour le 08 novembre 2022