Troubles auditifs : les signes d’alerte

Tous les nouveau-nés bénéficient désormais d’un dépistage de la surdité avant leur sortie de la maternité. Mais certaines déficiences auditives peuvent se développer au fil du temps, compromettant notamment l’accès au langage. Il est donc essentiel, notamment pour les professionnels de l’accueil du jeune enfant, de savoir les repérer.
En France, 1 enfant sur 1000 naît avec une surdité sévère à profonde bilatérale. Cette prévalence atteint 2,5 pour 1000 en incluant tous les degrés de surdité (légère, moyenne, sévère et profonde) et même 4 pour 1000 en comptabilisant les surdités unilatérales. Ces chiffres sont d’autant plus alarmants que notre pays a longtemps été à la traîne en matière de dépistage. Il y a encore peu, l’âge moyen du diagnostic se situait entre 18 et 24 mois. Un retard très préjudiciable quand on sait qu’appareiller un enfant à 12 mois, voire même parfois plus tôt, facilite ensuite considérablement l’acquisition du langage.

Pour améliorer cette situation, un arrêté ministériel du 23 avril 2012 a rendu obligatoire le dépistage de la surdité néonatale permanente. Dorénavant, tous les bébés bénéficient d’un test auditif appelé PEAA (Potentiel Evoqué Auditif Automatisé) alors qu’ils sont encore à la maternité. Pratiqué par une sage-femme ou une auxiliaire de puériculture, ce test est indolore et dure une dizaine de minutes. Il consiste à mettre des petits écouteurs/capteurs dans les oreilles du nourrisson tandis qu’un un troisième capteur est placé en haut de sa tête. L’appareil émet ensuite une stimulation sonore de 35 décibels. Ce niveau sonore très faible permet de détecter même les déficiences auditives légères.
Si le résultat laisse supposer un trouble de l’audition, il faut alors attendre 2-3 mois et s’adresser à un Centre Expert pour un bilan plus approfondi. Des « faux-positifs » sont en effet possibles chez les tout-petits. Voilà pourquoi 5% des bébés sont orientés vers un Centre Expert de l’Audition après un premier test auditif. Mais tous ne sont pas diagnostiqués déficients auditifs à l’issue des examens complémentaires pratiqués dans les Centres Experts de l’Audition.

Les otites séreuses souvent en cause
« Mais il peut arriver que des enfants passent à travers les mailles et ne fassent pas le bilan approfondi demandé après un résultat douteux au test pratiqué à la maternité », explique le Dr Emilie Tellier, médecin pédiatre au CAMSP Monfort de Lille. « C’est rare mais il peut aussi arriver que le PEEA soit tout à fait satisfaisant et qu’une déficience auditive ne s’installe que quelques mois voire quelques années plus tard. » Ces déficiences auditives peuvent alors être définitives, quand elles sont d’origine génétique ou font suite à une contamination par cytomégalovirus (famille des herpès virus qui inclut l’herpès, la varicelle, le zona…) à la naissance. Elles peuvent également être passagères - et heureusement c’est beaucoup plus fréquent - quand elles sont provoquées par l’accumulation de liquide dans l’oreille moyenne (otite séreuse). Dans tous les cas, il faut parvenir à les détecter le plus précocement possible.

Des enfants « dans leur bulle »
« Un enfant qui ne sursaute pas, ne se retourne pas quand un objet tombe, quand une porte claque, ce n’est pas normal, cela peut être le signe qu’il entend mal », rappelle le Dr Emilie Tellier. « Autre caractéristique des enfants souffrant de troubles de l’audition, ils dorment souvent beaucoup. Gardés en collectivité, ils ne semblent jamais gênés par les bruits des autres enfants. » L’absence de babillages chez un tout-petit, des cris permanents chez un enfant de 1-2 ans sont aussi des signes d’alerte. Bien sûr, même additionnés, ces points ne suffisent pas pour poser un diagnostic. Mais ils justifient de conseiller aux parents d’en parler à leur pédiatre qui les orientera alors probablement vers un ORL pour faire un bilan approfondi.

C’est ce qu’a fait Marion, éducatrice de jeunes enfants en crèche, quand elle a réalisé qu’un petit garçon de 18 mois ne tournait pas la tête quand elle l’appelait, semblait toujours extrêmement absorbé par ce qu’il faisait et ne prononçait aucun mot. Il ne faisait que gazouiller. « Après l’avoir beaucoup observé, j’en ai discuté en équipe et nous avons décidé d’en parler à sa maman qui a d’abord été complètement dans le déni. Mais nous avons eu plusieurs conversations avec elle et elle est allée chez un ORL qui a diagnostiqué des troubles de l’audition », se rappelle la jeune femme.

« C'est toujours une situation compliquée quand on se retrouve face à un parent dans le déni. Nous ne pouvons pas forcer les gens à comprendre ce que nous, professionnels, semblons percevoir. Je pense qu'il faut toujours user de tact et amener la discussion posément, sans agression et sans affirmation surtout. Un parent braqué est un parent qui n'écoutera pas et ne fera pas confiance. Il faut aussi trouver un endroit et un moment propices : discuter entre deux portes le matin ou le soir ne permet pas de développer son argumentation et d'avoir une réaction positive du parent, souvent pressé. Enfin, qu’il s’agisse d’évoquer un éventuel problème auditif, moteur, verbal… il ne faut pas hésiter à lire des articles et des livres sur le sujet, imprimer des passages pour le parent. Bref, s'informer pour bien l'informer. »

Deux types de surdité

- Dans le cas d’une surdité dite endocochléaire, les cellules de l’oreille interne chargées de transmettre l’information au nerf auditif ne remplissent pas leur fonction. La pose chirurgicale d’implants cochléaires, associée à une rééducation orthophonique, permet à l’enfant de développer son langage et d’envisager une scolarisation normale.
- Dans le cas d’une surdité dite rétrocochléaire, le nerf auditif étant atteint, la pose d’implants donne des résultats beaucoup plus variables. Malgré tout, plus un enfant sera diagnostiqué tôt, mieux il sera pris en charge et pourra apprendre à communiquer autrement avec son entourage, notamment via la langue des signes.

Article rédigé par : Aurélia Dubuc
Publié le 15 novembre 2018
Mis à jour le 09 décembre 2019