Controverse autour des recommandations sur le syndrome du bébé secoué

Adikia, l’association des parents accusés de maltraitance infantile par la voie de son avocat Grégoire Etrillard a demandé lundi dernier 2 décembre 2019 à la Haute Autorité de Santé (HAS) d’abroger ses recommandations de 2011 et 2017 sur le syndrome du bébé secoué (SBS).  selon l'association, ces recommandations seraient à l’origine de nombreuses erreurs judiciaires.

Dans une lettre de 25 pages adressée à la Présidente de l’HAS, l’association Adikia dénonce les ravages causés chez les familles « faussement accusées » de maltraitance sur leur enfant alors même qu’elles sont, après de nombreux recours, « ultérieurement innocentées ».
Rappelons que le syndrome du bébé secoué est un traumatisme crânien non accidentel engendré par le secouement d’un bébé. Cet acte survient le plus souvent lorsque la personne qui s’occupe du bébé n’arrive plus à garder son calme face à ses pleurs. Il peut entraîner de lourdes séquelles et de graves lésions du cerveau, on dénombrait pour la seule année 2017 plus de 200 cas de bébés secoués.

Des familles accusées à tort 
L’association Adikia réunit plus de 300 familles accusées à tort de maltraitance infantile qui subissent un calvaire quotidien : « le retrait de leur bébé pendant des années, séparation forcée des couples, poursuites criminelles, condamnations ».
Dans sa lettre à l’HAS, l’avocat de l’association évoque notamment le cas d’une mère pourtant innocentée qui « toutes les quatre heures pendant six mois, a dû tirer son lait et le mettre dans des biberons, parce que son enfant a été placé à l’âge de six semaines, et qu’elle voulait, pour le bien de son enfant, qu’il soit allaité – mais qui n’avait pas le droit de l’approcher, parce que ces recommandations disaient que c’était un bébé secoué, que « l’enquête devra déterminer la responsabilité de chacun » et que ce nourrisson « pourrait être psychiquement déstabilisé d’une rencontre avec la personne l’ayant maltraité » ».
Toutes ces familles affirment que les recommandations de l’HAS doivent donc être abrogées car elles seraient « illégales comme entachées d’incompétence et d’erreur d’appréciation ».

Les recommandations de l’HAS contiendraient des erreurs scientifiques
Selon l’association, aucun des membres du groupe de travail et des chargés de projets à l’origine des recommandations (y compris la Présidente) « n’est spécialisé en neurologie pédiatrique ». Ces recommandations seraient, pour eux, « bien trop affirmatives sur de nombreux sujets médicaux non démontrés ou controversés, quand elles ne sont pas simplement fausses, ne présentant ainsi pas les gages d’impartialité et d’exactitude attendus d’une telle publication ».
Les recommandations de l’HAS ne tiendraient également pas compte des « multiples causes médicales » des symptômes diagnostiqués chez les bébés dont certains « ont une incidence majeure sur les faux diagnostics de maltraitance ». La lettre de l’avocat fait notamment mention du syndrome « Ehlers-Danlos » ainsi que des « maladies génétiques affectant le collagène » dont les symptômes pourraient être confondus avec le SBS.

La place de l’HAS dans un processus judiciaire
La lettre précise également qu’il y aurait une « irruption de la Haute Autorité de Santé comme acteur majeur dans le processus judiciaire » et que cela ne relèverait « ni de sa mission ni de sone expertise ». En effet, les plaignants ont constaté que les recommandations de l’HAS viendraient s’inscrire « dans une démarche de constitution d’un dossier pénal » et non de soins.
L'association laisse deux mois à l’HAS pour lui répondre et a précisé qu’un refus de leur part d’abroger les recommandations lui ferait porter cette affaire devant le Conseil d’Etat.

La réponse de l’HAS
Contactée, l’HAS ne souhaite pour le moment pas prendre de position officielle sur ce courrier et affirme qu’elle fournira une réponse. Elle tient toutefois à apporter plusieurs précisions : tout d’abord « notre domaine d’action est la santé et non pas la justice » spécifie-t-elle. Par ailleurs, l’HAS tient à dire qu’elle ne se substitue pas au juge, ce n’est pas son métier et elle n’a pas les données pour répondre aux affaires individuelles. L’HAS s’adresse en effet aux professionnels de la santé, leurs recommandations ne sont donc pas « opposables » mais informatives.
En 2011 lors des premières recommandations, l’HAS avait souhaité sensibiliser les parents à réagir de la meilleure manière pour éviter une récidive de secouements et non pas les accuser. Leur fonction est d’outiller les professionnels pour diagnostiquer et repérer des cas de SBS. « Les professionnels qui accueillent les bébés aux urgences ont l’obligation déontologique et légale de faire un signalement à la Cellule de Recueil des Informations Préoccupantes (CRIP) ou au procureur de la République s’ils ont une suspicion de maltraitance. Dans le cas contraire, ils peuvent être accusés de non assistance à personne en danger. Le travail des professionnels de la santé aux urgences est de prendre en charge l’enfant et de comprendre ce qui s’est passé. Ils ne sont pas là pour accabler ou juger » nous a précisé l’HAS

Rappelons que dans le nouveau carnet de santé 2018 à destination des familles, il est fait mention des risques liés au secouement des bébés.
 
Article rédigé par : Nora Bussigny
Publié le 06 décembre 2019
Mis à jour le 06 décembre 2019