Des albums jeunesse pour parler des liens mère-enfant

Le choix du pluriel s’est imposé pour ce thème : il n’existe pas une forme de lien mais bien des liens protéiformes entre mère et (jeune) enfant. Il y a des points communs bien sûr, mais aussi des différences. Ce sont, la plupart du temps, des liens intenses, perceptibles dans les petits riens, ces petites choses du quotidien, une odeur, une sensation, une action, un soin sans cesse répété, un mot… 1001 façons d’être mère, des cultures, des personnalités, pas toujours de bonnes recettes (de grand-mère), mais des histoires de transmissions… Une maman n’est pas de marbre : elle est humaine, elle a ses bons jours et ses mauvais jours, ses joies et ses tristesses, sa patience et sa fatigue, ses colères et ses limites. Elle a bien souvent une place de choix dans le cœur des enfants tout en laissant une place pour l’autre, les autres : le père, le co-parent une tante, une nounou, les grands-parents, les copains… Il y a cet amour si particulier, indéfinissable, parfois accessible au premier regard, parfois plus difficile à mettre en route. Les livres sélectionnés dressent les portraits de toutes sortes de mères. Ils permettent ainsi de conter ces liens indicibles, bien souvent avec poésie et humour, en s’adaptant au langage et à l’univers du jeune enfant. Il en existe évidemment tant d’autres, mais (é)lire c’est choisir. Nul doute que cette sélection d’albums mènera vers d’autres titres, tant les mamans sont à l’honneur dans la littérature jeunesse. Un thème qui met du baume au cœur.
« Toutes les mamans », 2005, Bisinski Pierrick et Alex Sanders, L’école des loisirs
L’histoire : 
Chaque page invite à associer « maman » avec un autre mot « maman câlin », « maman cœur », « maman fleur », « maman reine », « maman frite »

Ce qui plaît : 
-    Le format cartonné, facile à manipuler 
-    Les petits onglets illustrés en haut du livre qui rendent cette collection d’autant plus attrayante et ludique pour les tout-petits
-    Des dessins qui donnent le sourire 
-    Le texte élémentaire, proche du développement du langage chez le très jeune enfant
-    Le livre peut aussi être utilisé comme un imagier

Ma lecture de psy : 
Pas de grande lecture psychologique ni philosophique pour ce petit livre « bonbon », léger et joyeux à conseiller plutôt pour son côté accessible dès le plus jeune âge. Reste l’indéniable charme de la musique du mot « maman ». Notons que celui-ci compte souvent (et quasi universellement) parmi les premiers mots (souvent d’ailleurs précédé par le mot « papa »!). 

A partir de : 4 mois jusqu’à 18 mois environ 

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« Ma maman », d’Antony Browne, 2006, L’école des loisirs
L’histoire :
Ce livre nous raconte en quoi « elle est bien, ma maman ! », ce qui fait d’elle quelqu’un d’ordinaire, et d’extraordinaire, jusqu’à parler de ce sentiment d’amour spécifique qui unit mère et enfant… pour toujours.  

Ce qui plaît : 
-    Le texte court et accessible 
-    On note tout de même différents niveaux de compréhension suivant les âges 
-    Le graphisme des personnages unique, reconnaissables parmi tous,  d’Anthony Browne. 
-    Le recours aux expressions imagées, comme avoir la « main verte »
-    La condensation des images, des registres et des thèmes qui rappellent le rêve ou encore le mélange réel-imaginaire des constructions psychiques du jeune enfant.
-     La marque de fabrique d’Anthony Browne : le motif apparent (cette fois-ci avec des fleurs et des cœurs), symbole d’un même personnage (la maman) que l’on retrouve à chaque page et sous différentes formes (une robe de chambre, une cape de super-héroïne…)
-   Les mots de la fin « elle m’aime… et elle m’aimera toujours ! », que les tout-petits retiennent très vite ! 

Ma lecture de psy :
Anthony Browne décrypte avec humour, jeu et métaphores l’univers bien rempli en tâches en en émotions de la jeune (ou moins jeune) maman et de l’enfant qui en est à la fois l’observateur et l’acteur principal. La charge mentale y est finement représentée.
Le registre est définitivement joyeux, léger, sans toutefois lisser les apparences que peut revêtir la mère de jeunes enfants : la mère courage, la mère qui gronde, la mère câlins, la mère clown, la mère-femme, la mère travailleuse, la mère « jongleuse » au quotidien… La maman est la star de ce best-seller (notons que l’enfant-narrateur n’apparaît pas dans les illustrations), trésor de la littérature jeunesse, à glisser entre les mains des enfants dits d’âge « moyen » et « grands » des lieux d’accueil afin qu’ils puissent écouter, lire et relire cette histoire simple à comprendre et à retenir mais plus subtile qu’elle en a l’air (un peu comme les mamans d’ailleurs !). 

A partir de : 12 mois jusqu’à 6 ans environ 

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« Mon amour», d’Astrid Desbordes et Pauline Martin, 2015, Albin Michel jeunesse
L’histoire :
Le livre débute par une question d’Archibald à sa maman une fois venu le temps du coucher : « Est-ce que tu m’aimeras toute la vie ? ». S’ensuit le récit de l’amour maternel, presque une déclaration « Je t’aime quand… et quand… »…jusqu’à livrer son secret ultime «  je t’aime chaque jour… et pour toujours ». 

Ce qui plaît : 
-    La description fine et assez complète des situations banales pourtant sous-tendues par un amour inconditionnel. 
-    Un récit qui conte avec simplicité l’extraordinaire richesse et les profondeurs de l’amour maternel 
-    Les dominantes de couleurs claires : rose, bleu, vert, gris, des touches jaune et de rouge (souvent chez Archibald, qui ressort avec vivacité de ce tableau de douceur)

Ma lecture de psy :
La première scène rappellera à tous les parents (d’enfants en âge de parler) la fameuse question philosophique au moment du coucher, instant rare et privilégié qui permet parfois d’aborder la complexité des émotions de la journée (cela mérite d’ailleurs bien souvent de retarder quelque peu l’endormissement !). 
Pour les plus jeunes, le livre peut être lu simplement, en échangeant ou en répondant à certaines questions si toutefois l’enfant interpelle l’adulte. Pour les plus grands, ce peut être l’occasion de revenir sur la différence entre les exigences et attentes éducatives des parents au quotidien (la politesse, la propreté…) et l’amour inconditionnel qui se glisse partout quels que soient les figures de style, d’attitude, de haute voltige ou de sagesse que montrent mère et enfants. 
Par ailleurs, au fil des pages et des situations, mère et fils sont unis, présents l’un pour l’autre consciemment et inconsciemment, mais sont loin d’être les seuls protagonistes. Le père (ou le conjoint du point de vue de la mère), les amis, les loisirs, la liberté, les différences font office de tiers et ont une place à part entière dans ce duo aux liens si forts. Une belle leçon de psychologie !

A partir de : 2 ans jusqu’à 8 ans environ 

« Une maman, c’est comme une maison », 2019, Aurore Petit, Editions Les fourmis rouges
L’histoire : 
Aurore Petit évoque avec singularité ce qu’est une maman de tout-petit (jusqu’à la marche finale !), avec autant d’images descriptives, comparatives qu’évocatrices : « une maman c’est comme »« une maison », « un nid », « le sommet d’une montagne », « un kangourou », « une fontaine », « la lune dans la nuit »… 

Ce qui plaît : 
-    Le graphisme contemporain, dynamique, qui contraste avec la poésie et la douceur des mots
-    La simplicité du phrasé
-    Les images et les métaphores qui laissent la place aux très jeunes enfants comme aux lecteurs plus mâtures en mesure de saisir les subtilités du langage 

Ma lecture de psy : 
On se laisse aisément porter et bercer par ce texte d’Aurore Petit, à l’instar de la relation mère-bébé (environ la première année de vie) qu’elle décrit. Les images qu’elle convoque sont celles de la mère contenante, mère-enveloppe ou mère-miroir (rappelant la figure décrite par D.W. Winnicott),  qui porte physiquement et psychiquement le bébé lové, câliné, jouant ou explorant jamais loin du corps de sa maman. 
Une maman? c’est comme une maison, une maison « gigogne » en quelque sorte dont les constructions psychiques tiennent en appui en grande partie sur le co-parent, ce que les illustrations en présence du père viennent à rappeler. 
Enfin, les images poétiques prendront tout leur sens avec des plus grands, voire les aînés... un doux parfum de déjà vu pour les enfants et les adultes qui liront et reliront ce livre comme on boit du petit lait. 

A partir de : 18 mois jusqu’à sept ans environ 

14,50
« Maman », 2018, d’Hélène Delforge et Quentin Gréban, Editions Mijade
L’histoire : 
Ce n’est pas une histoire mais trente et une petites histoires que nous propose ce livre : une maman qui s’endort avec son bébé, une maman qui porte son bébé sur le dos, l’autre sur le ventre, une maman qui transmet à sa fille, une autre à son fils, une mère qui part travailler, une qui renonce à sa carrière de médecin, une mère qui insiste pour que son fils mange des brocolis, une marquise qui perd le sourire tandis qu’une nourrice prend sa place, une mère qui perd son enfant, une maman solo, une mère qui allaite et fait fi des injonctions, une maman « big brother »… Des mamans du monde entier, 31 trésors de littérature et d’illustration, entre flashs (back) poétiques et madeleines de Proust. 

Ce qui plaît :
-    La beauté du livre : l’esthétique, tant sur la forme que sur le fond, du texte et des illustrations. 
-    Les mille et une émotions ou sensations suscitées par les textes : nostalgie, tristesse infinie, joie la plus intense, magie des premières fois, jeux et créativité au beau milieu des routines, sentiments d’injustice, d’incompréhension, bulles, cocons de paradis, odeurs, saveurs, bruits et bruissements, chaud, froid, soit toute une ode à la sensorialité de la petite enfance…
-    La diversité des registres suivant les textes : tantôt théâtral, tantôt poétique, des rimes à la prose, court ou long, en chanson… il y en a pour tous les goûts, et toutes les capacités d’attention ! 

Ma lecture de psy : 
Hélène Delforge et Quentin Gréban réalisent là un tour de force : dépeindre à la fois la mère-ressource infinie et la mère-triste, fatiguée, exténuée. Sur certaines illustrations, on devine presque la dépression du post-partum, sans jamais explicitement la nommer. L’ambivalence qui infiltre les relations mère-enfant se lit entre les lignes et peut se dire, se questionner, s’expliquer plus ou moins, suivant l’enfant lecteur ou attentif et l’histoire de chacun. 
En consultation de psychologie, un livre qui pourrait même agir comme un test projectif, autant pour l’enfant que pour la mère-« veilleuse » ou « éteinte » qui l’accompagne, sans jamais juger. 
En lieu d’accueil pour les jeunes enfants, on peut laisser feuilleter l’enfant dans une libre découverte de ce qui le touche ou le laissera plus indifférent, rester à l’écoute de ses questionnements, sans interprétation. A l’école, on peut éventuellement faire une sélection de textes adaptés à l’enfant lecteur ou non lecteur selon les thèmes étudiés (les cultures du monde, la fête des mères…). 

A partir de : 3 ans jusqu’à 99 ans ! 
Si toutes les illustrations conviennent aux jeunes enfants, on peut choisir en tant qu’adulte de lire (ou de ne pas lire) certaines pages, de les découvrir pas à pas, selon le message qu’elles recèlent, le registre, le vocabulaire et le niveau de compréhension de l’enfant. 

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« Maman Oie/Ours », 2016, T. Higgins, Editions Albin Michel
L’histoire : 
Michel est un ours grincheux, fin cuisinier et gourmet qui raffole des œufs. Mais voilà qu’un beau jour, il découvre dans sa cuisinière non pas des blancs ou des jaunes mais des oisons ! Ceux-ci, découvrant comme première figure celle de Michel, ne tardent pas à s’exclamer « Maman ! ». Le voilà victime d’une terrible « erreur d’identité ! »… Michel tente tout pour faire fuir les oisons, qui ne le quitteront pourtant pas d’une semelle. Il apprend donc avec sérieux, sur le tas, et non sans difficulté, son nouveau rôle de « maman »

Ce qui plaît : 
-    L’originalité de l’histoire
-    Le comique de la situation venant notamment du décalage entre la tendresse énergique des oisons et le côté bourru de cette « maman » pas comme les autres !
-    Les personnages attachants (même Michel, bien malgré lui !)
-    Des sujets sérieux comme l’écologie ou la critique de la société de consommation, abordés avec humour
-    Le récit décapant 
-    La possibilité de retrouver Michel et les oies dans d’autres aventures (une série qui comporte actuellement 5 tomes)

Ma lecture de psy : 
Les allusions à la psychologie sont nombreuses dans cet opus qui offre une variante pour le moins singulière du fameux phénomène d’empreinte décrit par l’éthologue Konrad Lorenz dans les années 30. Celui-ci avait en effet prouvé que, plusieurs heures après l’éclosion, les oies pouvaient suivre (et ainsi s’attacher) à la figure qui se présentait à elles (et donc notamment Konrad Lorenz !).  Il faut voir les célèbres films pour y croire. C’est donc un nouveau scénario qui se décline ici avec Michel et ses oisons, nous rappelant, en transposant au petit humain, que la fonction maternelle n’est ni l’apanage des femmes, ni des personnes qui ont porté l’enfant dans leur ventre. 
« Michel » a le mérite de mettre en lumière d’autres aspects de la fonction maternelle : les charmes de ce rôle ne sont pas forcément accessibles à tous/toutes ou au premier regard, ce qui n’empêche pas les liens d’attachement, tissés au fil du temps et du processus de parentalité.

A partir de : 3 ans jusqu’à 7 ans environ 

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Article rédigé par : Marine Schmoll
Publié le 23 mai 2022
Mis à jour le 23 mai 2022