Encastrements et boîtes à formes, laissez-les tâtonner !

Souvent trop chargés et complexes, les boites à formes et jeux d’encastrement sont pourtant une étape essentielle dans le développement de l’enfant. A condition qu’on le laisse tâtonner pour trouver ses repères et consolider ses acquis.

 
Accompagner l’enfant dans son développement sensoriel et psychomoteur, c’est bien sûr lui proposer des activités adaptées à ses besoins, à ses progrès. « L’important, explique Anne-Sophie Casal, psychologue au FM2J,* c’est d’avoir une véritable progressivité dans le matériel mis à disposition. » Autour de deux ans, l’enfant devient capable d’exercer une représentation mentale. Dans cette période sensible, on va pouvoir lui proposer des jeux d’agencement et de manipulation, trivialement appelés encastrements, puzzle ou boites à formes qui lui permettront également d’affiner sa coordination œil-main, la préhension et tout le vocabulaire spécifique. On commencera par des éléments à encastrer sur une planche simple avec de bonnes poignées pour faciliter la préhension. Tout d’abord une forme unique à commencer par le rond, puis des formes géométriques (le carré, le triangle) et enfin des formes plus complexes (les étoiles, les fleurs etc.). Il y a aussi la boite à formes qu’il est essentiel de choisir très basique, avec une surface plate et tout au plus trois formes différentes mais bien distinctes, pour lesquelles le rond ne rentrera que dans l’alvéole ronde, et ainsi de suite. Enfin, les puzzles en bois, en augmentant petit à petit le nombre de pièces et la complexité.  Autour de la boite à formes qui associe la notion de volume, l’enfant va non seulement toucher les formes et les alvéoles pour affiner sa représentation dans l’espace mais également approfondir, étape par étape, les notions de vider, remplir, cacher, trouver, dedans, dehors... Avec les encastrements et puzzles, l’une des difficultés majeures reste l’orientation des éléments qui nécessite patience et précision là ou les gestes des tout-petits manquent encore de contrôle.

L’importance de l’erreur
C’est ce tâtonnement expérimental qui va lui permettre de se rendre compte que le rond ne peut entrer dans l’alvéole carrée. Mais pour en être certain, il a besoin d’expérimenter à plusieurs reprises pour consolider sa connaissance et confirmer son intuition. « J’ai le souvenir d’un enfant qui avait réussi du premier coup à faire rentrer le rond dans l’alvéole ronde et qui a pourtant passé près de dix minutes à expérimenter les autres « trous », pour s’assurer que le rond ne rentrait ni dans le carré, ni dans le triangle mais bien dans le rond », raconte Anne-Sophie Casal. A chaque essai, l’enfant entre dans une compréhension spatiale de son support (c’est large ou étroit, c’est grand ou petit, c’est à l’endroit ou à l’envers) et exerce ses capacités de mémorisation (celui-ci se met là). L’erreur, elle, est « une confrontation normale et nécessaire avec la réalité, qui permet de nous réajuster et de préciser nos connaissances et nos prédications. L’erreur est constitutive de l’apprentissage » explique Céline Alvarez, dans son dernier ouvrage**.  Or bien souvent elle est perçue comme une faute que nous cherchons à épargner à tout prix à l’enfant. Quel dommage !

L’aider à faire seul
Plutôt que de le guider, de lui enseigner une méthode qui  ne sera pas la sienne, laissons l’enfant faire à sa manière, sous le regard bienveillant de l’adulte qui l’encourage. Car aider l’enfant à faire seul nécessite de prendre le temps de l’observer, puis le temps de le laisser faire effectivement, sans étouffer son désir et sa spontanéité. Et à chaque alvéole remplie, c’est un peu plus d’estime de soi et de confiance en lui de gagnées. Mais si le jeu semble trop difficile, un petit coup de pouce peut être bienvenu pour qu’il puisse terminer l’activité avec la plus grande satisfaction. En revanche, si aucun enfant ne parvient à finir le jeu en question, à l’équipe de se poser les bonnes questions et de le retirer. C’est qu’il est trop complexe ou pas adapté… Voilà une bonne raison de plus d’observer avec attention les enfants jouer !





*Anne-Sophie Casal, psychologue, spécialisée dans le développement du jeune enfant et de ses lieux d'accueil est responsable du secteur petite-enfance du Centre national de Formation aux Métiers du Jeu et du Jouet (FM2J).

**Les lois naturelles de l’enfant de Céline Alvarez, Editions Les arènes
 

Quand la tablette déforme la réalité

Il faut se méfie des jeux de puzzle sur tablette que les parents présentent à leurs enfants, rassurés par leur aspect pédagogique. Attraper une pièce dans ses mains et la manipuler c’est bien différent que de la faire glisser du bout du doigt sur un écran. »

Article rédigé par : Laurence Yéme
Publié le 18 novembre 2016
Mis à jour le 20 avril 2018