Les Maisons d’Assistants Maternels ont le vent en poupe.

Les Maisons d’Assistants Maternels (MAM) se sont développées de façon exponentielle ces dernières années : elles sont passées de 235 en 2011 à 1267 en 2016. Mais paradoxalement ce succès pourrait bien se retourner contre elles, tant elles sont jalousées. Le point sur ce mode d’accueil hybride, entre accueil individuel et accueil collectif.

 
Elles ont commencé toutes petites. Par une expérimentation dans un département de l'Ouest de la France, la Mayenne, en 2004. Une loi est venue en 2010 reconnaître que ce mode d’accueil original avait toute sa place dans le monde de la petite enfance. La loi a donc entériné l’existence des MAM tout en préservant la souplesse du cadre : pas de normes contraignantes quant au local et à l’encadrement. En tout cas rien à voir avec les normes exigées pour des structures collectives telles les crèches et les multi-accueil, ni même les micro-crèches bénéficiant pourtant d’un régime dérogatoire vu leur taille (10 enfants maximum). Pour les MAM, comme pour les assistants maternels, on reste dans le cadre d’un agrément et d’une formation initiale assez légère (2x60h).

Des textes et décisions favorables aux MAM
Dès lors les MAM se développées, chacun semblant y trouver son compte : les assistants maternels, les parents et leurs enfants et les pouvoirs publics puisque ce mode de garde n’est pas très coûteux pour la collectivité. Assez nombreuses dans l’Ouest de la France, il n’en existe aucun dans la Drome, le Cantal et les Ardennes. Certains départements comme la Haute-Garonne ne les voient pas d’un bon oeil, d’autres comme la Loire Atlantique les encouragent. Il n’ y a en a pas beaucoup à Paris et dans la petite couronne vu le coût de l’immobilier.
Pour gommer ces disparités et donner un cadre un peu plus structuré à la création des MAM, le Ministère des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, en liaison avec la CNAF, a publié un guide des Maisons d’Assistants Maternels. A destination des assistants maternels porteurs de projets et des PMI, l’idée  étant d’aider les premiers à monter des projets viables et pérennes et les secondes à harmoniser leurs pratiques pour éviter les disparités et l’opacité de certaines pratiques (refus ou exigences incompréhensibles). Dans la foulée de ce guide (qui n’est pas un référentiel au grand dam des associations d’assistants maternels), la CNAF a publié une circulaire instituant une prime à l’installation de 3000€ pour les MAM se créant dans des zones prioritaires et une charte de qualité.

Bilan positif selon un rapport du Sénat
Et quelques semaines plus tard, c’est la Commission des Affaires Sociales du Sénat qui publie un rapport * intitulé : « Les Maisons d’assistants maternels : une solution innovante pour un accueil de proximité et de qualité »
Ce rapport dresse un bilan de la loi de 2010. Le constat  très positif reste dans l’esprit des documents publiés précédemment par le Ministère et les CNAF, même si ses auteures ont établi 10 recommandations pour améliorer le système. Les auteures *du rapport voient dans ce mode d’accueil de multiples avantages tant pédagogiques : accueil personnalisé du jeune enfant tout en favorisant un épanouissement au sein d’un petit groupe. Mais aussi sociaux : cela répond bien aux besoins locaux notamment en milieu rural et participe de la professionnalisation des assistants maternels grâce au travail en équipe. Et bien sûr économiques : « Soutenir une MAM est moins coûteux pour les finances publiques locales que créer et gérer un établissement d’accueil du jeune enfant ». Dans ces conditions, on comprend que les  deux sénatrices ne jugent ni utile ni pertinent d’imposer de nouvelles normes même si bien sûr elles notent que certaines ambiguïtés doivent être levées.

Deux poids, deux mesures ?
Les représentants des structures d’accueil collectif ne décolèrent pas. Tant de lauriers pour les MAM les agacent. Ils ont l’impression que peu à peu les MAM vont remplacer les EAJE, qu’elles offrent clairement un accueil collectif sans en avoir les contraintes (code de la santé publique, PSU, qualification du personnel), et qu’elles ont beau jeu de briller… Catherine Pons, directrice d’un EAJE associatif et membre du bureau de la FNEJE ( Fédération Nationale des Educateurs de Jeunes Enfants ) se révolte : « non seulement les MAM n’ont pas nos contraintes mais en plus elles se sont implantées de façon anarchique sans aucune cohésion territoriale. Sans se préoccuper des véritables besoins de la population. Bien sûr cela va changer mais les MAM existantes sont là et bien là ».
Et de poursuivre : « je comprends la logique financière qui pousse les pouvoirs publics à favoriser l’émergence des MAM, mais pense-t-on à la qualité de l’accueil et aux enfants ? La qualification des assistants maternels – deux modules de CAP Petite Enfance - n’est pas suffisante pour un accueil collectif. N’oublions pas que 4 assistantes maternelles peuvent accueillir 16 enfants dans une  MAM ! Plus qu’une micro-crèche.  Et pense-t-on à l’équité de traitement pour les familles ? Un accueil en MAM est plus cher qu’un accueil en EAJE ». Pour la FNEJE et les pros qui travaillent en crèche ou micro-crèche, les MAM n’ont plus rien à voir avec un accueil individuel.
Ce que nie Sandra Onyszko, de l’UFNAFAAM (Union Fédérative Nationale des Familles d’Accueil et des Assistants maternels) : « une MAM reste un accueil individuel, avec ses valeurs. Ce n’est pas un accueil collectif qui ne dit pas son nom. Une bonne MAM n’essaie pas de reproduire le système collectif », assure-t-elle. Et d’ajouter : « si on veut que nous ayons les mêmes contraintes que les accueils collectifs, alors qu’on nous donne les mêmes accompagnements y compris financiers qu’eux. Et si on nous reproche d’être plus cher, c’est parce que le Cmg est moins intéressant que la PSU ou que le Cmg structure dont bénéficient les micro-crèches ».
Un dialogue de sourds en quelque sorte … Même si l’UFNAFAAM n’est pas hostile à un encadrement tel que le suggère le rapport Giampino avec la création d’une mission de coordination des MAM dans chaque département. « A condition que ce ne soit pas exclusivement du contrôle façon PMI », précise Sandra Onyzsko

De MAM en MEJE
Après les MAM, on voit naître quelques MEJE… des Maisons d’Educateurs de Jeunes Enfants. « Pourquoi pas, dit Catherine Pons. Je comprends mes jeunes collègues qui, écoeurées par ce qui se passe, décident d’exercer leur métier ailleurs et autrement ». En fait les MEJE sont des MAM créées par des éducateurs de jeunes enfants diplômés qui demandent un agrément d’assistant maternel et s’associent pour travailler ensemble et accueillir des enfants aux conditions des MAM. Une façon d’échapper  aux lourdeurs des EAJE (hiérarchie, pressions, perte de sens du métier au profit de la rentabilité. Voir à ce sujet notre dossier : Crèches , état des lieux et états d'âme.) tout en créant une structure légère mais collective. Une autre façon de voir l’avenir … qui, comme le dit le rapport du Sénat, laisse entrevoir que le développement des MAM va s’amplifier encore pour devenir un mode d’accueil majeur dans la Petite Enfance






*  Caroline Cayeux (Les Républicains .Oise) et Michelle Meunier (Socialiste et républicain. Loire Atlantique)



 
Article rédigé par : Catherine Lelièvre
Publié le 23 juin 2016
Mis à jour le 15 octobre 2019