Accueil collectif : les entreprises de crèches préoccupées

Alors que la future COG est encore en cours de négociation entre la Cnaf et l’État et que la Branche Famille  vient de communiquer ses chiffres provisoires 2017 pour les modes d’accueil collectif, on sent que chacun veut peser sur les choix qui seront faits. Car comment concilier avec une ligne budgétaire qui ne sera pas en hausse, les deux objectifs des modes d’accueil : permettre la conciliation vie professionnelle et vie familiale, et en faire l’instrument de la lutte contre les inégalités précoces et la pauvreté des enfants. Les entreprises de crèches se font du souci. Explications.
Moins d’ouvertures de places de crèches mais boom des projets de création subventionnés
Selon les chiffres provisoires de la Cnaf, les ouvertures de places en crèche ont chuté en 2017 de 1,49% par rapport à 2016, année qui enregistrait une baisse de 22,99% : 13206 places créées seulement en 2017. Cette baisse concerne essentiellement les micro crèches -Paje (4589 places ouvertes contre 5700 en 2016) et épargne les crèches-PSU qui affiche une progression : 8617 places ouvertes contre 7700 en 2016. Il est donc logique que le total des ouvertures soit en légère baisse, puisque ces dernières années la contribution des micro-crèches ne cessait de progresser et faisait la différence.
Mais, au total on peut noter que le nombre de nouvelles places offertes en crèches est en forte hausse : 9616 places en 2017 contre 7800 en 2016. Cette hausse totale de 23,28% s’explique par la chute de nombre de places détruites (elles ne sont que 3590 alors qu’en 2016, elles étaient 5600). Par ailleurs et c’est aussi plutôt une bonne nouvelle : les projets subventionnés sont passés de 10.582 en 2016 à 16.100 en 2017, soit une hausse de 52 % sur un an.* Évidemment cela ne crée pas des places dans l’immédiat, puisqu’il faut compter au moins deux ans entre la décision et l’ouverture effective des structures. Néanmoins c’est plutôt de bon augure pour les années à venir.
Les chiffres peuvent être interprétés différemment. C’est l’histoire du verre à moitié vide et à moitié plein. Certains se réjouissent de ce total net en forte hausse et de la multiplicité des nouveaux projets. La Fédération française des Entreprises de Crèches (FFEC), elle, se dit préoccupée devant la chute des créations de places qui concerne tout particulièrement les micros crèches le plus souvent portées par des gestionnaires privés. Et insiste sur le fait que ces 13 000 places nouvelles ne suffisent pas à faire face aux besoins et aux demandes, rappelant qu’il y a 2,3 millions d’enfants de moins de 3 ans pour 436 000 places de crèche ! Il faut selon, elle, accélérer le rythme de création.

Des modes d’accueil pour toutes les familles
Et La FFEC souligne dans un communiqué que « c’est quatrième année consécutive que les ouvertures de places de crèche chutent en France ». La FFEC précise aussi que le privé porte 80% des créations de places et à ce titre demande « une politique ambitieuse de création de places, pour toutes les familles » reprenant le slogan « Investissons dans la petite enfance » en y ajoutant « pour toutes les familles », elle qui se voit souvent attaquée au prétexte que les crèches privées (surtout les micro-Paje) ne respectent pas la mixité sociale en pratiquant des tarifs prohibitifs.  
La Fédération veut surtout peser sur la future COG en cours de négociation. Car elle pressent comme d’autres, que le budget sera si contraint qu’il ne permettra pas la création de places autant que nécessaire. Et que surtout, comme le dit l’adage, l’argent n’ayant pas deux places, elle craint que des décisions radicales soient prises et que la lutte contre la pauvreté, réduction des inégalités sociale soient privilégiées au détriment de l’universalisme des modes d’accueil et de leur aspect conciliation vie professionnelle et vie familiale.

Plus de liberté et de souplesse pour les gestionnaires
C’est pourquoi la FFEC, dans son communiqué insiste sur quatre points et demandent au nom de de la « rentabilité » de l’investissement social dans la petite enfance :

• La liberté de construire des places en crèches là où les salariés en en ont besoin y compris en dehors des zones prioritaires. On revient là à cette idée qu’il faut mener de front deux objectifs : conciliation vie pro et vie perso et lutte contre les inégalités. Et que les ouvertures de places ne soient donc pas exclusivement réservées aux zones sous dotées.

• La simplification des normes de création et de fonctionnement des EAJE. C’était le sens de l’article 26 bis (un amendement gouvernemental ayant été déposé dans ce sens en janvier dernier) du projet de loi pour un État au service de la confiance. Le Sénat a retoqué l’article voté en première lecture par l’Assemblée Nationale.** Mais comme ce projet de loi est présenté en procédure accéléré, il est fort possible qu’en cas de non accord ou compromis trouvé par la commission mixte paritaire, l’Assemblée Nationale aura le dernier mot et l’article 26 bis sera rétabli.
 
• Une campagne nationale en faveur des métiers de la petite enfance. Bien que créatrices d’emploi, les crèches en effet peinent à recruter car il y a pénurie de personnels formés et qualifiés. D’où d’ailleurs un turn over très important dans les structures.

• L’extension aux indépendants du Crédit d’Impôt famille. Pour l’heure parmi les indépendants seuls les chefs d’entreprises ayant des salariés peuvent en bénéficier. Rappelons que ce crédit d’impôt famille favorise l’accès aux crèches d’entreprise car ils permettent aux employeurs de soutenir financièrement leurs salariés.

On le voit la puissante Fédération des Entreprises de crèches ne laisse rien passer. Elle réagit à toute actualité concernant les modes d’accueil collectif et affirme le rôle central et moteur de ses adhérents dans l’accueil des jeunes enfants de moins trois ans issus de toutes les familles. Affaire à suivre donc. En attendant dans cette «  guerre » des chiffres , ou plutôt de la lecture des chiffres, la Cnaf ne souhaite pas commenter ou polémiquer.

*In Les Echos : les créations de places en crèches se sont nettement accélérées
** « Supprimé l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances pendant une période de dix-huit mois, afin de faciliter l'implantation, le développement et le maintien de modes d'accueil de la petite enfance. Si les règles encadrant la création et le fonctionnement des modes d'accueil de la petite enfance pourraient être réformées, il ne convient pas que le Parlement se dessaisisse de ce sujet, a fortiori pour une période aussi longue (article 26 bis) ; »

 
Article rédigé par : Catherine Lelièvre
Publié le 29 mars 2018
Mis à jour le 29 mars 2018