COG 2018-2022 : les grandes orientations pour les modes d’accueil

La Convention d’Objectifs et de Gestion (COG) 2018-2022 devrait être votée par le conseil d’administration de la Cnaf mercredi prochain, 11 juillet. Devrait : un conditionnel qui n’est pas une figure de style tant les tensions sont palpables entre administrateurs de la Cnaf et le gouvernement. Retour sur les rapports qui devaient inspirer la COG pour un résultat assez controversé. En cause : les moyens alloués par la Branche Famille à la petite enfance, notamment en ce qui concerne le nombre de création de places de crèches : 30 000 en 5 ans !
La COG, depuis la mise en place en juin 2017 du gouvernement par le Président de la République nouvellement élu, Emmanuel Macron, on en parlait mais comme de l’Arlésienne, on ne la voyait pas venir. On l’attendait pour mars, puis mai, puis juillet. Enfin ! Un instant on a cru que comme le plan pauvreté, elle passerait à la trappe et ne serait présentée qu’en septembre. Et puis non. Transmise la semaine dernière à la Cnaf dans sa version définitive (en tout cas dans une version actée par les services de l’État), c’est bien mercredi que le conseil d’administration de la Branche famille va se prononcer sur la COG 2018-2022. Un texte important puisqu’il définira les priorités et le financement de la politique petite enfance pour les 5 ans à venir.
 
Rapports et stratégies nationales
La Ministre des Solidarités et de la Santé, en prévision de la COG qui on le savait aurait du retard, élections présidentielles obligent, avait commandé fin 2017 un rapport à la fois état des lieux et prospectif au Conseil Famille et au Conseil Enfance et adolescence du HCFEA. Celui-ci, au printemps dernier, a rendu sa copie dense et explicite, tant sur le plan quantitatif que qualitatif avec en plus des propositions argumentées de modifications des modes de financement. Un rapport sérieux et documenté sur l’accueil du jeune enfant alliant exigence de qualité et services aux familles, des plus aisées aux plus démunies.

Il y a eu le rapport Borloo sur les banlieues « Vivre en grand, vivre ensemble, pour une réconciliation nationale » et ses 19 programmes. Dont le numéro 3, intitulé « Investir dans la petite enfance », ambitieux et volontariste pour tout ce qui concernait l’accueil des jeunes enfants dans les quartiers politiques de la ville (QPV). On sait le sort que lui réserva le Président de la République qui fin mai évoquant les crèches annonçait cependant un coup de pouce financier (1000 € par place) pour la création de 30 000 places de crèches dans les zones prioritaires.

Autre source d’inspiration - et pas des moindres - pour cette nouvelle COG, le rapport sur la prévention et la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes d’Olivier Noblecourt, et plus spécifiquement les propositions du groupe de travail petite enfance co-piloté par Nathalie Casso-Vicarini, présidente d’Ensemble pour l’Education de la Petite Enfance, et Frédéric Leturque, maire d’Arras. Avec ces idées fortes que les modes d’accueil jouent un rôle essentiel dans la prévention des inégalités et que les communes devaient être remises au centre des dispositifs petite enfance, qu’il fallait comme nous l’expliquait Olivier Noblecourt leur redonner l’envie d’investir. « La question centrale me semble celle de l’engagement des mairies : il faut travailler sur l’évolution des coûts, le reste à charge des communes, leur donner une visibilité sur leur financement et sa pérennité » notait-il.

Il y eut la Journée nationale de soutien à la parentalité où il a clairement été dit que le soutien à la parentalité était une priorité qui se retrouverait dans la COG. Vincent Mazauric, le directeur général de la Cnaf, s’est voulu rassurant : « Dans l’exécution de la COG et malgré les contraintes qui existent, les économies qui se feront et les arbitrages, je m’engage au cours de la période à soutenir un plus grand nombre de Laep (ndlr : lieux d’accueil enfants parents) et un nombre plus grand de lieux de médiation familiale qu’aujourd’hui ». Jolie promesse non chiffrée.

Un discours d’intentions de la Ministre

Enfin le 23 Juin, Agnès Buzyn, la Ministre des Solidarités et de la Santé, dans son discours à l’assemblée générale de l’UNAF à Rennes, a précisé les intentions du gouvernement :

« La prochaine convention (…) portera une ambition majeure : celle de rééquilibrer l’offre de crèches dans les territoires manifestement défavorisés jusqu’ici via un soutien plus ciblé des aides des Caf. (…). La prochaine convention s’appuiera sur une rénovation complète des financements apportés par le caf aux communes pour la création de places (…). Pour maintenir le rythme de création de places d’accueil, j’entends aussi libérer les énergies des porteurs de projets, leur donner les moyens de les mener à terme. (…) C’est pourquoi nous avons besoin d’un environnement administratif plus simple, à même de réduire les délais et les coûts de création et de gestion des modes d'accueil afin de faciliter leur ouverture, leur fonctionnement et donc d’accroître l’offre. (…) La prochaine convention portera une ambition forte en matière de soutien à la parentalité parce que cela fait partie des services aux familles et que cela répond à un besoin d’accompagnement qui est complémentaire des aides monétaires ».


Ainsi au fil des mois, de ces rapports, discours et stratégies, les contours de la COG par petites touches se sont donc dessinés. Avec beaucoup d’incertitudes et de supputations, de rumeurs aussi. Et peu d’informations sur les objectifs quantitatifs et les moyens.
Puis la réalité économique, les contraintes bugétaires liées à la volonté de maîtriser les dépenses publiques et de tirer les leçons des échecs de la précédente COG, ont fait leur chemin. Et depuis la semaine dernière que les choses se précisent, l’inquiétude et la déception des gestionnaires de crèches, des communes et des représentants de l’accueil individuel est perceptible.

Les principales mesures envisagées pour l’accueil collectif
Un objectif de 30 000 places de crèche en 5 ans
Pour mémoire, le HCFEA préconisait la création a minima de 230 000 solutions d’accueil pour la même période (certes pas toutes en EAJE) mais tout de même on est loin du compte. Et si les 30 000 places évoquées dans le plan Borloo, seule mesure reprise par le Président de la République, étaient destinées exclusivement aux QPV, il n’en est plus rien. Il s’agit de 30 000 places en tout, affectées en priorité aux territoires sous-dotés mais pas exclusivement. Voilà qui peut rassurer ceux qui craignaient que l’universalisme des modes d’accueil ne soit pas respecté… mais le nombre de places semble tellement dérisoire au regard des besoins ! Par ailleurs ces 30 000 places n’aboutiront pas à 30 000 places de crèches supplémentaires puisque l’on doit tenir compte des destructions de places enregistrées chaque année.

2% d’augmentation par an pour le FNAS (Fonds National de l’Action Sociale)
Ce n’est pas une bonne nouvelle car c’est ce Fonds qui permet la création de crèches via des subventions à l’investissement. Pour les communes notamment sur qui pèse (alors que ce n’est pas dans leurs attributions légales) la lourde tâche d’organiser l’offre d’accueil des jeunes enfants sur leur territoire. 2% c'est vraiment trés peu et cela risque d'être trés compliqué de créer de nouvelles strcutures même si tout le monde savait que le précédent FNAS était pléthorique (il n'avait d'ailleurs pas été utilisé en entier faute, le plus souvent, de budgets de fonctionnement ) et que logiquement sa progression serait moins importante.

• Augmentation de la participation des familles au coût de la crèche
C’est la mesure que nul n’attendait et qui permet d’une certaine façon à la Cnaf de faire des économies sur le dos des familles … et des gestionnaires ! La COG prévoit une augmentation de 2% par an de la participation des familles, ce qui mécaniquement fera baisser la PSU que les Caf verse aux crèches… Néanmoins, il y aura des effets de « plancher » qui permettront aux familles les plus défavorisées de ne pas subir cette augmentation. Neanmoins cette mesure qui est loin de faire l'unanimité pourrait , au profit d'arbitrages de dernière minute, être abandonnée dans la version définitive et signée du document.

PSU peu revalorisée mais système de bonus de fonctionnement. Ce n’est pas cette COG qui révolutionnera la PSU, même si à la marge effectivement des bonus sont prévus pour aider les structures d’accueil qui font des efforts sur la mixité sociale (bonus mixité sociale), sur l’accueil d’enfants en situation de handicap, (bonus handicap) et sur la création de places dans des territoires sous-dotés ou défavorisés (bonus territoire). C’est d’ailleurs dans ce cadre que se situe les 1000 euros par place annoncé par Emmanuel Macron pour toute création dans les zones prioritaires. Ce système de bonus était une demande notamment des gestionnaires associatifs de l’économie sociale et solidaire mais aussi des collectivités territoriales. Elle avait été reprise dans le rapport du HCFEA.
Mais parallèlement la PSU ne sera pas revalorisée sur un double indice prix et salaire comme à l’accoutumée, ce qui signifie qu’elle sera faiblement augmentée (de l'ordre 1, 5% en 2018, 0% en 2019 puis 1% les années suivantes soit sur la durée de la COG d'environ 0,9% !) ) probablement  donc moins vite que l’inflation. Cela impactera tous les gestionnaires d’EAJE qu’ils soient publics, privés ou associatifs. Là encore il semberait que cette baisse drastique de la revalorisation puisse être atténuée. Pour le savoir il sera essentiel de regrader à la loupe la COG signée sans oublier ses annexes...

Plus de subvention à l’investissement pour les micro-crèches
Les micro-crèches risquent d'être fragilisées et plus difficiles à créer. Désormais (comme c’est le cas à Paris d’ailleurs) les micro-crèches ne pourront plus bénéficier de subventions à l’investissement. Sauf si elles s’installent en zones prioritaires, ce qui est rare étant donné les faibles revenus des familles dans ces quartiers. Cette décision n’est pas vraiment une surprise car le financement des micro-crèches avait été sévérement épinglé par le rapport de l’IGAS sur la politique d’accueil du jeune enfant. Revue de dépenses 2017. Le rapport pointait que ce mode d’accueil était un des plus subventionnés, alors même que c’était le plus couteux pour les familles.

D’autres mesures encore comme la reprise de l’article 26 bis de la loi sur un État au service la confiance voté par l'Assemblée Nationale la semaine dernière qui simplifie le parcours administratif des porteurs de projets et permet des expérimentations pour assouplir les normes dans les EAJE, la suppression du Cej (Contrat éducation jeunesse) pour les communes qui sera remplacé par le Ctg (Convention territoriale globale) et quelques engagements autour du soutien à la parentalité issus de la Stratégie nationale "Dessine moi un parent" lancée par la Ministre il ya quelques semaines. Cette liste n’étant pas exhaustive puisque la COG n’est ni votée, ni signée et qu’elle n’a pas été diffusée.

Les mesures pour l’accueil individuel
Pas d’objectifs quantitatifs pour l’accueil individuel. Encore une fois, il fait figure de parent pauvre. Sa principale revendication concernait le reste à charge des familles qu’il souhaitait être harmonisé avec celui des parents faisant appel à une structure collective, arguant que c’était l’un des freins au recours à une assistante maternelle. Point de mesure sur le reste à charge … quoique finalement (et ce n’était évidemment pas la demande), le fait que les parents subissent une hausse de 2% annuel  de leur participation à la crèche, aille dans ce sens !  

Une grande campagne de communication
C’était l’un des points discutés dans le groupe de travail mis en place par la Cnaf pour redynamiser l’accueil individuel. Une recommandation aussi du rapport du HCFEA. La Cnaf et les Caf participeront donc à cette campagne de communication destinée à promouvoir le métier d’assistant maternel à la fois auprès des parents et des personnes susceptibles de l’exercer.

Soutien au développement des RAM et des MAM
Le maillage territorial des RAM sera poursuivi. Avec pour objectif une animatrice de RAM pour 70 assistants maternels. Il y aura bien une incitation à ce que les assistants maternels fréquentent le RAM mais aucune obligation. Les Caf accompagneront les MAM dans leur développement et les aideront à maintenir leur viabilité financière.

Le tiers payant pour les parents-employeurs fait partie de cette COG puisque la plateforme « tout en un » est co-pilotée par les Caf et Pajemploi.

Au final, une COG « petit bras »
Beaucoup de bruit pour rien... Tant d'attente pour si peu ...  Sauf si les dernières tractations en cours aboutissaient à un texte plus acceptable si ce n'est consensuel, la COG 2018-2022 qui va être votée mercredi après-midi est une COG sans grande ambition. Décevante pour la petite enfance. « Petit bras » comme le confiait en off un administrateur. Et surtout une COG d’économie et de rigueur avec peu de moyens. Alors même que les derniers comptes de la Sécurité Sociale prévoient que la Branche Famille serait excedentaire de 5 milliards d’euros en 2022…  Dommage car les idées et la philosphie de cette COG ( lutte contre la pauverté, soutien à la parentalité etc.)  ont obtenu un certain consensus auprés des acteurs de la petite enfance. Mais que sont-elles sans  moyens ?
Les  finances somme toute en petite enfance comme ailleurs, si elles ne font pas tout, sont le nerf de la guerre. D’ailleurs Élisabeth Laithier, co-présidente du groupe petite enfance de l’Association des Maires de France (AMF), lors de la journée nationale de soutien à la parentalité s’en inquiétait déjà, elle qui disait : « nous sommes en questionnements sur les financements … car toutes les stratégies s’appuient sur des budgets… Et donc dans l’attente de la future COG ».

Comment, dans ces conditions les professionnels de la petite enfance, des gestionnaires aux salariés de terrain, (sans oublier les assistants maternels pour l’accueil individuel) vont-ils pouvoir continuer à offrir des solutions de garde en assez grand nombre aux familles et un accueil de qualité aux jeunes enfants ? Un coup de Trafalgar est toujours possible. Certains administrateurs comme ceux représentant la CGT et FO ont déjà annoncé qu'ils ne voteraient pas cette COG en l’état. Si d’autres suivaient, le texte pourrait ne pas être approuvé. Un tel vote serait historique (du jamais vu) mais mettrait en difficulté bon nombre de gestionnaires qui attendent leurs subventions, car en année de négociation de COG, tout est bloqué. Il est plus probable que, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, le conseil d’administration de la Cnaf dans sa majorité vote le texte et que la Convention d’Objectifs et de Gestion soit signée avant la fin du mois de juillet.
Article rédigé par : Catherine Lelièvre
Publié le 10 juillet 2018
Mis à jour le 01 octobre 2020