Jardin d’enfants vs Ecole maternelle : à 6 ans pas de différences significatives sur les connaissances et les comportements

A l’heure d’une école devenue obligatoire à 3 ans, le premier volet d’une étude de la Ville de Paris, réalisée par l’Observatoire du Changement (OSC) de Sciences Po en 2018, soulignait la spécificité, la réalité et la qualité pédagogique des jardins d’enfants. Le second volet de cette recherche, plus quantitatif, conduit l’année dernière, est désormais connu.  Il compare les connaissances acquises par les petits fréquentant les jardins pédagogiques de la Ville de Paris avec celles des écoliers de maternelle.
Quel est l’impact de la fréquentation d’un jardin d’enfants sur les compétences scolaires par rapport à une scolarisation en maternelle ? C’est sur cette question que le second volet du Rapport de recherche sur les jardins d’enfants de la Ville de Paris s’est concentré. L’étude s’est déroulée de janvier à juillet 2019 auprès de 482 enfants au total, inscrits pour les uns en moyenne et grandes sections de 5 écoles maternelles, et pour les autres dans 6 jardins d’enfants.

Postulat de départ : le contexte de scolarisation ne fait pas tout
Le premier volet, qualitatif, de l’étude avait mis en avant les bénéfices des jardins d’enfants (JE) accueillant les enfants de 2 à 6 ans, pour encourager la curiosité, la confiance et l’autonomie des petits. Il avait également intégré que la réussite d’un élève n’est jamais déterminée uniquement par son contexte de scolarisation, mais également par un ensemble de facteurs entremêlant aussi bien ses dispositions génétiques et son environnement familial. C’est en s’appuyant sur ce même postulat que le second volet, quantitatif, a été mené pour évaluer des compétences cognitives et non cognitives de la réussite scolaire ultérieure. Pour cela, la recherche s’est déroulée en deux temps : d’abord, sous forme d’évaluations auprès des enfants au travers de tests et d’activités ludiques passées en face-à-face individuel (mars-avril 2019), ensuite sous forme d’enquêtes téléphoniques auprès de leurs parents pour collecter des informations sur leur environnement et les pratiques éducatives familiales (mai-juin 2019).

Aptitudes cognitives et pré-académiques
Pour évaluer les compétences cognitives du jeune public, les enquêteurs ont privilégié des tests courts (pas plus de 20 minutes), éprouvés par la recherche (et avec cotation standardisée), faisant appel à des supports variés (planches imprimées, gestes, tablette tactile, marionnettes) mais ne réclamant cependant pas beaucoup de matériel. Le but était notamment de limiter les activités exigeant des enfants qu’ils parlent pour maximiser leur participation. Il fallait également « trouver des outils permettant de saisir le stade de développement des compétences, alors que la plupart des tests disponibles pour cette tranche d’âge vise à déceler des troubles (risque de plafonnement des résultats rendant impossible une lecture fine des différences de progression entre les enfants ».

En prenant en compte l’ensemble de ces contraintes, les chercheurs se sont focalisé sur l’évaluation de huit aptitudes cognitives et pré-académiques : les concepts liés au temps, la reconnaissance des lettres, la familiarité avec le livre, la quantification de doigts, la lecture de nombres, l’expression syntaxique, la compréhension lexicale, la complétion de formes. Dans l’ensemble, ils observent « qu’il n’y a pas de différence significative dans les performances des enfants sur certaines épreuves (ex : quantification de doigts). Globalement, nous constatons que les distributions des résultats sont similaires et que lorsqu’il y a un avantage, il est plutôt du côté des écoles. Il arrive que les enfants des JE aient de meilleurs résultats, mais l’écart est alors faible et le modèle ne permet pas de l’attribuer à la nature de l’établissement fréquentée (p-value associée au type d’établissement non significative) : c’est le cas pour les épreuves d’expression syntaxique, de compréhension lexicale et de complétion de formes. Les enfants de maternelle semblent quant à eux meilleurs en lecture de nombres et en reconnaissance de lettres et se repèrent davantage dans le temps. Les écarts s’observent bien plus nettement en grande section qu’en moyenne section. » Un peu plus loin, ils ajoutent : « Finalement, le type d’établissement a une portée explicative visiblement moins importante que l’âge des enfants et que le niveau de diplôme des mères ; mais toutes choses égales par ailleurs, les enfants des maternelles obtiennent des résultats légèrement meilleurs que ceux des JE sur les compétences évaluées dans le cadre de cette étude. »

Aptitudes comportementales, savoir-être et savoir-faire non académiques
Le choix des habiletés comportementales à évaluer s’est basé sur quatre caractéristiques dont l’importance avait été révélée dans le volet qualitatif : l’autonomie des enfants, leur confiance en leurs capacités, leur curiosité envers les apprentissages, leurs capacités relationnelles entre pairs et avec les adultes référents. Le dispositif des tests reposait sur des face-à-face individuels où deux propositions ou situations contradictoires et parfaitement symétriques étaient présentés à l’enfant en lui demandant de se situer par rapport à elles. Il permettait aux plus timides de répondre plutôt par un geste que par la parole.

Là encore, les enquêteurs n’ont pas constaté de différences notables entre les enfants des JE et ceux des maternelles. A l’exception notable de deux items : « Le premier concerne la sollicitation d’un adulte (la maîtresse ou l’EJE) lorsque l’enfant rencontre une difficulté. Dans les JE, les trois quarts des enfants disent qu’ils vont voir leur éducatrice lorsqu’ils ont du mal à faire quelque chose. Ce n’est le cas que des deux tiers des enfants de maternelle. » Le second item ayant observé une différence statistiquement significative concerne la compétition qui peut exister entre les enfants : « Il s’agissait pour eux de se positionner par rapport aux deux énoncés suivants : « Je n’aime pas quand d’autres enfants font mieux que moi / Ça ne me gêne pas quand d’autres enfants font mieux que moi ». 59,4 % des enfants disent qu’ils sont indifférents si d’autres font mieux qu’eux dans les JE, alors que ce n’est lecas que de 49,1 % des enfants de maternelles (52,1 % dans l’ensemble). À l’inverse, 36,1 % disent qu’ils n’aiment pas cela, soit 8,4 points de moins qu’en école maternelle. Il semble que les enfants fréquentant un JE soient moins dans une logique compétitive, ou moins dans une logique de comparaison de leurs performances par rapport à leurs pairs que ceux fréquentent une école ».

Pas d’informations sur le CP et la suite de la scolarité
Dans l’ensemble, les auteurs du rapport ont donc plutôt remarqué des similarités que de nettes distinctions entre les enfants. « On observe des écarts de faible ampleur et qui peuvent être tantôt à la faveur des JE (surtout pour le rapport à la scolarité), tantôt à la faveur des écoles maternelles (surtout pour les compétences cognitives). Du côté des parents, on constate des liens famille-établissement plus forts et plus positifs dans les JE ». Par ailleurs, ils rappellent que le dispositif de recherche n’impliquait qu’un nombre limité d’établissements qui, « même s’ils ont été choisis pour représenter la diversité du contexte parisien dans son ensemble, ne permettent pas de généraliser les conclusions à l’ensemble des structures parisiennes de façon catégorique ». En outre, « le dispositif ne permet de capter qu’imparfaitement les compétences socio-affectives et comportementales des enfants – ces compétences ayant un impact sur les trajectoires scolaires ultérieures –, alors que d’après le volet qualitatif, c’est surtout sur ces compétences que les JE pourraient avoir une plus-value. De même, l’étude n’a permis d’évaluer que certaines compétences cognitives. Un suivi longitudinal après l’entrée en école élémentaire permettrait d’affiner ces résultats et de conclure de façon plus rigoureuse sur l’impact du passage par un JE sur l’ensemble de la trajectoire scolaire et sociale ».

Ainsi, même si ce second volet quantitatif n’a pas réellement permis de vérifier les bénéfices des Jardins d'enfants en termes d’acquisition des connaissances, il serait très intéressant de poursuivre l’étude après le passage en CP des enfants et à plus long terme..
 
Article rédigé par : Marie Sophie Bazin
Publié le 18 juin 2020
Mis à jour le 18 juin 2020