Marlène Schiappa, Secrétaire d’Etat à l’égalité femmes-hommes : « La VAE des parents ne dégradera pas les diplômes »

En avançant qu'elle réfléchissait à une Validation des Acquis d'Expérience (VAE) des parents pour des diplômes de la petite enfance (CAP et DEEJE notamment), Marlène Schiappa, la Secrétaire d'Etat à l'égalité femmes-hommes a mis en émoi tout le secteur de l'accueil collectif et individuel du jeune enfant. Elle explique ici son projet qui dit-elle « ne brade en rien les diplômes, ne dévalorise pas les métiers et finalement n'enlève rien à personne » et affirme qu'elle ménera de larges consultations avant d'aboutir à une mesure effective.
Vous avez annoncé lors d’une audition à l’Assemblée Nationale que vous réfléchissiez à un dispositif de VAE des jeunes parents vers certains métiers de la petite enfance. Quel est exactement votre projet ?
Tour d’abord je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas, comme cela a pu être dit et écrit, de distribuer des CAP petite enfance aux mères de famille ! Je n’ai pas non plus annoncé une mesure ficelée, définitive. Dans le cadre d’une audition à la délégation des femmes de l’Assemblée Nationale, j’ai évoqué le sujet, en disant qu’une discussion était ouverte. J’ai juste annoncé que nous commencions à travailler sur le sujet.
Il y a en France environ 6000 mères mineures sorties du parcours scolaire pour cause de maternité précoce. Ces mères adolescentes ou jeunes adultes se retrouvent souvent seules, sans qualification avec sur leur CV une page blanche parce qu’elles ont passé une partie de leur jeunesse à élever un ou plusieurs enfants. L’idée est simple : comment faire pour que ces jeunes femmes, je dis jeunes femmes -  parce que c’est le cas dans 98 % des cas - aient une vraie qualification et puissent intégrer une vraie filière professionnelle. Et il est cohérent de proposer à ces femmes qui ont élevé leurs enfants un parcours dans la petite enfance.

Concrètement quels sont les diplômes envisagés ?  Vous semblez exclure par exemple les auxiliaires de puériculture ou les puéricultrices.
Pas du tout. Les auxiliaires de puériculture ou infirmières puéricultrices ne sont pas exclues. J’ai donné des exemples lors de mon audition. Mais rien n’est figé... Le CAP est le premier diplôme visé, c’est la première marche. Ce sera une VAE complète avec jury et examen. Encore une fois, je n’ai pas annoncé une mesure, j’ai donné un axe de travail avec un objectif. Il va y avoir des consultations, des réunions de travail pour aboutir à une mesure efficace avec des parcours de VAE construits. Le groupe de travail peut décider d’exclure certains diplômes et d’en rajouter d’autres.

Votre déclaration a suscité un tollé du côté des professionnels de la petite enfance. Comment allez-vous les convaincre ?
Nous recevrons les organisations professionnelles. Nous allons entamer une large consultation auprès des populations concernées, interroger des jurys de VAE, des professions de la petite enfance. Les VAE existent déjà. Pour les EJE comme pour les CAP. La VAE est un processus long, il y a des dossiers à faire, une évaluation, un jury. Ce n’est pas si facile et cela ne consiste pas à distribuer des diplômes. Les professionnels qui ont obtenu leur diplôme par une VAE ont les mêmes savoirs et compétences que les autres.

La virulence des réactions vous a-t-elle surprise ?
Oui. On a repris 3 minutes à la fin d’une audition qui a duré 1heure 50. Cela a été présenté comme l’annonce d’une mesure définitive qui en plus a été tronquée et dévoyée. Il y a eu des réactions sur une version raccourcie. Cela démontre une méconnaissance globale de ce qu’est la VAE. Des VAE d’EJE existent déjà et cela n’a en rien dégradé le diplôme. Il y a des VAE de master de droit et cela ne choque personne.
Dans mon association « Maman travaille », pendant 10 ans nous nous sommes battus pour la revalorisation des métiers de la petite enfance. Je comprends que dans ce contexte global il y ait des tensions et que présenté comme il l’a été ce projet ait pu accroître les tensions. Et pourtant ce système n’enlèverait rien à personne. Il s’agit juste de permettre à quelqu’un d’avoir une vraie qualification, un vrai diplôme.
 
Ce qui choque les professionnels c’est cette idée que la maternité et le rôle de parent puissent donner des compétences spécifiques en éducation.
C’est le cas pour le Capes ou pour les concours de professeur des écoles qui sont ouverts aux parents ayant élevé trois enfants sans autres conditions de diplômes préalables.
Oui les jeunes parents ont acquis en élevant leurs enfants à temps plein un certain nombre de compétences de base (soins, repérage de maladies, jeux etc.) sur la façon de s’occuper de jeunes enfants. Ce ne sont pas des compétences suffisantes pour devenir professionnels mais c’est un départ pour intégrer un parcours diplômant dans ce secteur. Donc proposer une VAE dans ce secteur ce n’est pas incohérent.

Vous n’envisagez donc pas d’ouvrir cette VAE des jeunes parents à d’autres secteurs, d’autres métiers ?
Personnellement je pense que le secteur le plus indiqué est celui de la petite enfance mais il y aura débat. Toutes les options sont ouvertes. Débat aussi pour savoir s’il faudra des VAE avec parcours spécifiques ou non. Tout est à construire. C’est ouvert. Ce qui est sûr c’est qu’il faut que ce soit d’accès facile et efficace. Que ce soit un parcours diplômant dans un secteur où l’on recrute. Ce qui ne veut pas dire encore une fois « bradé » : on ne donnera aucun diplôme à personne sans formation, ni évaluation.

Quel est le timing que vous prévoyez ?
Les consultations ont déjà commencé, avec la Cnaf notamment, puisque nous travaillons sur les parcours de retour à l’emploi au sortir d’un congé parental (il y a des expérimentations en cours) et, plus globalement, sur l’aide à la réinsertion professionnelle des familles en situation de précarité. Elles se poursuivront largement à la rentrée. Nous travaillerons avec les missions locales, les réseaux sociaux, les parlementaires. Les professionnels et leurs représentants viendront parler de leur parcours diplômant.
Article rédigé par : Propos recueillis par Catherine Lelièvre
Publié le 26 juillet 2017
Mis à jour le 13 novembre 2017
1- la vae n'est pas une formation! 2- les consultations vont couter de l'argent alors qu'il y a déjà un rapport giampino très fourni, explicite et complet sur lequel elle pourrait s'appuyer 3- je peux imaginer aisément que des jeunes mamans en situation de précarité aient envie d'un tout autre secteur d'activité que la petite enfance pour se réinsérer professionnellement...