Les professionnels partent en guerre contre la Prestation de service unique (Psu)

Cela fait des années que l’on sent monter la grogne contre la Prestation de service unique (Psu) mise en place par la Cnaf pour financer les modes d’accul collectif. Cette fois ça y est la grogne explose. Des professionnels de la petite enfance viennent de créer un collectif anti-PSU : « Nos crèches ne sont pas des dépose-minute». Premiere action de ce Collectif, le lancement  d’une pétition nationale pour demander à la Cnaf de revoir le système. Qui met en péril l’équilibre financier et le fonctionnement des EAJE et qui nuit à la qualité de l’accueil des enfants. La Cnaf réfute ces critiques. Explications.
Il y avait pas de « Pas de bébés à la consigne », il y a désormais « Les crèches ne sont pas des dépose-minute ! » Et peu ou prou, les mêmes adhérents s’y retrouveront ( associations, syndicats et associations professionnelles et sans doute aussi les organismes gestionnaires, réseaux de crèches ) . Ceux-là mêmes qui se battent bec et ongle pour préserver la qualité  des modes d’accueil du jeune enfant. Le Collectif souhaite entraîner dans son combat les familles. Familles au non desquelles la CAF a institué la PSU  en 2002, l’a généralisé en 2005 et réformé en 2014. Au non du service aux familles, la Cnaf a pris le risque de déstabiliser les EAJE et ceux qui les gèrent.


La Psu, la tarification horaire et le taux d’occupation
En 2005 la Cnaf généralise la PSU, un système destiné à  participer au coût de fonctionnement des structures collectives pour mieux répartir les frais entre les familles et les crèches. Elle instaure la tarification horaire, accorde aux familles une grande souplesse de fréquentation.  Les EAJE doivent coller au plus prés des besoins des familles. Qui peuvent changer.  C’est à cette époque aussi que voient le jour les premiers  multi-accueil  basés sur cette felxibilité ( accueils à temps partiels ou en urgence etc.) Les établissements se sont conformés au système jonglant tant bien que mal avec les emplois du temps, les plannings  devenus plus compliqués … vu les incertitudes planant sur la présence des enfants. Dans le même temps, les EAJE ont été invités à remplacer  les absents et à rationnaliser le taux d’occupation de leurs crèches. Tout cela en gardant une qualité d’accueil pour les enfants et  en appliquant les tarifs prévus dans le cadre de la PSU ( proportionnels aux revenus des parents). En 2014, la Cnaf réforme la PSU : la tarification horaire qui jusqu’à présent servait de base au calcul de la PSU prenait en compte les heures facturées aux parents. Désormais,  c’est un taux de facturation calculé sur un ratio " heures facturées / heures  de présence  effective, qui sert de base au versement de la PSU. Ce qui constitue une sorte de double peine pour les établissements : un casse-tête côté organisation et des risques financiers certains si la gestion des absences / présences n’est pas calculée à la demi-heure prés !
Arnaud Deroo, chef du service petite enfance de Lambersart ( la ville de la Bougeothéque) a coutume d’appeler la PSU : la poussée spontanée d’urticaire…  Tant c’est la prise de tête pour remplir sa crèche à 70% … Tant elle ne respecte aucune spécificité des quartiers  ou des familles ...« Bientôt il faudra avoir un master de maths pour comprendre et gérer la PSU;  mettre des code-barres sur les enfants ; et  les parents pointeront avant de dire bonjour s’ils ont  encore le temps de le dire »  ironise-t-il  en résumant bien  tout ce que cette PSU  durcie par la réforme de 2014 a engendré d’absurde .

Les effets pervers de la Psu
En fait, ce qui au départ partait d’une bonne intention : mieux répondre aux besoins réels des familles et réglementer les tarifs  a entraîné une multitude d’effets pervers. Le contrat entre le l’EAJE et les parents doit être souple pour mieux répondre aux besoins fluctuants des familles. Ce qui entraîne des révisons incessantes et permanentes. D’où de grandes difficultés à gérer le taux d’occupation de la crèche et les plannings de travail des professionnels.  
«  On a les yeux rivés sur la pendule »  se plaignent les professionnels.  Les transmissions sont expédiées  puisque dans la logique de la PSU, les heures de présence même non facturées comptent. Cela va à l’encontre de toutes les actions de soutien à la parentalité que, par ailleurs, nous sommes incités à mettre en place" déplore  ce professionnel, membre du Collectif. Tout comme il se demande, comment organiser des fêtes de fin d’années ou autres réjouissances ? Facturer aux parents serait rude. Ne pas facturer revient à pénaliser leur  établissement  car faire baisser « mécaniquement » sa PSU. … Et l’enfant dans tout ça ?  Quand on fonctionne à la demi heure, qu’on n’a plus le temps de parler aux parents ou de les réunir,  cela nuit largement la qualité de  son accueil. Le personnel quant à lui, avec ce sentiment de pas prendre le temps,  de bâcler les transmissions  donc au final de ne pas pouvoir faire correctement son travail, frise bien souvent le burn out . ( Lire à ce sujet notre dossier : Crèches 2016 : Etats des lieux et états d’âme.
Cet effet pervers de la tarification horaire ( tout heure entamée est due …), Sylvianne Giampino l’avait d’ailleurs noté dans son rapport sur le développement de l’enfant,  les modes d’accueil et la formation des professionnels » , préconisant qu’il serait souhaitable de revenir sur la tarification horaire.
La Psu est aussi problématique quand l'EAJE doit faire face à des absences de dernier moment. Ce type d’absence amène une pénalité financière instantanée  pour la crèche ou le multi-accueil . Et les choses ont empiré depuis que la Cnaf a déplafonné le nombre de jours de congés  et institué les horaires à la carte. Comment au pied lever trouver un bébé « remplaçant »?  Comment  préserver de grandes amplitudes horaires …Pas facile d’accueillir un tout-petit de 7h30 à 8 h , du mercredi ou vendredi … La solution suggérée par la Cnaf d'ouvrir les crèches aux enfants scolarisés, ne tient pas la route ! Trop coûteuse pour les parents notamment. En même temps les professionnels déplorent d’être quasiment dans la situation de  contrôler les parents, de vérifier qu’ils font bien leurs heures ( les heures retenues au départ dans leur contrat), ne soient pas en retard  ( comme si un parent en retad n'était déjà pas assez culpabilisé !).   Certaines crèches ont instauré un système de badges !  « C’est absurde regrette un membre du Collectif , c’est normal qu’un parent qui a pu prendre une RTT au dernier moment, ou qui finit plus tôt un soir ait envie de garder son enfant ou de venir le chercher plus tôt ! ». A quand l’obligation de « mettre  son enfant à la crèche !
« Il faudrait faire du sur-booking pour s’en sortir. Remplir la crèche coûte que coûte pour toucher la PSU complète » regrette cette gestionnaire . Avec ce système, certains EAJE  ont réduit leur amplitude horaire, d’autres ont mis la clef sous la porte. D’ailleurs les chiffres officiels  – communiqués par la Cnaf – parlent d’eux mêmes : 4503 places en EAJE ont été supprimées entre 2014 et 2015. Dans le même temps 5000  places en micro -crèches ont vu le jour. Il faut dire que les micro -crèches peuvent choisir de ne pas être soumises à la PSU et opter pour le « cmg ( complément au mode de garde) structures. »  Ceci expliquant cela. Et précise encore le Collectif, ce n’est pas la décision de la Cnaf d’augmenter la  subvention à l’investissement  pour la création de nouvelles places en EAJE, qui va arranger les choses. Créer des places c’est bien, faut -il encore leur donner les moyens de perdurer.

Une pétition nationale pour faire plier la Cnaf
Le Collectif  lance donc une pétition «  Nos crèches ne sont pas des dépose –minute » avec un logo explicite : une pendule !. Dans cette pétition, il demande clairement la suppression du taux de facturation  pour revenir au système d’avant 2014 ( la tarification horaire sur heures facturées) , et que la CNAF ne s’immisce pas dans les contrats -privés- que les EAJE passent avec les parents.
La pétition s’adresse à tous les professionnels de la petite enfance, aux gestionnaires, aux associations  et aux parents soucieux aussi d’un accueil de qualité pour leurs enfants. L’ objectif évidemment étant de recueillir un maximum de signatures. Par ailleurs à côté de cette pétition destinée à interpeller la Cnaf , le Collectif  a préparé un courrier plus long et détaillé qui sera envoyé au directeur et au président de la Cnaf et à Madame Laurence Rossignol , la ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes.


Lire la réponse de la Cnaf

Lire aussi l'interview de Jérôme Bonnemaison : "Il faut revoir le rôle de la PMI et le systéme de financement de la CNAF".

Pour aller plus loin
Pour signer la pétition , c'est : ici
Le site  du Collectif : ici

 
Article rédigé par : Catherine Lelièvre
Publié le 21 septembre 2016
Mis à jour le 06 novembre 2016