Revalorisations salariales : ce que Jean-Christophe Combe propose au comité de filière Petite Enfance

Rendez-vous avait été pris le 11 juillet dernier. Le ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées l’avait promis : il viendrait en septembre répondre à leurs interrogations relatives aux rémunérations des professionnels de la petite enfance. Ce matin, lors de la séance plénière du comité de filière, il s’en est acquitté. Mais il est aussi revenu sur ce qui agite actuellement le secteur : la pénurie, le service public de la petite enfance et l’arrêté du 29 juillet. 
« Nous ne ferons pas plus avec moins mais nous ferons plus et mieux avec plus ». 
Auparavant Élisabeth Laithier, la présidente du comité de filière Petite Enfance, dument mandatée par son bureau, l’avait accueilli. Gentiment, poliment mais fermement. « Vous nous avez apporté des premières réponses que nous allons déployer dans notre cycle de travail, a-t-elle expliqué, nous allons créer et faire vivre un véritable observatoire des conditions de travail et nous allons communiquer enfin pour valoriser les professionnels de la petite enfance, tous les professionnels ». Elle faisait là référence aux 500 000 euros  et 2 millions d'euros débloqués  respectivement pour ces deux actions. Se plaçant délibérément du côté des professionnels de la petite enfance, Élisabeth Laithier a souligné, lors de sa référence au service public de la petite enfance, « rien ne se fera Monsieur le ministre sans les professionnels de la petite enfance. » Et prévenu : « nous ne ferons pas plus avec moins. Mais nous ferons plus et mieux avec plus ». 

Trois défis à relever
Jean-Christophe Combe a laissé durer le suspense « rémunération » jusqu'à la fin de son discours. Il a souhaité d’emblée poser un cadre, une feuille de route, la sienne et celle du comité de filière Petite enfance, avant d’émettre ses propositions financières.
Pour lui, cette rentrée n’est pas une rentrée comme les autres, car a-t-il noté « trois défis au moins, en font une rentrée particulière ». Et de citer la pénurie de professionnels ; ce qui s’est passé cet été suite à la « tragédie lyonnaise » : « la parole libérée à la fois sur les situations pouvant être qualifiées de maltraitantes, et plus largement sur le mal être au travail de certains professionnels (...) » ; la mise en œuvre du service universel d’accueil du jeune enfant.

Convictions et conséquences
Le Ministre, qui aime à répéter qu’il est celui de la Petite Enfance, a profité de cette rencontre pour faire part aux membres du comité de filière de ses convictions et de leurs conséquences en termes d’actions mais il a aussi avec fermeté fait le point sur l’arrêté du 29 juillet et l’agitation médiatique qu’il a suscitée. 

Première conviction : prendre toutes les mesures nécessaires pour que les enfants soient accueillis en toute sécurité. Avec en référence la mission confiée à l’IGAS sur ce sujet. 

Deuxième conviction : la pénurie des professionnels ne doit pas être vécue comme un obstacle au service public de la petite enfance… mais « voyons plutôt la construction du service public de la petite enfance comme une chance pour résorber la pénurie de professionnels ». Oui il manque actuellement 10 000 professionnels mais au-delà des contraintes, voyons les atouts a-t-il expliqué en substance. Et parmi les atouts : le comité de filière Petite enfance qui a fait la preuve qu’il était force de propositions, les comités de départementaux de services aux familles qui permettront d’anticiper les futurs besoins en professionnels et le fameux service public de la petite enfance en construction ;

Troisième conviction : « Pour réussir, nous devons jouer collectif et agir chacun en responsabilté. ».  Restons groupés… En clair, le Ministre n’a pas apprécié ce qui a entouré la publication de l’arrêté du 29 juillet. Il met les points sur les i : il comprend les inquiétudes des professionnels mais « je crois que pour autant il devrait être de la responsabilité de ceux qui parlent en leur nom de prendre le temps d’examiner la réalité des faits, et d’apaiser les craintes qui s’expriment plutôt que les nourrir, dès lors qu’il est démontré qu’elles sont infondées. ». Mieux il regrette que les prises de parole aient suggéré « que la reconversion professionnelle, l’apprentissage, la formation continue ou la VAE ne seraient pas à même de permettre à des personnes qui souhaitent rejoindre le secteur d’acquérir les compétences requises (…) ». La formation initiale n’est pas la voie unique. Voilà qui est dit ! Chacun se reconnaitra dans les propos tenus. 

Rémunérations : une réforme du Cmg-assistante maternelle, des mesures structurelles, pérennes mais… non immédiates pour l’accueil collectif 
Ils attendaient avec impatience les annonces concernant leur revalorisation salariale.
 
Du côté de l’accueil individuel, la revendication première était la réforme du Cmg. Le Ministre leur a annoncé la bonne nouvelle, « la réforme du Cmg pour tous » est incluse dans le PLFSS 2023 qui sera présenté lundi en conseil des ministres. « Et elle est dotée d’un investissement public supplémentaire de l’ordre de 300 millions d’euros », a-t-il précisé. La réforme devrait consister en une linéarisation du Cmg-assistantes maternelles ce qui permet d’une part de gommer les effets de seuil du système actuel, et d’être mieux adapté à la fois aux ressources des familles et au temps d’accueil souhaité. Le ministre a aussi confirmé l’extension du Cmg aux 6-12 ans pour les familles monoparentales. 
« Ces deux réformes, a-t-il souligné, ouvrent aux assistants maternels de nouvelles perspectives, en pleine cohérence avec notre volonté de franchir enfin le cap d’une égalité d’accès financière des parents aux différents modes d’accueil démultipliant ainsi les possibilités d’augmenter leur niveau d’activité et donc des revenus qui en découlent. » 

Du côté de l’accueil collectif, les professionnels espéraient sans doute, a minima, une prime mensuelle de 183 euros équivalente à la prime Ségur. C’est un tout autre programme qu’a proposé Jean-Christophe Combe. Un processus qui prendra un peu de temps (au bas mot 9 mois) mais qui devrait aboutir à des changements structurels et des solutions pérennes. 
Le Ministre l’a dit clairement : l’État prendra ses responsabilités pour soutenir les revalorisations salariales du secteur. Comme il l’a fait en autorisant par deux fois, cette année, une augmentation supplémentaire de 2% de la PSU. Mais il ne signera pas un chèque en blanc et assortira ce financement de conditions.
C’est en ces termes que Jean-Christophe Combe l’a exprimé : « L’État (…) sera prêt à accompagner financièrement des revalorisations salariales, en cohérence avec notre ambition de création du service universel d’accueil du jeune enfant sous réserve de plusieurs conditions préalables ». 
Concrètement, ce soutien passera par la COG 2023-2027 et par une augmentation conséquente de la PSU. Mais en contrepartie de l’effort financier qui sera consenti, l’État pose ses conditions. Des conditions qui vont dans le sens d’une harmonisation salariale entre tous les secteurs de la petite enfance quel que soit leur statut privé, public ou associatif. Qui exigent que les gestionnaires fassent des efforts notables sur les conditions de travail. Et que ce coup de pouce financier se retrouve bien sur les fiches de salaires des professionnels. 

Dans le détail, voici les conditions avancées par le Ministre
1.    « Les rémunérations relevant d’abord et avant tout du dialogue social, des accords devront être conclus par l’ensemble des partenaires concernés, dans le cadre des règles générales qui leur sont applicables, pour définir les modalités de réparation de cet effort financier qui leur sembleront pertinents. » Rappelons que les salariés du secteur dépendent de conventions collectives selon le statut de leur gestionnaire-employeur. 

2.    Deadline pour ces accords : premier trimestre 2023. L’idée étant que leurs conséquences se traduisent dans la COG qui devrait être signée entre avril et juillet 2023. 

3.    Ces accords devront comprendre « la définition et la description d’emplois-types correspondant aux différents métiers des crèches et communes à toutes les branches concernées et sur cette base un comptage des professionnels de la petite enfance qu’elles abritent ». Explication : pour débloquer une somme destinée à financer des revalorisations salariales il faut savoir pour combien de professionnels.

4.    « L’établissement pour les emplois-types ainsi définis d’une grille commune de salaires nets d’entrée, au moins au niveau de celle la plus favorable de l’ensemble des branches concernées en vigueur lors de la conclusion de l’accord ». Ce qui signifie que les gestionnaires-employeurs, quel que soit la convention collective à laquelle ils adhérent, doivent dans l’accord conclu s’aligner sur celle qui est la plus favorable aux salariés. Une petite révolution…

5.    L’accord conclu doit aussi comprendre « un engagement à conduire une négociation visant à faire progresser la qualité de vie au travail des professionnels de crèche et à favoriser la continuité des droits pour les professionnels à exercer dans les différentes composantes public, privé non lucratif et privé lucratif du secteur de la petite enfance ».  L’idée étant là de faciliter les mobilités professionnelles au sein du secteur.

6.    Enfin et c’est un élément d’importance « ces négociations devront s’assortir de garanties fortes quant à la répercussion effective sur la rémunération des professionnels ».


Un peu tôt pour connaître l’accueil qu’ont reçu ces propositions si attendues. Mais nous ne manquerons pas de les publier dès qu’elles seront connues. 
Article rédigé par : Catherine Lelièvre
Publié le 22 septembre 2022
Mis à jour le 01 novembre 2022