Zoom sur les principales mesures du plan de lutte contre les violences faites aux enfants

Le premier plan interministériel de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants, porté par Laurence Rossignol, Ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des Femmes est un projet d’envergure. Elaboré après une large concertation avec des associations, des experts de différentes disciplines, ainsi que des victimes, « les experts du vécu », il est soutenu par une campagne de sensibilisation et de mobilisation : « Enfants en danger : dans le doute agissez ! ». Revue de détails des principales mesures qui intéressent au premier chef les professionnels de la petite enfance.
Ce premier plan interministériel de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants (2017-2019) a été conçu sur le modèle des plans de mobilisation contre les violences faites aux femmes qui ont déjà montré leur efficacité. Les violences faites aux enfants, surtout quand elles sont intrafamiliales, sont encore un sujet tabou. On n’en parle qu’au détour de faits divers dramatiques. En signant la convention des Droits de l’Enfance, la France s’est engagée à « assurer la protection et les soins nécessaires à son bien-être ». Ce plan s’inscrit dans cet engagement. Et comme l’a rappelé Laurence Rossignol, Ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des Femmes lors de sa présentation, ce premier plan est surtout destiné à briser la loi du silence qui entoure ces violences. Ce plan se construit autour de 4 axes qui regroupent chacun un certain nombre d’objectifs et de mesures destinés aux parents, aux professionnels en relation avec les enfants, mais aussi aux victimes.

1. Améliorer la connaissance et comprendre les mécanismes des violences
Pour pouvoir lutter contre les violences faites aux enfants et mobiliser toute la société, il faut d’abord connaître leur ampleur et en comprendre les mécanismes. Il n’existe pas aujourd’hui d’outil fiable pour quantifier ces violences, notamment celles qui concernent les décès inexpliqués de nourrisson. Deux mesures phares vont donc être mises en place pour remplir cet objectif.
•  Recueil fiable des statistiques. D'une part, l’Observatoire National de la Protection de l’Enfant (ONPE) recueillera chaque année les données transmises par le service statistique du Ministère de l’Intérieur sur les homicides d’enfants au sein de la famille. D’autre part, le ministère des Affaires Sociales et de la Santé mettra en place un dispositif pour identifier et quantifier la mortalité dans l’enfance, à l’image de ce qui existe pour la mortalité maternelle.
• Autopsies post mortem. Il est évident que beaucoup de décès inexpliqués de nourrissons sont catégorisés en tant que « mort inattendue », alors même qu’ils découlent de violences. Une mesure consiste donc à favoriser la systématisation des examens post-mortem en cas de mort inattentue du nourrisson.
Les autres mesures vont dans le sens d’un meilleure compréhension et analyse des violences faites aux enfants.

2. Sensibiliser et prévenir les enfants, les parents et l’ensemble de la société
Constater ne suffit pas, il faut mobiliser toute la société, en promouvant une éducation bienveillante qui ne tolère aucune forme de violence. Il ne faut pas avoir peur de faire un signalement  en cas de doute sur la sécurité d'un enfant : le slogan de la campagne, « dans le doute, agissez », définit bien cette intention. Des outils vont être mis à disposition des familles et des professionnels pour aider chacun à lutter contre les violences faites aux enfants.
• Campagnes d’information : le plan prévoit de soutenir des campagnes d’information et de sensibilisation, comme celle de la Fédération de la Voix de l’Enfant. Il s’agira aussi de sensibiliser les parents au syndrome du bébé secoué. Le 21 mars, un livret sur le lien entre parents et adolescents va être mis à disposition des familles.
• Systématiser l’utilisation du 119. Il est prévu de rendre obligatoire l’affichage du 119 dans tous les lieux d’accueil des mineurs. Le 119 est aussi présent sur toutes les affiches et vidéos de la campagne « Enfants en danger : dans le doute, agissez ! »

3. Former pour mieux repérer
L’école, l’hôpital ou la crèche sont des lieux privilégiés pour repérer des violences subies par un enfant. Les professionnels qui travaillent au contact des enfants ne sont pas assez formés pour détecter des signaux d’alerte, apparents ou dissimulés, ou peuvent se sentir démunis sur la démarche à suivre pour les signaler. La formation est donc un enjeu primordial.
• Un médecin référent. Selon l’Ordre des Médecins, seulement 5% des signalements de ces violences sont faits par des médecins. La mesure 11 du plan prévoit qu’avant le 31 décembre, chaque établissement hospitalier devra désigner (sur la base du volontariat) un médecin référent. Il aura un rôle d’expertise, d’orientation, d’accompagnement et de formation auprès des autres professionnels de l’établissement.
Un outil de formation. Destiné aux professionnels, il sera développé pour les aider à savoir repérer les signes de violences faites aux enfants et connaître la conduite à adopter face à elles.
Signature d’une convention entre le 119 et le 3919. Les violences au sein du couple ont des conséquences très graves sur les enfants qui y sont exposés, les rendant eux-mêmes victimes de ces violences. Une mesure prévoit donc de développer les liens entre le Service National d'Accueil Téléphonique de l'Enfance en Danger (119) et Solidarité Femmes (3919)

4. Accompagner les enfants victimes de violence
Les violences envers un enfant altèrent durablement sa santé physique et mentale : elles peuvent être à l’origine de nombreuses pathologies. Il faut libérer la parole de l’enfant pour pouvoir le prendre en charge le plus tôt possible, et ainsi limiter les conséquences sur sa santé. Dans la prise en charge de l’enfant, il est impératif de travailler à une plus grande reconnaissance de son statut de victime.
• Un problème de santé public. La dernière mesure du plan prévoit de rendre public les conclusions de la mission de consensus relative aux délais de prescription des crimes sexuels commis sur des mineurs.

 

Une campagne choc pleine d'émotions

Flavie Flament qui parle de son viol par un photographe à 13 ans, Céline Raphaël qui évoque les coups de ceinture donnés par son père dès l’âge de 4 ans, Andréa Bescond qui raconte comment elle a été abusée pendant 4 ans par un ami de la famille, Mathieu Johann qui revient sur son viol par un animateur de son camping de vacances... Ce sont les témoignages que l’on peut voir dans les vidéos mises en ligne sur le site du Ministère des Familles, de l’Enfance et des Droits des Femmes dans le cadre de sa campagne. Ou bien des photos, comme celle d’une chambre d’enfants avec la phrase « Salle de jeux ou scène de crime ? », et en bas le slogan de la campagne « Enfants en danger : dans le doute, agissez ! »

Article rédigé par : Armelle Bérard Bergery
Publié le 03 mars 2017
Mis à jour le 03 mars 2017