Crèches Cap Enfants : la musique comme langage universel

Le réseau de crèches Cap Enfants s’est fondé autour de la musique, à travers la collaboration de musiciens, la participation de parents et bien sûr la Bulle Musicale. Entre éveil, pédagogie, ouverture au monde, bien-être … sa fondatrice Claudia Kespy Yahi tenait à ce que la musique ne devienne jamais un gadget, mais rejoigne une certaine philosophie de la vie. Qui inspire jusque de l’autre côté du globe.
C’est après la naissance de ses deux enfants que Claudia Kespy-Yahi s’est intéressée à la petite enfance, à laquelle elle a voulu apporter son regard neuf et son expérience de la multiculturalité. Elle voit la diversité comme une richesse, d’autant plus pendant la petite enfance où tout est objet de curiosité et de découvertes. Elle a ainsi créé les crèches Cap Enfants en accordant une grande importance à la musique. « Je ne souhaitais pas passer par les apprentissages, en créant par exemple des crèches bilingues, précise-t-elle. La musique elle, est beaucoup plus large, elle permet une ouverture sur toutes les langues, elle est universelle. »
Claudia s’entoure de plusieurs spécialistes : professionnels de la petite enfance, instituteurs, psychologues, professeurs de musique… Leurs visions des choses l’ont aidée à construire son projet, dont les personnels des crèches ont ensuite pu se saisir à leur manière. Aujourd’hui, Cap Enfants ce sont six établissements répartis entre Gennevilliers, Cergy, Argenteuil et Massy.
 
Des immersions sensorielles au sein des cultures
Cet accompagnement par la musique s’est dès le départ décliné à travers la Bulle Musicale®. Un projet original sorti tout droit de l’esprit de Claudia. Tellement novateur qu’il a nécessité le concours d’un expert étranger et la création d’un logiciel. La bulle a finalement vu le jour en 2008, deux ans après l’ouverture de la première crèche du réseau, les Barbanniers à Gennevilliers : une structure en forme de coque de bateau renversé, recouverte d’un planisphère en demi-sphère.
A l’intérieur, aucune résonnance grâce aux matériaux phoniques. Des capteurs sont disposés à hauteur d’enfant pour leur permettre d’appuyer librement dessus. Et ainsi de générer des sons, en rapport avec les images (fixes) projetées sur un écran en hauteur. « En entrant dans la bulle, explique Claudia, les enfants sont invités à un voyage qui met en action tous leurs sens : l’ouïe, la vision, parfois même le toucher, l’odorat ou le goût. Ils peuvent à leur guise y chanter, y danser. » Le tout sur un thème donné, par exemple la Bretagne, qui vient nourrir l’activité et constituer un fil rouge.

Pour alimenter les expériences vécues dans la Bulle, Ruth Jornod, musicologue et musicienne en charge de la mise en place des projets musicaux sur le réseau, travaille avec un ingénieur du son. Ensemble ils créent une banque de sons et d’images qui recréent l’ambiance de chaque pays ou région. Chacun est ainsi représenté par environ 50 sons, divisés en « familles » de sons : les animaux, les comptines, les instruments, les musiques traditionnelles, les ambiances sonores. « Par exemple, dit Claudia, le bruit des vagues dans les îles, les motos en Inde, le marché en Chine, les klaxons aux Etats-Unis, les serveurs des restaurants en Italie… »

Chaque année, un tour du monde
La diversité culturelle et l’ouverture, Claudia en a fait son leit motiv. Et quoi de mieux que d’axer le projet pédagogique des crèches sur un tour du monde ? Ainsi chaque année, les équipes choisissent une dizaine de pays à « visiter », à travers plusieurs continents : Ethiopie, Japon, Canada, Madagascar, mais aussi les régions de France. Certains thèmes reviennent plusieurs fois, sous un angle différent. Cette diversité culturelle est aussi explorée à travers les époques ou d’autres mondes spécifiques. Par exemple le cirque, le Moyen-Age, les comédies musicales, les saisons…

Pour Claudia, tous ces projets n’ont de sens qu’avec la participation des parents, qui sont invités à s’investir dans les projets des crèches. A l’occasion de la Fête de la Musique en juin, le réseau organise une scène ouverte pour les parents et les professionnels. « Une maman iranienne était venue danser en habit traditionnel, une maman japonaise a chanté, un papa a joué du didjeridoo… », évoque Claudia. Des propositions qui se retrouvent aussi tout au long de l’année. Comme lors d’une matinée où le papa d’un enfant de la crèche Les Louvresses à Argenteuil, travaillant à côté, est venu jouer du rock avec ses collègues.

La Bulle, une approche qui séduit en France comme à l’étranger
Autre dimension importante pour Claudia, partager sa « pédagogie ». La bulle été exposée aux deux derniers Salons des Maires de France, et a vocation à être investie par d’autres crèches hors réseau Cap Enfants. Un premier test est mené dans une ville près de Marseille. Ici c’est le maire qui a choisi de la faire venir. L’idée : réfléchir à la manière dont fédérer une équipe autour d’un nouveau projet, et voir comment elle se l’approprie. L’arrivée de la bulle s’est accompagnée d’une formation visant à comprendre l’intérêt du projet, comment le vivre au quotidien et l’insérer au projet global de la crèche. Aujourd’hui, d’autres villes souhaitent adopter la bulle, dont Gennevilliers qui l'a demandée pour ses crèches municipales. « Bien sûr, on ne la laisse pas partir sans assurer une formation et un suivi avec un reporting et des échanges avec les équipes, souligne Claudia. Cela permet aussi d’enrichir le concept de la bulle. »

Et pourquoi pas la proposer dans d’autres lieux liés à la petite enfance ? Tels que les MAM, les RAM ou même les hôpitaux... L’Education nationale s’intéresse également à la Bulle pour l’école maternelle. « C’est tout à fait cohérent avec notre volonté d’ouverture, » ajoute-t-elle. Des tests ont déjà débuté dans des classes.

Et le concept séduit par-delà les frontières. Des membres du ministère japonais en charge de la petite enfance sont venus découvrir les crèches Cap Enfants. A la suite de quoi une version japonaise de la Bulle a été réalisée pour être exposée temporairement au Knowledge Capitale d’Osaka, un centre de création intellectuelle visant à réunir les connaissances et idées de chercheurs.

Une étude scientifique sur les bienfaits de l’approche musicale de Cap Enfants
En 2016, le projet de Claudia et ses équipes a pris de la hauteur, quand un docteur en psychologie et un directeur de recherche émérite de l’INSERM se sont lancés dans une recherche-action sur l’approche musicale de Cap Enfants. Une étude menée auprès de soixante-dix enfants entre quatre et dix ans qui étaient arrivés avant l’âge d’un an au sein d’une crèche Cap enfants et y étaient restés plus de deux ans, à raison de quatre ou cinq jours par semaine. Les chercheurs leur ont fait passer des tests de QI portant sur le vocabulaire, la capacité d’abstraction, le raisonnement… Puis les ont comparés en 2017 à un groupe contrôle composé de vingt enfants de la même tranche d’âge et des mêmes classes socio-professionnelles, qui n’avaient pas fréquenté les crèches Cap Enfants.
Les résultats se sont révélés très positifs puisque le premier groupe affichait une moyenne de 17, par rapport à la moyenne nationale qui tourne autour de 10, et la moyenne des crèches municipales qui se situe autour de 12-13.

Cette recherche, dont les résultats devraient être bientôt publiés, montre que la musique a un impact sur l’acquisition du langage, le vivre ensemble, le développement psychomoteur, les émotions. Pour Claudia, il est essentiel de rappeler qu’on apprend dès la naissance. « Il faut permettre au potentiel existant de se construire. Les petits ont une soif d’apprendre, de découvertes, qu’il faut nourrir et encourager ! » Et pour être en capacité de la faire, les enfants doivent se sentir en sécurité affective.
D’où l’importance pour Claudia d’axer l’accompagnement des enfants sur une pédagogie riche et bienveillante, à la fois pour les enfants et pour les professionnels. « La petite enfance est dans une tendance où les exigences financières figent et permettent de moins en moins de bien accompagner les enfants qu’on accueille. Résultat, beaucoup de pros s’essoufflent car ne trouvent plus de ce sens à ce qu’elles font. Il faut mettre en place des projets pédagogiques valorisants et savoir casser la routine pour redécouvrir son métier. »
Article rédigé par : Armelle Bérard Bergery
Publié le 09 septembre 2019
Mis à jour le 30 septembre 2019