Les P’tits Héros : la micro-crèche inclusive de deux infirmières puéricultrices

Karine Vanyper et Julie Catherine se sont rencontrées il y a plusieurs années au CHU de Caen en service de néonatalité. Les deux infirmières puéricultrices, qui ont travaillé ensemble huit ans en réanimation pédiatrique, ont ouvert début janvier la micro-crèche Les P’tits Héros à Soliers (Calvados). Cette structure a pour particularité d’accueillir tous les enfants y compris donc ceux en situation de handicap. Retour sur ce beau projet qui a mis 4 ans à voir le jour.
De la réanimation pédiatrique à l’accueil du jeune enfant
Exercer dans une structure d’accueil du jeune enfant, c’était d’abord le projet de Karine. « Au CHU, je travaillais de nuit, les week-ends. Et puis, la réanimation pédiatrique, c’est difficile sur le plan psychologique. Suite à une histoire personnelle compliquée, j’ai souhaité quitter le monde hospitalier », confie-t-elle. Mais au début, l’objectif de Karine n’est pas de monter sa propre structure mais d’offrir ses services à l’une des crèches municipales de la ville de Caen. « Vu mon ancienneté et vu mon grade, cela ne collait pas. Et un jour, mes collègues m’ont dit : "mais pourquoi tu ne créerais pas ta crèche ?" », se souvient-t-elle. Piquée au vif, Karine s’empare de l’idée et très rapidement Julie la suit sur le projet. 

Plusieurs freins ralentissent le projet
« Sans Julie, je n’aurais pas réussi. J’aurais abandonné. Clairement, il faut être deux. Les porteurs de projet qui arrivent à sortir quelque chose tout seul, je leur tire mon chapeau », souligne Karine. Et si les deux femmes sont motivées, elles connaissent bien des hauts et des bas. « On a beau être des professionnelles de la petite enfance, il y a des barrières qui sont assez énormes », indique-t-elle. Parmi les difficultés rencontrées : un avis défavorable de la caf sur leur structure. « Nous n’étions pas sur un territoire qui avait des besoins selon les critères caf, donc on nous a déconseillé de nous installer là », dévoile Karine. Mais Julie et Karine ont fait une étude de besoins et elles sont sûres que cette zone très proche de Caen est très attractive pour les jeunes familles. De fait, un an avant d’ouvrir leur micro-crèche, elles créent une page Facebook et en 3 mois, leur structure est complétement remplie. Elles font également face à des freins financiers. « C’est un projet qui a pu sortir de terre grâce à nos propres deniers et à un emprunt bancaire conséquent. Nous n’avons bénéficié d’aucune aide à l’installation », affirme Karine. Et continue : « Nous avons juste eu récemment la prime pour la création d’entreprise mais qui n’a rien à voir avec la micro-crèche, c’est juste parce que nous sommes de jeunes femmes entrepreneures, sinon on n’a rien eu du tout ni de la caf, ni du département. »

Une micro-crèche ouverte à tous les enfants
« De par nos compétences d’infirmière puéricultrice, on s’était dit que notre structure devait accueillir tous les enfants y compris ceux que l’on refuse ailleurs », explique Karine. Et poursuit : « Dans notre histoire de travail, nous avons croisé beaucoup de parents en réanimation dont le monde s’effondrait à la naissance de leur enfant. La grossesse s’était bien déroulée mais lorsque le bébé naissait, il n’était pas celui auquel ils s’étaient imaginés. La prise en charge était lourde (hospitalisation…) et la maman, bien souvent, ne reprenait pas le travail pour s’occuper de son enfant. » Mais, selon Karine, un bébé de trois mois avec une trisomie n’est pas plus compliqué à prendre en charge qu’un bébé de 3 mois qui va très bien, à condition de connaître la pathologie et les troubles associés. « Si l’enfant peut être chez lui avec son matériel, alors il peut être à la crèche. Nous sommes toujours parties de ce principe-là », souligne-t-elle. Aujourd’hui, si les professionnelles des P’tits Héros n’accueillent aucun enfant avec un handicap lourd, elles prennent notamment soin de 5 enfants à particularité (troubles du comportement, petites malformations physiques…). « Nous avons une petite fille avec une trisomie 18 qui est inscrite à la crèche, mais elle ne vient pas souvent », regrette Karine.

Un projet pédagogique axé également sur l’éco-responsabilité et le sommeil
Outre l’ouverture de leur structure à tous les enfants, leur projet pédagogique est basé sur l’éco-responsabilité. En pratique, 80% du matériel est de seconde vie, le bâtiment est conçu avec des matériaux respectueux de l’environnement, les repas sont en partie bio, la cuisine centrale est à quelques pas de la micro-crèche, il y a un lapin pour le recyclage des déchets alimentaires, un composteur… Le troisième versant de leur projet, c’est la qualité du sommeil. En ce sens, Karine et Julie ont opté pour 3 dortoirs au lieu de 2 comme on leur préconisait. Dans chacun des dortoirs, 5 lits maximum. 

Temps partiel et créneaux d’accueil occasionnel
La micro-crèche de 12 places (14 en surnombre) accueille 31 enfants. « On a beaucoup de temps partiel et là aussi c’est une grande fierté car nous pouvons contenter un grand nombre de familles. Nous sommes très ouvertes au temps partiel et à l’accueil occasionnel. Nous avons des créneaux d’accueil occasionnel tous les mois à offrir aux familles qui auraient des besoins d’accueil ponctuel », se réjouit Karine.

Un travail épanouissant
Si Karine s’amuse à dire qu’avant elle travaillait 35 heures… elle ne regrette absolument pas son choix. Bien au contraire : « Ce sont des enfants qui vont bien. On est bien loin de l’intubation, de la détresse des familles, de la souffrance. Cela n’a rien à voir avec ce que l’on a pu connaître. Il peut y avoir des journées difficiles certes, où il y a beaucoup de pleurs par exemple mais ils vont tous bien, ils ont un développement psychomoteur qui correspond à leur âge. » Elle reconnaît toutefois que le rapport à l’argent n’a pas été chose facile. « Avant on n’avait pas de relation à l’argent, on était les super héroïnes de la réa et maintenant nous sommes des gestionnaires avec un aspect lucratif du coup le regard des familles n’était pas le même. C’était compliqué pour moi car je ne faisais pas une crèche pour faire de l’argent. Maintenant les familles ont compris que nous avions à cœur d’offrir un accueil de qualité. Un vrai lien de confiance s’est créé », exprime-t-elle ravie.

Bientôt une 2e micro-crèche
La nouvelle micro-crèche sera sur la commune du Castelet, à moins de 10 kms des P’tits Héros. Elle se situera sur « le pôle petite enfance » qui inclura également une école maternelle et une école primaire. Un projet qui remonte à 3-4 ans. Ouverture prévue à la rentrée 2023. « Ce sera la petite sœur jumelle de Soliers car comme elle fonctionne bien, on veut créer la même. Par contre, elle sera construite en bois », révèle Karine. Et côté organisation ? « Notre équipe aujourd’hui composée d’une EJE, Mélanie, et de deux jeunes femmes titulaires du CAP AEPE, Justine et Manon, va rouler sur les deux structures. L’idée c’est de mutualiser les équipes et donc de ne pas fermer pendant l’été pour offrir un service complet aux parents », informe-t-elle. Et cette mutualisation concerne aussi Karine et Julie, car hors de question pour elles de ne plus travailler ensemble.  
 
Article rédigé par : Caroline Feufeu
Publié le 09 juin 2022
Mis à jour le 02 août 2022