Soli’mômes : des crèches innovantes et solidaires

Elle a fait de l’insertion - et notamment l’insertion professionnelle des femmes - à la fois son métier et son combat. C’est donc tout à fait logique que Valérie Malhouitre ait eu envie de monter des structures d’accueil pour aider les plus démunis. Et son choix s’est porté sur modèle Scop (société coopérative et participative). Ainsi sont nés E2S Scop Petite Enfance et les crèches Soli'mômes.
« J’étais directrice d’une association d’insertion et d’un centre de formation et je voulais créer une activité ancrée dans l’économie sociale et solidaire et qui réponde à un besoin non couvert. Or les problèmes de garde d’enfants sont le premier frein à l’insertion des femmes. Donc il m’a semblé utile de créer des structures d’accueil qui répondent à ce besoin spécifique » explique Valérie Malhouitre, aujourd’hui gérante de E2S Scop Petite Enfance. Elle ne choisit pas le modèle associatif. Pour l’avoir vécu par le passé, elle sait qu’en terme de gouvernance finalement les Scop sont plus démocratiques. « L’association a un conseil d’administration explique-elle un bureau bénévole mais les salariés ne sont pas associés à la stratégie, au développement. La Scop permet de remettre les salariés au cœur du sens du projet car dans chaque Scop tout salarié a vocation à devenir associé. » précise-t-elle.

Une crèche itinérante pour les familles les plus fragilisées
En 2013, création de la première structure. Soli’mômes une crèche itinérante de 15 berceaux accueillant des enfants de l’âge de la marche à trois ans. Une crèche qui se partage entre deux communes : deux jours à Montreuil, deux jours à Bondy. « Le bus Soli'mômes n’est qu’un appui logistique » précise Valérie Malhouitre. On y réchauffe les repas, il dispose d’un poste de change et d’un espace cocooning pour 3 ou 4 enfants. Aux municipalités en revanche de trouver un local que l’équipe Soli’mômes aménagera pour le rendre adapté à l’accueil de jeunes enfants.  A Montreuil, des centres sociaux implantés dans des quartiers « politique de la ville » mettent une salle à disposition de l’équipe. A Bondy, faute de disponibilité dans les centres sociaux, Soli’mômes a monté un partenariat avec un bailleur social (La Sablière) et la ville a installé au cœur du quartier un petit équipement en bois qui abrite la crèche itinérante. Toutes les familles bénéficiaires de cette crèche itinérante ont été sélectionnées par les acteurs locaux de l’insertion sociale et professionnelle. La crèche itinérante est véritablement uns services de proximité. « En fait nous avons fait une crèche  AVIP avant même qu’elles n’existent. Et encore nous sommes au-delà des 30% puisque les familles en situation précaire constituent 100% de notre public » note encore Valérie Malhouitre.

Une garderie éphémère d’une demi-journée dans 13 municipalités
L’autre création remarquable de Soli ’mômes est une garderie éphémère qui s’installe une demi-journée par semaine dans un centre social d’un quartier « politique de la ville « qui met une salle à disposition pour l’accueil des enfants. L’équipe Soli'mômes l’aménage avec le matériel qu’elle a apporté dans son camion. L’idée : accueillir les enfants pour permettre à aux mamans durant ce laps de temps de participer à une activité proposée par le centre social ou bien d’effectuer des démarches administratives. Pour assurer une certaine continuité dans l’accueil (bénéfique pour l’enfant), les familles doivent s’inscrire pour un cycle de 3 mois. Mais il est aussi possible d’enchainer plusieurs cycles.
La garderie s’installe dans 13 municipalités de Seine Saint -Denis, des Hauts de Seine et du Val de Marne. Le dispositif fonctionne avec 5 binômes de deux pros… qui en plus d’être des professionnels  de la petite enfance, se doivent d’être bons conducteurs, un peu déménageurs et décorateurs. Un sacré travail !

En projet : deux multi-accueils solidaires labellisés AVIP
Soli'mômes vient d’obtenir une délégation de service public de la vielle de Montreuil. C’est la première fois qu’une collectivité fait confiance à une SCOP. Il faut dire que dans le département E2S Scop petite Enfance est bien implantée, connue pour ses engagements et ces réalisations. N’empêche c’est une jolie victoire. Et une reconnaissance. « En 2005, le secteur de la petite enfance s’est ouvert au privé. Nous, nous souhaitons proposer aux collectivités un autre modèle de gestion. Et promouvoir ce modèle. Pour nous avoir répondu à une délégation de service public n’est pas une démarche de développement mais une démarche de Co-construction ». Pour la fondatrice d’E2S Scop petite enfance le plus important c’est de répondre de façon appropriée à des besoins identifiés en s’inscrivant bien sûr dans un contexte d’Economie Sociale et Solidaire (ESS).
En septembre 2018 donc, Soli' mômes Marceau un multi- accueil de 27 berceaux ouvrira dans un quartier de mixité sociale. 30% des places seront attribuées de façon classique et au moins 30% des places seront réservées aux familles en situation précaire.
L’autre projet est moins avancé mais sera aussi novateur. En partenariat avec Emmaüs Habitat, il donnera naissance à un multi accueil de 21 berceaux en seine Saint-Denis.

Des projets pédagogiques ambitieux
Être dans l'ESS ne dispense pas d’avoir un projet pédagogique de qualité ! Favoriser l’insertion des familles ne suffit pas, il faut songer aux enfants qui sont au cœur de l’accueil. Les EAJE Soli’mômes développent des actions autour de l’éveil et du langage des enfants. Adeptes de l’itinérance ludique, ils travaillent aussi avec Egalicrèche sur la lutte contre les stéréotypes de genre et l’association Dulalala engagée dans le bilinguisme. (80% des petits accueillis ont une double culture).  Enfin sensibles au développement durable, ils ont adopté les couches lavables et les produits d’entretien écologiques.

Le modèle Scop parfaitement adapté aux projets Soli'mômes.
Valérie Malhouitre en est persuadée, le choix d’une Scop était ce qu’il fallait !  D’abord, c’est proposer une vraie alternative aux communes qui ne souhaitent pas faire appel au privé. Ensuite c’est une façon très efficace de fédérer les professionnels autour d’un projet pour lequel ils ont voix au chapitre. Les EAJE Soli'mômes créés sont exigeants et demandent des équipes ultra formées et solidaires. Comment éviter le turn over ? Comment fidéliser et impliquer les professionnels ? Travailler dans des projets ancrés dans l'ESS demande de l’engagement, du courage, de l’opiniâtreté. « Avec la Scop, tous les professionnels ont vocation à devenir associés.  Et un associé = une voix. Les professionnels peuvent être vériatblement acteurs de leur travail  et y trouver du sens. »rappelle encore Valérie Malhouitre.  Actuellement  E2S Scop Petite Enfance emploie 22 salariés dont 12 sont associés (il faut mettre 50€ au capital pour le devenir).
Par ailleurs dans une Scop il y a l’idée de redistribution des excédents de gestion aux salariés puisque ce sont eux qui par leur travail font vivre la société. Encore un principe qui va bien avec les valeurs de l’entreprise.

Des objectifs et une organisation clairs et partagés
On pourrait penser que la vie de l’entreprise est compliquée avec un tel modèle, que l’organisation est plus délicate, la hiérarchie plus difficile à mettre en place … « En fait on essaie de dissocier les choses explique Valérie Malhouitre. Il y a deux assemblées générales par an. On y évoque le développement, la stratégie. Et aussi trois réunions d’associés sur des thématiques précises.  Et puis il y a les réunions de travail avec une hiérarchie que l’on soit associé ou pas. Enfin ,les instances représentatives du personnel jouent leur rôle comme dans toute entreprise. Et on ne mélange pas. » Chaque lieu, chaque instance est liée à un objet.
E2S Scop petite enfance a reçu de nombreux prix. La qualité que l’entreprise propose est évidente. Depuis un an la société a connu un changement d’échelle mais garde le cap. « Il y a peu de changement par rapport au projet initial se réjouit, Valérie Malhouitre la gérante élue pour 4 ans. En fait conclut- telle « il faut toujours se rappeler le sens et le pourquoi de ce que l’on entreprend. ».





 

Coop Petite Enfance

Depuis la fin de l’année dernière les EAJE constitués en Scop (Société coopérative et participative) ou Scic (société coopérative d’intérêt collectif) se sont regroupés dans le réseau la Coop Petite Enfance.
Tout a commencé en 2015 quand le mouvement coopératif a décidé de lancer une étude pour comprendre les crèches coopératives, leurs besoins et leur souhait ou nom de se développer. L’étude, s’est déroulée en 2016. Elle a permis de déterminer que les crèches coopératives avaient besoin de communiquer et d’échanger pour faire ensemble la promotion du statut coopératif dans la petite enfance auprès des Caf notamment. Elle a aussi mis en évidence que certaines activités, comme les achats par exemple pouvaient être mutualisés. Et enfin qu’il était nécessaire d’accompagner les porteurs de projets.
A partir de cette étude les gestionnaires coopératifs qui souhaitaient se développer (ils sont 9 actuellement) ont décidé de créer Coop petite enfance une structure indépendante du mouvement coopératif auquel bien sûr il adhère. Coop petite enfance a donc pour mission de fédérer et de faciliter les échanges de pratiques de gestion d’abord et pourquoi par pédagogues plus tard entre les structures et de former et d’accompagner ceux qui souhaitent créer des crèches en Scop ou Scic.


 

Article rédigé par : Catherine Lelièvre
Publié le 15 mars 2018
Mis à jour le 16 mars 2018