Divskouarn, l’association qui diffuse la langue bretonne auprès des tout-petits

Depuis plus de dix ans, l’association Divskouarn accompagne les crèches, les assistantes maternelles et les parents qui le souhaitent dans l’éveil des tout-petits au breton. Elle contribue ainsi au développement de la langue bretonne et à la promotion du bilinguisme dès le plus jeune âge. Explications avec Gregor Mazo, directeur de l’association.
« "Divskouarn" signifie en breton "oreille", l’organe le plus important pendant la petite enfance pour l’acquisition du langage, explique Gregor Mazo qui a pris la direction de l’association. Et en commençant par "di", l’association s’inscrit dans la continuité des trois réseaux d’école bilingues dont les noms débutent de la même façon. » Div yezh, l’association des classes bilingues de l’Education Nationale, Dihum, l’association des classes bilingues de l’enseignement catholique et Diwan, réseau d’écoles associatives bilingues sous contrat.

Le double enjeu de la diffusion du breton
Le projet a vu le jour au tournant des années 2000, sur la base de deux constats. D’une part, de nombreuses études commençaient à démontrer les bienfaits du bilinguisme précoce ; d’autre part, en dehors des écoles bilingues bretonnes, rien n’était mis en place pour le préscolaire. Des professionnels de la petite enfance de Brest (Finistère) et ses environs, qui étaient eux-mêmes bretonnants et accueillaient parfois des enfants dont les parents parlaient breton, ont donc constitué un collectif appelé « Brezhoneg er vagouri », autrement dit « du breton à la crèche ». Les six structures participantes se sont retrouvées régulièrement pour partager réflexions et expériences sur l'utilisation du breton au sein des établissements.

Parmi elles, la crèche associative « Enfantillages » de Gouesnou dont le directeur Yannig Robin a choisi d’y introduire des chansons et comptines en breton et d’essayer, dès le recrutement, d’y faire entrer des professionnels bilingues. Une initiative récompensée en 2003 par le Prix régional de l’Avenir du breton qui accroît alors la notoriété de la crèche : Yannig Robin reçoit de nombreuses demandes d’inscription qu’il ne peut pas toutes satisfaire. Comment se développer ailleurs et avec quel outil ?
C’est ainsi qu’il crée en novembre 2005, avec le soutien d'autres bénévoles, l’association Divskouarn. Elle a pour objectif de promouvoir et développer la langue bretonne avant la scolarisation - dans les crèches, chez les assistantes maternelles et au sein des familles. Ce sont aujourd'hui ses deux salariés, Gregor Mazo et Virginie Pronost, qui s'y emploient à temps plein.

Cet intérêt culturel et patrimonial que représente la diffusion d’une langue régionale contribue de manière plus générale au développement du bilinguisme. « L’apprentissage d’une langue s’effectue par comparaison avec la langue maternelle. Or l'aire de Broca, région du cerveau où se développe la langue maternelle, se fixe avant l’âge de 5-6 ans. La petite enfance est donc une période-clé pour l'acquisition d'une deuxième langue, » souligne Gregor Mazo.

Un engagement à plusieurs niveaux pris par les crèches
L’association met à disposition des crèches un outil, la charte Divskouarn, qui constitue un engagement entre une structure souhaitant mettre en place un projet d’éveil au breton et l’association. Elle se décline sur quatre niveaux.
Le niveau d’entrée correspond à l’animation régulière d’un temps d’éveil au breton (une fois par mois, une fois par semaine…), en général par des intervenants extérieurs. Il s’agit surtout de chansons, de comptines ou de lectures. La structure passe au niveau 2 quand elle organise une fois par semaine ce type d’intervention ainsi qu’une autre action menée par un membre de l’équipe. Le niveau 3 est atteint quand deux professionnels de la structure parlent exclusivement en breton aux enfants. Et quand toute l’équipe est bilingue, la structure acquiert le dernier niveau.

Aujourd’hui la charte a été signée par 27 structures dans trois départements : Finistère, Côtes d’Armor et Morbihan. Et à peu près le même nombre d’établissements ont mis en place de l’éveil au breton avec l’aide de l’association, sans avoir encore signé la charte. En tout, ce sont donc une soixantaine de crèches qui utilisent le breton dans toute la région Bretagne et jusqu’en Loire-Atlantique. « Notre rôle est de faire connaître cet outil, d’aider les structures qui s’en saisissent à le mettre en place et de contrôler leur engagement, précise Gregor Mazo. Nous nous rendons chez elles une à deux fois par an pour faire le bilan. »

Une charte spécifique pour les assistantes maternelles
Divskouarn a inclut dès le début les assistantes maternelles dans ses travaux de réflexion et a donc également mis en place une charte adaptée à l’accueil individuel. Elle fonctionne sur le même principe que la charte pour les crèches, mais se décline sur seulement trois niveaux.
Au premier, l’assistante maternelle doit participer régulièrement à des temps d’éveil au breton organisés par le Relais d’Assistants Maternels (RAM) ou une association d’assistantes maternelles. Elle atteint le deuxième niveau si elle utilise en partie le breton chez elle avec les enfants accueillis. Au niveau 3, tout l’accueil se fait en breton.
L’association s’emploie ici à accompagner la mise en place de temps d’éveil au breton dans les lieux de regroupement et à répertorier les professionnelles en capacité d’accueillir des enfants en langue bretonne. « C’est un travail énorme que nous ne pouvons pas réaliser de manière exhaustive, note Gregor Mazo, car le fait de parler breton n’est pas une compétence spécifiée dans les listes. »

Promouvoir le breton au sein même des familles
Ce travail de recensement s’inscrit dans le volet famille de l’association, régulièrement contactée par les parents pour connaître les professionnelles et structures bretonnantes. Selon les demandes, Divskouarn va même plus loin en les renseignant sur ce qu’ils peuvent mettre en place en tant que parents ou comment ils peuvent se former eux-mêmes. Et parfois en organisant ou en aidant à l’organisation de temps d’éveil au breton parents-enfants. L’association a édité un dictionnaire du vocabulaire breton dédié à la petite enfance et fait une veille régulière sur le matériel pédagogique : livres, CD…

Des actions de formation
Divskouarn développe de plus en plus son volet formation. Déjà entre 2009 et 2011, elle avait été associée à un projet européen. Le réseau Network to Promote Linguistic Diversity (NPLD), une organisation qui travaille à la promotion des langues régionales ou minoritaires en Europe, a lancé un appel à projet auquel a répondu l’association. Aux côtés du Pays de Galles pour le gallois, des Pays-Bas pour le frison et de la Finlande pour le suédois, Divskouarn avait pour objectif de produire des ressources pédagogiques à destination des professionnelles de structures où l’accueil des enfants se fait en partie ou totalement en breton.

Elle a ainsi constitué et diffusé un manuel expérimenté dans une dizaine de crèches. « En passant du temps dans les structures, nous nous sommes rendus compte qu’au-delà de la demande d’acquisition de la langue, il y avait des besoins sur les compétences en matière de pédagogie », explique Gregor Mazo. L’association s'est ainsi lancée dans une mission de formation pédagogique pour les professionnels - des formations courtes d’une journée ou deux, soit en interne soit en externe. « Il existe bien sûr déjà de nombreux centres de formation à la langue bretonne que les professionnels peuvent intégrer s’ils veulent aller plus loin, » précise-t-il.

Depuis peu, Divskouarn mène aussi un projet en partenariat avec la PMI. En 2016 lors d’un vote sur sa politique linguistique, le Conseil Départemental du Finistère a décidé de mettre en place des interventions sur la diffusion du breton à l’occasion des heures de formation obligatoires des assistantes maternelles. Divskouarn se déplace ainsi dans chaque promotion pour présenter, pendant environ une heure et demi, le bilinguisme précoce et les ressources sur lesquelles s’appuyer.

Gourc'hemennoù ! (Félicitations !)
Article rédigé par : Armelle Bérard Bergery
Publié le 13 mars 2018
Mis à jour le 14 mars 2018