L’arrêté « professionnels autorisés à travailler en EAJE » publié au JO


 A l’issue d’un dernier tour de concertation mi-juillet, l’arrêté relatif aux professionnels autorisés à exercer dans les modes d’accueil du jeune enfant, vient d’être publié au JO du 4 août . Un arrêté très attendu qui  cristallise d’une part les attentes des gestionnaires, soucieux - sur fond de pénurie de professionnels - de faire une rentrée dans de bonnes conditions. Et qui concentre d’autre part la colère des professionnels de terrain, inquiets des risques engendrés par ce texte quant à leurs conditions de travail, et la qualité d’accueil réservé aux enfants.

Chacun avait eu jusqu’au 17 juillet pour renvoyer ses remarques et suggestions. Certaines ont été entendues et d’autres pas,   par le nouveau ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées Jean-Christophe Combe. Rappelons que ce nouvel arrêté remplace l’arrêté de décembre 2018 qui reprenait globalement les dispositions de l’arrêté de décembre 2000 - le texte de référence sur le sujet - tout en mettant à jour les intitulés de diplômes (ex : pour le CAP PE qui était devenu CAP AEPE).
Rappelons aussi que ce nouvel arrêté touche à des points essentiels :les dérogations possibles, les diplômes étrangers, les qualifications des référents santé et accueil inclusif ou pouvant animer des séances d’analyse de pratique. A noter que l’article 4 du projet qui portait sur le calcul du ratio des 40-60 ( pros diplômés ( catégorie 1) /pros qualifiés’ catégorie 2) a été supprimé. Il fera l’objet d’un arrêté ultérieur après une ultime concertation  pour trouver les formulations satisfaisantes. (Voir notre Lettre Hebdo N° 56 ).
La FFEC, dans un communiqué publié ce jour, se félicite de la publication «  portant liste nationale des professionnels des crèches et micro-crèches » y voyant «  des règles maintenant ou augmentant la qualité d’accueil des enfants, des règles nationales, des règles précises non susceptibles de divergences locales d’interprétation des 102 services départementaux de PMI et des 17 000 crèches de France ».

Article 1 : la liste des personnels pouvant entrer dans la catégorie 2. (Donc dans le quota des 60%).
Cet article ajoute de nouvelles catégories de personnels et modifie parfois la durée d’expérience professionnelle demandée, notamment auprès de jeunes enfants. Il ne pose a priori pas de problème aux gestionnaires. En revanche, la FNEJE considère qu’il est inacceptable sur plusieurs points. Par exemple, pour les assistants maternels : dans les arrêtés précédents, pour travailler crèche dans la catégorie des personnels qualifiés de catégorie 2, il leur fallait avoir exercé au moins 5 ans. Désormais ce temps est ramené à 3 ans. Et assez curieusement, les assistants maternels titulaires du titre professionnel assistant maternel/garde d’enfants, - nouveauté de l’arrêté - eux, n’ont besoin de justifier d’aucune expérience professionnelle pour rejoindre une équipe de crèche. En revanche, les personnes titulaires du diplôme d’État d’assistant familial, elles, doivent justifier d’une expérience d’un an auprès de jeunes enfants. Par ailleurs, un nouveau venu dans la liste qui ne figurait dans aucune des versions précédentes du décret.). Mais ce qui est aussi incompréhensible, c’est que les aides-soignants peuvent rejoindre les structures, sans qu’aucune expérience auprès des enfants ne leur soit demandée. Par ailleurs, la FNEJE ne cautionne évidemment pas la possibilité donnée à l’alinéa 15, aux personnels de direction ou direction adjointe, non professionnels de la petite enfance (infirmiers, éducateurs spécialisés ou professeurs des écoles par exemple) qu’ils puissent être comptabilisés dans les personnels de catégorie 2 quand ils sont auprès des enfants. Selon elle, ces diplômés n’ont aucune formation petite enfance et offrir cette possibilité c’est nier les compétences et la formation nécessaires sur le développement du jeune enfant pour exercer en EAJE !

Article 2 : les fameuses dérogations permettant l’embauche de personnes sans aucune qualification.
Cet article-là , avant même la publication de l’arrêté, a fait le buzz dans les médias. Et pourtant ! De la FFEC à l’Acepp, les gestionnaires y voient plus d’avantages que d’inconvénients. D’abord parce qu’avec cet article, dans un contexte de pénurie avéré, cela peut véritablement aider les EAJE dans leurs recrutements et ensuite parce qu’il a le mérite de poser un cadre national ce qui limite les interprétations généreuses ou au contraire restrictives des PMI selon leurs départements. La FNEJE y voit la porte ouverte à tous les abus. Concrètement, les dérogations ne seront jamais automatiques et devront toujours être octroyées par la PMI. Il faut pour pouvoir bénéficier d’une dérogation « aux conditions de diplômes ou d’expérience » faire la preuve qu’il y a « un contexte local de pénurie de professionnels de catégorie 2. » Quelles preuves fournir pour appuyer la demande ? Montrer que « deux offres d’emploi ont été publiées au minimum pendant trois semaines » et produire un document établi par le gestionnaire « mentionnant le nombre de candidatures reçues ou attestant l’absence de candidats correspondant au poste à pouvoir ». La demande de dérogation s’accompagnant du CV du candidat retenu, le président du CD a un mois pour notifier sa décision. Voilà le garde fou destiné à éviter les abus.

Article 3 : les conditions de ces recrutements dérogatoires 
le texte encadre pércisément ces dérogartions et met en place 4 verrous pour éviter les  abus.
Premier verrou : toute personne recrutée sur dérogation doit bénéficier d’un parcours d’intégration dans le cadre de l’accompagnement à l’emploi pendant ses 120 premières heures d’exercice .C’est – et là tout le monde est d’accord - un progrès puisqu’auparavant les dérogations accordées n’étaient assorties d’aucune condition. Mais, précise le projet de texte, cet accompagnement doit être supervisé par le directeur ou son adjoint  ou le référent technique de la structure. Pour la FNEJE, ce n’est pas possible. 1.Parce que les directeurs d’EAJE n’ont pas le temps pour ça. 2.Parce qu’un tel accompagnement mérite d’être réalisé par des pros de l’insertion professionnelle.
Deuxième verrou : le nombre de personnes en parcours d’intégration de manière simultanée ne peut excéder une personne. Deux, quand il s’agit d’une grande crèche de plus de 60 berceaux. Là encore, la mesure semble faire l’unanimité. Ajoutez à cela qu’il faut que le nouveau venu bénéficie de deux entretiens durant son premier mois dans la crèche. Les différents alinéas de cet article détaillent ce que doit être précisément le parcours d’intégration a minima. La FNEJE s’oppose néanmoins au point IV qui stipule que la personne en parcours d’intégration ne pourra être comptabilisée dans les effectifs de catégorie 2 encadrant les enfants qu’après ses 35 premières heures d’intégration. La FNEJE, assez logiquement, considère que cela ne devrait être possible qu’à l’issue des 120 h du parcours.
Troisième verrou : sur une année, « le nombre de professionnels ayant bénéficié de ce dispositif et n’ayant obtenu aucune formation certifiante ou qualifiante » n’excède pas 15% de l’effectif moyen annuel chargé de l’encadrement.
Un progrès selon l’Acepp, puisqu’avec le précédent arrêté, les PMI pouvaient donner des dérogations (ce qui était assez rare) pouvant ouvrir jusqu’à 25% des effectifs.
Quatrième verrou : le professionnel « ayant bénéficié de ce dispositif d’accompagnement doit obligatoirement bénéficier dans un délai d’un an d’actions de formations certifiantes ou qualifiantes dans le domaine de l’enfance ».  Cela donne l’esprit du texte : pas question de créer des sous-professionnels pour boucher les trous au gré des absences ou postes vacants, l’idée est bien que ces personnes deviennent de vrais pros, formés, et pérennes pour les structures. En conclusion : L’Acepp voit dans cet article plutôt des dispositions allant vers une l’amélioration de la qualité d’accueil. Il pose des garde-fous constituant de nouvelles contraintes pour les gestionnaires. Donc même si ce n’est pas parfait, c’est du mieux. La FFEC considère, elle, « qu’en posant une limite quantitative et une procédure nationale encadrée toujours contrôlée par les services de PMI , le Ministre propose aux acteurs de la petite enfance d’oeuvrer à la lutte contre la pénurie sans porter atteinte à la qualité d’accueil des enfants. » Enfin, la FNEJE craint les débordements et que les dérogations qui étaient exceptionnelles deviennent majoritaires. Qu’il y ait des filières « dérogations » qui se constituent. Cet article, dans un contexte de pénurie, encadre très prudemment les dérogations que les Pmi pourront accorder… mais le fait de les encadrer les rend à la fois plus visibles, moins aléatoires donc aussi plus accessibles. Il sera intéressant, de faire quelques mois après la rentrée un premier bilan des dérogations demandées et obtenues. Un travail pour le comité de filière Petite Enfance ?

Article 4 : le cas des diplômes étrangers
Le cas des titulaires de diplômes étrangers semble réglé et bien réglé ! Avec en annexe de l’arrêté toutes les équivalences de diplômes entre la France et quelques 23 pays allant du Sud au Nord de l’Europe en passant par l’Est. Les professionnels pouvant être recrutés en catégorie 1 doivent être titulaires d’un diplôme de niveau 5 (bac +2) ou plus. Ou de niveau 4 et 3 (bac, CAP AEPE).  Par ailleurs un niveau de français A2  est exigé. Plus de tracasseries avec les PMI, dès lors que la preuve des diplômes étrangers aura été communiquée, rien ne pourra s’opposer au recrutement de ces pros. C’est une mesure plutôt bien accueillie. Avec quelques craintes partagées par l’Acepp et la Fneje. L’Acepp par exemple aurait aimé  qu’il y ait une limite à ces embauches par rapport aux effectifs totaux. Bref, les deux associations ne voudraient pas que des filières « portugaises », « polonaises » ou autres ne se mettent en place. Dans le viseur : les grands réseaux de crèches privées du secteur marchand qui en auraient les moyens.

Article 5 : quels infirmiers peuvent être des référents santé et accueil  inclusif ?
 Sont précisées les modalités du calcul des trois annèes  « d’expérience  professionnelle requise auprès des jeunes enfants » pour qu’un infirmier puisse exercer cette fonction.  

 Article 6 : les assistants maternels dispensés des formations concernant les besoins fondamentaux de l’enfant, pour une durée minimale de trente heures.
Cet article dispense les assistants maternels agréés titulaires d’un CAP PE ou AEPE, d’un bac pro ou d’un BEP accompagnement, soins et services à la personne ou d’un BEP option sanitaire et sociale.

Article 7 : les professionnels habilités à animer des séances d’analyse de pratique
Une liste très attendue. Au début de la concertation les professionnels petite enfance  étaient totalement exclus de ce rôle. Au grand dam des pros comme des gestionnaires. Il réservait ce rôle à des titulaires de diplômes en psychiatrie, psychologie ou psycho-sociologie de niveau 5 minimum. Et leur imposait néanmoins 5 ans d’expérience soit en EAJE soit en analyse de pratique. Puis une V3  de l’arrêté ouvrait très largement cette fonction aux titulaires d’un master II de sciences de l’éducation (avec 5 ans d’expérience) et aux titulaires d’un diplôme petite enfance de catégorie 1. Ce qui incluait non seulement les EJE, les infirmières-puéricultrices mais aussi  les auxiliaires de puériculture notamment. L’Acepp était  totalement opposée à ce que des auxiliaires de puériculture puissent jouer ce rôle au motif que leur formation ne les y préparait pas du tout, ce que même 5 ans d’expérience ne pouvaient compenser. Elle a obtenu gain de cause. L’arrêté  n’ouvre cette possibilité qu’aux EJE, puéricultrices et psychomotriciens.


Consulter l'arrêté

 
Article rédigé par : Cathrine Lelièvre
Publié le 04 août 2022
Mis à jour le 13 janvier 2023