Qu'est-ce qui arrive à nos enfants ? Par Sophie Marinopoulos

Psychanalyste, spécialiste de l’enfance et de la famille

Formidable ! Une chronique où je suis libre comme l’air d’aborder absolument ce que je veux. Voilà une première commande qui me donne des ailes. Alors hop c’est parti pour quelques lignes à partager sur ma préoccupation majeure autour de la santé de nos enfants. Pas la santé corporelle qui mesure, pèse, ausculte vaccine, donne des conseils nutritifs, évalue la vision et l’audition. Mais une santé méconnue que je ne cesse de ramener à notre connaissance, en la nommant la santé relationnelle de nos enfants. Une santé sur laquelle tel des petits génies, les enfants m’ont transmis un savoir précieux que j’ai reçu 5/5. Je les en remercie et si je peux aussi fermement affirmer un certains nombres de données, c’est bien grâce à leur propre certitude enfantine.

Cette santé, ce bien être, cet équilibre, qu’importe le nom, est la résultante de soins précoces adaptés au bébé, de mots de bienvenus et de fierté dès la naissance, d’attention répétées et rythmées, de regards encourageants qui accompagnent sa croissance, de croyances en ses ressources, de dialogues et de jeux, de soutiens fermes et fidèles, d’affection inaltérable en toute circonstance. Ce grand tout que je nommerai une relation d’aimance est la nourriture dont l’enfant a besoin, une nourriture affective nous dirait Boris Cyrulnik.

Et, essentielle, elle l’est pour que l’enfant puisse construire sa vie intérieure. Pour qu’il puisse relier ses expériences sensorielles précoces à l’origine de son état de bien être, de sa construction narcissique, de sa capacité à donner et recevoir, de sa capacité à percevoir ses limites, à se sentir en sécurité avec lui-même, à être serein et autonome. Plus l’enfant sera en bonne santé psychique, dans un équilibre psycho affectif, plus il pourra s’ouvrir à son environnement, développer son appétence à interpréter le monde qui l’entoure et à entrer en relation avec autrui pour devenir un adulte épanoui.  

Mais qui dit santé, dit aussi mauvaise santé avec son lot de symptômes, de souffrances, de manifestations. Et sur cette question, nous avons un nouveau défi sanitaire a relevé dans nos sociétés dites modernes, qui ont su vaincre bon nombre de fatalités biologiques et ont fait reculer la mortalité enfantine. Celui-ci revient à prendre acte que nos enfants présentent des signes d’anxiété de plus en plus précoce, que le stress les gagnent et qu’ils s’en défendent par des comportements remuant souvent nommés hyperactivité, par des somatisations ou des troubles de l’humeur qui les voit vite dans des excès de manifestations affectives et émotionnelles. De fait, ils sont parfois instables, peu canalisables, excités, inattentifs, capricieux. Des qualificatifs répétés sans que jamais nous n’osions poser la question : qu’est ce qui arrive à nos enfants ? Sont-ils réellement pire que ceux d’hier comme je l’entends souvent… «  ah autrefois nous n’avions pas la moitié de ce qu’ils ont et nous étions plus heureux ».
Comment toutefois en dehors de cette observation hâtive, relier ce qu’ils nous montrent à voir avec nos modes de vie d’aujourd’hui ? La modernité n’est pas une fatalité si nous prenons la mesure de ce qu’elle implique. Nous devons donc préserver nos enfants et  ne pas les exposer à un environnement inadapté. Pour cela prenons conscience que le temps de l’enfance, n’est pas le temps de l’adulte et de ses obligations ; que l’enfant n’est pas un adulte en miniature mais un adulte en devenir, que ses activités ludiques lui permettent d’entrer en contact avec son corps, ses émotions, pour s’élargir aux siens, puis à son environnement matériel. Si l’adage  grandir c’est se séparer, nous guide sur ce que l’enfant traverse, nous devons garder en mémoire que cette séparation est avant tout psychique et qu’elle se joue à tous les âges de la vie de l’enfant et de l’adolescent. Il s’agit donc pour l’enfant d’accepter les mouvements d’éloignement et d’intérioriser la présence aimante de son parent pour compenser cette distance physique et maintenir une proximité intérieure. Ce mouvement de renoncement requière du temps pour se transformer en plaisir de grandir. Renoncer au connu pour aller vers l’inconnu…..tout un programme que l’enfant joue chaque jour pour dépasser ses peurs et créer le plaisir de vivre et de partager. Pour cela il a besoin de nous tous. Soyons là pour eux, pour les soutenir dans leurs efforts d’être soi parmi les autres.    
Aussi gardons à l’esprit que la santé relationnelle est ce qui est en attente d’attention et de prévention. Ensemble, avec vous les professionnels de l’enfance qui êtes au plus près de nos jeunes enfants et qui agissez précocement, relevons ce défi.

 
Article rédigé par : Sophie Marinopoulos, psychanalyste, spécialiste de l'enfance et de la famille
Publié le 25 février 2016
Mis à jour le 14 juillet 2017