Accompagner les parents confinés : une nouvelle mission pour les professionnels de la petite enfance ?

 Marie-Paule Thollon-Behar, psychologue, formatrice petite enfance s’interroge sur la façon dont les professionnels de la petite enfance peuvent se mobiliser pour accompagner les familles confinées…Et décrit un dispositif mis en place dans la banlieue lyonnaise souhaitant qu’il puisse faire des émules.
Nous commençons la deuxième semaine de confinement et je suis très inquiète pour les parents confinés dans des appartements en ville, pour les mamans seules ou les papas seuls qui doivent gérer toute la journée leurs enfants petits, mais aussi pour ceux qui ont de l’espace, à la campagne, ce qui n’évite pas les colères, les pleurs, les difficultés d’endormissement etc. Si nous nous mobilisons à juste titre pour les soignants, les professionnels qui nous permettent de continuer à nous alimenter, si nous pensons aux personnes seules, handicapées ou malades, peu de choses sont faites pour accompagner les familles.

Un guide pour les parents confinés
Des initiatives existent, le guide pour les parents confinés a été édité par le gouvernement, des éditeurs mettent à disposition gratuitement des idées d’activité, de court-métrages. Mais de quoi auraient besoin les parents aujourd’hui ? Sans doute d’être écoutés dans leurs difficultés. Or, je commence à faire le tour des services avec lesquels je travaille, il y a peu de choses qui vont dans ce sens.

A l’écoute des familles avec des entretiens personnalisés
Aussi, je tiens à témoigner d’un dispositif intéressant mise en place dans un service petite enfance de la banlieue de Lyon qui n’est sans doute pas le seul mais qui permet de penser une modalité d’aide aux familles.
 
• Le dispositif
Les professionnels volontaires se sont réparti les familles accueillies dans la crèche. Elles ont pour mission de les contacter une fois par semaine, avec pour objectif de garder le contact avec elles, de prendre des nouvelles. A ces objectifs, il serait intéressant de rajouter :  leur permettre de formuler leurs difficultés. Un cadre est donné : durée de l’entretien en moyenne, questions qui peuvent être abordées. Le projet (en cours de mise en route) prévoit un accompagnement de ces professionnels par la psychologue du service lors de réunion en visio-conférence.
• L’entretien avec les parents
- Une écoute de là où en est le parent, sans jugement bien sûr,
- Une réassurance sur ses compétences : c’est normal que ce soit difficile, la situation est particulièrement pénible à supporter, vous n’êtes pas incompétent.
- Des suggestions en fonction de ce qui est exprimé : et là les conseils que l’on trouve sur les réseaux peuvent être transmis.
• L’intérêt du dispositif
- Poursuivre la mission d’accompagnement à la parentalité au-delà de la présence à la crèche, portée par tout professionnel de la petite enfance
- Se situer dans la prévention de difficultés importantes dans la relation entre les parents et leurs jeunes enfants, voire de maltraitance.
- Retrouver un sentiment d’utilité pour des professionnelles qui sont en situation de chômage partiel.
• Les conditions
- Un cadre défini pour ces entretiens comme je l’ai évoqué plus haut
- Un accompagnement des professionnels par un psychologue ou une coordinatrice ou le responsable de la structure qui consiste à les écouter.

Des pratiques à réinventer
Les réticences principales que j’entends quand j’évoque ce dispositif portent sur le manque de formation des professionnels et sur l’intrication entre vie professionnelle et vie personnelle. Les professionnels sont formés à l’accompagnement à la parentalité, elles connaissent bien les familles et elles sont tout à fait en capacité de poursuivre le dialogue. Il faut leur faire confiance. On ne leur demande pas d’être thérapeute familial mais simplement d’écouter. La situation actuelle, extraordinaire, demande de trouver des situations non ordinaires. Elle demande de sortir de nos cadres de pensée habituels, de nos pratiques cadrées et normées et donc de la distinction entre vie professionnelle et vie personnelle. Les professionnels petite enfance feraient eux aussi du télétravail, si ils le souhaitent, si ils le peuvent.

Les familles confinées vivent dans des cocottes minutes qui sont souvent sous pression. Il faut trouver les moyens de proposer une soupape. Le dispositif d’écoute en est une, précieuse, indispensable. Pour une fois, ce sont les enseignants qui sont en première ligne dans ce contact hebdomadaire avec les parents par téléphone pour une continuité de l’enseignement. Les professionnels de la petite enfance pourraient avoir la possibilité d’être dans une continuité de leurs missions d’accompagnement des parents. Ceux-ci ont besoin de nous. Inventons de nouvelles pratiques !

 
Article rédigé par : Marie-Paule Thollon-Behar
Publié le 31 mars 2020
Mis à jour le 11 mai 2020