Lombalgies en petite enfance : les formations préventives, la meilleure des armes

Les lombalgies sont l’un des plus grands fléaux des professionnels de la petite enfance. La lutte contre ces maux, José Curraladas, Masseur Kinésithérapeute DE, fondateur de l’Ecole du Dos de la Petite Enfance, en a fait sa vocation. Il rappelle ici leurs conséquences, parfois graves, sur la santé, et l’importance d’une véritable prévention de qualité. Qui passe notamment par les organismes de formation spécialisés.
Le fléau du mal de dos
 
  • Conséquences à court terme : accidents et arrêts de travail

La lombalgie, quelle qu’en soit la cause, constitue le deuxième motif de recours au médecin traitant et donne lieu à un arrêt de travail 1 fois sur 5. Bien qu’elle évolue favorablement dans 90 % des cas, elle représente 30 % des arrêts de travail de plus de 6 mois (en forte augmentation ces dernières années) et constitue la 3ème cause d’admission en invalidité pour le régime général de la sécurité sociale en France. Elle constitue également un motif fréquent d’accident de travail : près de 20 % du nombre total des accidents du travail. La progression est régulière sur une décennie (2005-2015) de la part des lombalgies dans les accidents du travail (AT). Les lombalgies d’origines professionnelles représentent un problème de santé important qui engendre un coût de plus d’un milliard d’euros. On observe une durée d’arrêt plus longue quand les lombalgies sont en lien avec le travail que lorsqu’elles surviennent dans un autre contexte .

Selon une enquête du Centre de Recherche pour l'Etude et l'Observation des Conditions de vie (Credoc) de 1995 : 70% des personnes en âge de travailler ont été victimes au moins une fois d'un épisode de lombalgie, le tiers d'entre elles a dû arrêter (au moins temporairement) son travail pour ce motif, 47% des adultes ont présenté des "douleurs du dos" dans les 4 semaines précédant l'enquête. Il en est de même dans les autres pays européens : une enquête de 1996, portant sur les problèmes de santé au travail réalisée dans les 15 pays de l'Union européenne, montre que 30% des salariés se plaignent de maux de dos. L'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail estime que 60 à 90% des personnes souffriront de lombalgies à un moment ou l'autre de leur carrière.
 
  • Conséquences à long terme : invalidité et interventions chirurgicales

Les lombalgies représentent la première cause d'invalidité au travail chez les moins de 45 ans. Leur fréquence augmente avec l'âge, jusqu'à un pic situé vers 45-50 ans. Toutes les professions sont concernées par les lombalgies mais une étude américaine (Guo et coll., 1995)  donne une liste des professions les plus à risque. Pour les hommes, on trouve les ouvriers non qualifiés du bâtiment, les charpentiers, les mécaniciens. Parmi les femmes, les plus à risque sont les aides-soignantes et les infirmières, le personnel de nettoyage et de service, et aussi les coiffeuses. Certaines professions ou secteurs, parce que le risque de lombalgie y est considéré comme élevé, ont fait l’objet de nombreuses études : citons le secteur des soins, la construction, les conducteurs de camion et de bus (Guo et coll., 1995).

En France, les maladies professionnelles, s’inscrivent dans la durée et concernent des cas plus sévères, avec hernie discale avérée, conduisant souvent à des interventions de chirurgie rachidienne.  Au total, les lombalgies en lien avec le travail représentent, pour la branche risques professionnels un coût élevé de plus d’un milliard d’euros par an, soit l’équivalent du coût des autres troubles musculo-squelettiques.

La petite enfance : un secteur à haut risque

Le secteur de la Petite Enfance est un des secteurs professionnels les plus exposés aux lombalgies. De nombreux secteurs d’activité sont bien sur touchés par ce fléau et le secteur de la petite enfance est de ceux-là. Les professionnelles que sont les puéricultrices, les infirmières, les auxiliaires de puériculture, les assistantes maternelles, les éducatrices de jeunes enfants, les aides maternelles sont soumis toute la journée et cela pendant toute la durée de leur activité professionnelle au port de charges répétées.

Un enfant quand il est pris en charge dans des structures d’accueil, qu’elles soient collectives ou individuelles, pèse environ 5/7Kg et quand il en sort vers 3 ans, 12/14Kg. C’est donc un véritable travail de force qu’effectue ces personnels pendant leur activité professionnelle qui va s’étendre dès les prochaines années jusqu’à près de 68 ans.
En effet, l’arrivée sur le marché du travail s’effectue maintenant vers 23/25 ans. La durée de cotisation pour l’ouverture des droits à une pension de retraite étant actuellement de 43 ans, le départ en retraite à taux plein ne pourra s’effectuer qu’aux alentours de 66 ou 68 ans.

Sans formation de prévention des rachialgies, la majeure partie des adultes auprès d’enfants souffrirons de rachialgies et une bonne partie d’entre elles ne pourront malheureusement plus exercer leur activité professionnelle bien avant l’âge de la retraite.

Une prévention de qualité vitale
 
  • Les « école du Dos » particulièrement adaptées

La meilleure façon de traiter la lombalgie chronique, c’est d’éviter la survenue de lombalgies aigues et, à défaut, le passage de la phase aiguë à la phase chronique . Il faut donc des actions de prévention par des formations des personnels aux bonnes postures qui protègent le rachis.

Les formations sur le modèle des « Ecole du Dos » sont une option efficace pour la transmission des messages de prévention des rachialgies. Une école du dos consiste en toute forme de programme éducatif, dispensé en groupe, qui vise à favoriser chez les participants aussi bien des apprentissages de nature cognitive (acquisition de connaissances relatives à la colonne vertébrale et aux problèmes de dos), que des apprentissages sensori-moteurs (la maîtrise d’habiletés motrices) permettant de réduire les efforts mécaniques s’exerçant sur la colonne. Une école du dos a aussi pour finalité de transmettre un ″savoir-être″, c’est-à-dire une autre attitude vis-à-vis de la douleur et de la prise en charge médicale. »

Bien que leur contenu, leur durée et leur mode organisationnel puissent varier de façon importante, la grande majorité des écoles du dos poursuivent des objectifs similaires :
- prévenir la survenue de la lombalgie ou limiter son risque de récidive ;
- diminuer la douleur ressentie et son impact fonctionnel dans la vie courante ;
- diminuer le recours inconsidéré aux soins médicaux ;
- encourager la personne à prendre son problème de dos en charge .

Le message de prévention des lombalgies doit apporter 3 niveaux d’informations :
- La connaissance de l’anatomie de la colonne vertébrale : Anatomie, physiologie et bio mécanique de la colonne vertébrale ; Les mécanismes lésionnels des structures de la colonne vertébrale
- Les techniques de protection de la colonne vertébrale : Le polygone de sustentation
La balance rachidienne ; La technique du balancier ; Le verrouillage lombaire
- Les postures qui protègent la colonne vertébrale : Soulever/déposer ; Porter ; Déplacer
 
  • Un message oral clair et une pratique gestuelle régulière

Pour qu’il soit efficace et assimilé par la personne qui reçoit la formation, le message doit être clair, simple et pratique. Les ordres complexes (rentrez le ventre, basculez votre bassin en arrière et serrez les fesses) sont totalement inefficaces car impossibles à effectuer. A l’inverse, les ordres trop simplistes (il suffit de plier les genoux et de garder le dos droit) sont dangereux car ils apportent une information erronée. Ce message doit être également essentiellement corporel.

En effet, la prévention des rachialgies passe par la prise de conscience corporelle des gestes dangereux et la répétition des gestes de prévention et de soulagement. Seule l’intégration somatique des sensations articulaires et musculaires vont permette à la personne qui reçoit le message de « sentir » les bonnes positions de protection du dos. La répétition des bons gestes et des bonnes postures va permettre au cerveau d’enregistrer les bonnes sensations lors des efforts de soulèvement/dépose, tirer/pousser, etc. La pratique gestuelle répétée sur plusieurs heures va permettre d’effacer les informations nociceptives et d’apporter des informations posturales proprioceptives positives. C’est un peu comme si l’on « formatait » le disque dur qu’est notre cerveau et que l’on y grave de nouvelles informations.

Toute formation de prévention gestes et postures se contentant d’apporter des informations théoriques est totalement inutile et inefficace.
De plus, l’information doit être apportée à des personnes effectuant la même activité professionnelle. Il est totalement adhérent de penser que l’on peut apporter la même information de prévention à des personnes exerçant des métiers différents (cadre administratif, auxiliaire de puériculture ou éboueur). La problématique de chaque métier est différente et doit être traitée spécifiquement avec l’étude des gestes dangereux afin d’y apporter des réponses spécifiques et adaptées même si les principes généraux sont universels.


* Quelques chiffres issus de : Travail et Lombalgies « du facteur de risque au facteur de soin » INRS 2018
Près de quatre personnes sur cinq souffrent un jour de lombalgie.
Les lombalgies, c’est aussi : 20 % des accidents du travail (AT), 7 % des maladies professionnelles (MP) (ne sont prises en compte comme MP que certaines des atteintes lombaires les plus graves), le 2e motif de recours au médecin traitant, la 3e cause d’admission en invalidité.
La durée moyenne des arrêts de travail pour lombalgies après AT est en moyenne de 2 mois et de 1 an pour une MP. Environ 10 millions de journées d’arrêts de travail par an sont prises en charge par la branche AT-MP en accidents du travail (1/4 du total des arrêts de travail pour AT) et 1,5 millions en MP. Les lombalgies représentent 1/3 des arrêts de travail de plus de 6 mois. Au total, les lombalgies en lien avec le travail représentent, pour la branche AT-MP, un coût élevé de plus d’un milliard d’euros par an.

Les principes d’une manutention sans risque

1/ Porter des tenues vestimentaires amples et fonctionnelles
2/ Maintenir la colonne vertébrale fixe avec des membres inférieurs mobiles
3/ Toujours préparer et anticiper la manœuvre
4/ Etre stable sur ses appuis
5/ Toujours soulever et déposer la charge au plus près du corps
6/ Ne pas faire de rotation du tronc en soulevant, portant ou déposant la charge
7/ Maintenir une activité sportive régulière

Article rédigé par : José Curraladas
Publié le 03 octobre 2019
Mis à jour le 09 décembre 2019