La même bienveillance envers les parents qu’envers les enfants ?

Il ne viendrait pas à l’idée  aux accueillants de donner à manger à la cuillère à un enfant pendant ses trois ans dans la crèche. Les équipes réfléchissent autour de son autonomisation au fur et à mesure que ses capacités motrices se développent, notamment  lors des passages de section. Ont-elles la même réflexion autour de l'accompagnement des parents ? Qu’ont appris les parents en trois ans de crèche ?
Nous mettons en place une bienveillance pédagogique pour accompagner le développement de l'enfant mais sommes nous aussi créatif pour accompagner ses parents. Laissons-nous les parents s'autonomiser autour de l'éducation de leurs enfants ? N'avez-vous jamais eu le retour des parents à l'entrée à l école maternelle qui reviennent pour vous dire qu'ils n'ont plus de temps de parole avec un professionnel et ils se sentent perdu ? Je vous laisse imaginer si la maîtresse, dans les premières semaines de septembre, prenait un temps avec 30 parents. Le dernier parent partirait à 18h. Confucius avait cette très jolie phrase : « Quand un homme a faim, on ne lui donne pas un poisson, on lui apprend à pécher ! » Combien de parents on appris a pécher dans les crèches ?

Que transmettre aux parents ?
Les professionnels connaissent les modes d'apprentissages qui renforcent les acquisitions pour les appliquer avec les jeunes enfants lors des temps d'activités : l'observation, l'expérimentation, l'imitation et la transmission de savoir. Combien de méthodes utilisez-vous pour les enfants et combien en utilisez-vous pour les parents ?
Les professionnels/les ont cette dépendance à un savoir théorique autour du maternage qui changent tous les dix ans [6] et ils finissent par contaminer les parents avec des flots d'informations différentes. Cette situation n'est pas pour sécuriser une construction parentale. Ne faut-il pas moins apprendre mais avoir un savoir stable et congruent que d'avoir par imitation un savoir sans le sens pour la personne. Pour faire un parallèle avec l’acquisition de la marche du jeune enfant, ne jouez pas les trotteurs ou les youpalas pour les parents. Il n'est pas bon de faire croire à un enfant qu'il se tient debout dans un trotteur alors qu'il n'a ni la force dans les jambes, ni l'équilibre et encore moins saisi toute la coordination que cela implique. Il ne sert à rien de répéter tous les ans les mêmes phrases aux parents alors qu'ils n'ont pas forcément acquis certains principes et compris les enjeux.

Il est parfois dommageable de faire des généralités d'un savoir théorique sans regarder les capacités de la famille avant de les conseiller pour leur enfant. Les enfants ont les parents qu'ils ont : un enfant peu dynamique est souvent la résultante d'une certaine éducation dans la famille. Il est le bébé de un tel et une telle. Si le manque de dynamisme ou manque d'autonomie ne plaisent pas à l'équipe c'est le problème du personnel de la crèche et pas de la famille. Il y a autant de comportement d'enfants que de familles. Evidement, cette réflexion s'applique hors trouble neurologique ou autres pathologies. Un enfant est le reflet de sa famille, le rendre trop dynamique dans une famille non préparé à cette énergie c'est la mettre en difficulté. Aimeriez-vous que l'institutrice de votre enfant lui change ses vêtements ou sa coiffure car elle n'a pas les mêmes goûts que vous ? Nous oublions parfois que l'enfant grandit avec un parent en construction que nous « maltraitons » et que nous laissons peu libre de ses choix.

Respecter  les singularités des familles
C'est la « collectivité » ou « on ne peut pas faire à la carte pour chaque famille » seront les réponses que les professionnels formuleront, voire « c'est des adultes, ils peuvent comprendre ». Les conditions  de travail dans la petite enfance sont parfois difficiles, nous faisons alors des choix pour ne pas être débordé. L'exemple du parent qui laisse dormir son bébé plus tard sera averti car il arrive pendant les activités et un accueillant ne pourra s'occuper de lui. On lui demandera indirectement de réveiller son enfant pour être à l'heure. Mais, la même équipe refusera de réveiller un enfant à la sieste à la demande d'un parent car il n'arrive plus à le coucher... car on ne doit pas réveiller un enfant. Est-ce compréhensible pour un jeune parent ?

Les établissements de la petite enfance ne sont pas des lieux pour éduquer ou dresser les familles selon les valeurs de la crèche mais pour aider à faire penser les gestes du quotidien auprès des jeunes enfants. Quand je relis cette célèbre phrase : « Mais un bébé, cela n'existe pas... j'ai fait remarquer que, lorsqu'on me montre un bébé, on me montre certainement aussi quelqu'un qui s'occupe de lui... » [7]. J'aimerais parfois rajouter : « et comment s'occupe-t-on  de ce quelqu'un ?» Prenons-nous le temps d'analyser les besoins des jeunes parents ? Les lieux sont-ils adaptés pour recevoir des parents ? Il y a très peu d'institutions qui prévoient un vrai espace d'accueil pour les parents, juste une chaise d'adulte par exemple, pour une maman enceinte qui vient rechercher son enfant après son trajet de travail en métro. Les discussions  entre parents et professionnels/les se font le plus souvent entre deux portes. Il est même fréquent que le temps de présence des familles soit limité dans la section car cela perturbe le fonctionnement de la journée ou les jeunes enfants.

Comment  aider « efficacement » les parents avec leurs progénitures ? Y-a-t-il une forme de parentalité normale pour avoir des enfants sans problème?
La solution apportée par les membres du personnel des crèches aux deux dernières questions est souvent sous forme d'éducation, voire de formation que les différents intervenants qui entourent les bébés dispensent aux parents lors des accueils. Cette transmission de savoir serait pour empêcher les parents de faire des erreurs dans les méthodes pédagogies avec leurs enfants mais, également, parce que les accueillants sont interrogés constamment sur des conseils d'éducations.
Répondre systématiquement aux questions est-elle la méthode la plus appropriée pour aider à se construire dans un rôle de parent? Feriez-vous de la même manière pour aider un jeune enfant ?
Je terminerais sur deux citations de Winnicott : « Pour tirer le meilleur parti des parents, nous devons leur laisser l'entière responsabilité de ce qui les regarde vraiment, l'éducation de leurs propres enfants. »[8]  et « En revanche, nous pouvons leur donner à penser leur actes ! »[8].  

Pour aller plus loin, suivre notre formation en ligne Les transmissions aux parents.


6] Delaisi de Parseval G. & Lallemand S. (1980) : « L'art d'accommoder les bébés » Paris, Seuil.
[7] Winnicott, D.W. (1958) : « De la pédiatrie à la psychanalyse » Paris, Payot.
[8] Winnicott D.W. (2002) : « L'enfant et sa famille » Paris, Payot.
Article rédigé par : Frédéric Groux
Publié le 12 juillet 2016
Mis à jour le 27 février 2024