Le bébé est une personne, le parent aussi !

Une des missions attribuées aux lieux de la petite enfance est d'accompagner les familles dans la construction de leur parentalité. Pourtant, les parents que le personnel de la petite enfance rencontre sur les temps d'accueil du matin et du soir, leur posent souvent questions, voire problèmes par leurs comportements et leurs discours autour de leur jeune enfant. Le travail avec les mères et les pères accueillis est une des tâches les plus importantes de nos métiers.
« Le bébé est une personne »[1], c'est un fait reconnu indiscutable auprès des professionnels de l'enfance. Ils lui laissent le temps de faire ses expériences avec son corps, son esprit car ils lui reconnaissent des capacités d'apprentissages précoces. Les accueillants parleront de motricité libre, de différentes méthodes pédagogiques qui ont fait leurs preuves afin de développer ses compétences et sa confiance en soi car ce chérubin est en plein développement et apprend mieux par ses propres moyens. On oublie souvent qu'un enfant seul n'existe pas comme l'a très bien écrit Winnicott[2]. Un enfant ne fait jamais le choix de venir dans une crèche. Ce choix a été fait par ses parents : ses premiers éducateurs. Ce choix est fait pour des raisons différentes et la résultante est que vous devez prendre soin de leur bébé pendant leurs absences.

Des parents en construction
Nous oublions parfois que l'enfant grandit avec un parent en construction et les professionnels lui laissent peu de temps pour se sécuriser dans cette nouvelle fonction. Un parent est donc un éducateur. Il éduque selon ses croyances aux sens larges : culturelles, religieuses, familiale, voire de sa formation professionnelle qui influence parfois certaines peurs chez des parents. Chaque choix a  été une réflexion dans le couple ou par le parent. Certes, de notre regard de personne qui a été « formée » par un diplôme ou une expérience de plusieurs années, la logique de la réflexion nous échappe parfois ou nous les interprétons à tort. Les mots utilisés par les parents, pour expliquer ce qu'ils souhaitent pour leur bébé, viennent des tripes, c'est de l'émotion brute, car ils ne sont pas médiatisés par un discours sorti de livre et qui ferait barrage à l'émotion. Pour imager cette explication sur le ressenti des parents, je vais utiliser une situation commune dans les établissements petite enfance. De nombreux professionnels ont déjà vécu cette perte de verbalisation quand en pleine activité, de transvasement avec de la semoule par exemple, un membre de la direction, entre dans la section, et pose cette fameuse question : « quel est l’intérêt de cette activité pour l'enfant ? ». Vous, en tant que professionnel dans cette activité, avez mis votre pensée en « fonctionnement bébé » pour être capable de verbaliser les actions et émotions du jeune enfants. Car, les accueillants le savent qu'on ne joue pas avec les enfants d'âges différents de la même manière. Lors de cette fameuse question souvent le savoir s’égraine comme la semoule entre les doigts. Bien évidement, vous connaissez tous les bienfaits des jeux de contenant-contenu pour les enfants mais dans cette situation, plus rien. On expliquera cela simplement. Vous n'étiez pas dans le « sens rationnel » mais dans le « sens sensoriel ». Vous aviez besoin de ressentir les sensations corporelles et les moindres émotions pour les mettre en mot pour les enfants. Ces sensations sont souvent piochées dans notre enfance. Or, la personne qui vous interroge n'est pas dans le même fonctionnement de pensée. Elle se tient debout, elle sort certainement de discussion avec d'autres adultes ou d'un travail qui demande un fonctionnement d'analyse rationnelle. A l'inverse, il serait tout aussi difficile  à cette personne de la direction de décrypter les émotions sur le visage d'un bébé.

Des parents tout en émotions
Les jeunes parents traversent une phase où ils sont dans l'incapacité de dire le « pourquoi » de leur décision mais tout le corps le martèle. C'est son corps et ses sens qui parlent, il expérimente de façon intuitive et sensoriel son rôle de parent. Les parents découvre des nouvelles émotions et manque donc de mot dans certains cas. On met en mot les sensations  qu'on nous a déjà verbalisé. Si personne n'a nommé l'émotion vous ne pourrez la dire avec un mot. Le manque de mot pour expliquer son nouveau vécu de parent peut entraîner des problèmes.
La difficulté survient quand la demande, la décision du parent au sujet de son enfant va rentrer en rivalité avec le savoir des professionnels. Ce dernier n’entendra, pas voire niera la demande du parent. Dans cette situation, il ne restera alors qu'une arme, celle de la colère et dans le pire des cas celle de l'agressivité pour le parent pour obtenir son droit à choisir pour son bébé. Le corps du parent parlera comme celui des jeunes enfants dans les sections avant l'acquisition de la parole. Ce comportement violent sera dénoncé. Les équipes se cacheront derrière un règlement intérieur et des valeurs pédagogiques pour justifier les choix de l'institution, en oubliant que la première des violences est celle qu'on inflige aux parents : celle de ne pas les reconnaître comme tel. Il est le premier éducateur et il est digne de faire des choix pour son enfant. Qu'attendons-nous pour considérer les parents comme le futur des enfants ? Les parents sont juste des enfants qui ont grandi, ils sont ces fameuses personnes qu'on a découvertes dans les années 80.



[1] Martino B.(2004) : « Le bébé est une personne »,Paris, J'ai lu.
[2] Winnicott D.W. (1969) : « De la pédiatrie à la psychanalyse » Paris, Payot.


Pour aller plus loin, suivre notre formation en ligne : Les transmissions aux parents.
Article rédigé par : Frédéric Groux
Publié le 12 juillet 2016
Mis à jour le 12 juin 2023