Alimentation des enfants : un enjeu pour les assistantes maternelles

La Caisse Nationale d’Allocations Familiales (CNAF) a publié  dans la Revue des politiques sociales et familiales un dossier conscré aux « normes sociales et à la socialisation alimentaire » au sein de la famille. Avec un focus sur les pratiques nutritionnelles des assistantes maternelles.
Le chapitre intitulé « Travail alimentaire et délégation éducative, le cas des assistantes maternelles à domicile » et signé par trois sociologues spécialisées, Anne Dupuy, Laurence Tibère et Stéphanie Goirand, aborde les enjeux de l’alimentation dans le quotidien des assistantes maternelles, et particulièrement leur rôle dans les relations avec les parents des enfants accueillis. Les auteurs ont interviewé 24 professionnelles et 13 parents. Cette étude qualitative permet aussi de comprendre la place tenue par la conception, l’approvisionnement et la préparation des repas dans l’organisation des journées des professionnelles de l’accueil individuel. L’alimentation revêt donc un aspect non seulement symbolique mais aussi pratique et influe beaucoup sur l’exercice quotidien du métier.

L’objectif global de l’étude était de revaloriser le rôle des assistantes maternelles dans ce domaine de l’alimentation car, comme le déplore Anne Dupuy : « On n’en parle pas assez. Pourtant, l’alimentation est quelque chose d’important dans leur métier. D’ailleurs, il est beaucoup plus visible et valorisé dans les structures d’accueil collectif. »

Repas fournis : une charge supplémentaire hors du temps de travail
Toutes les assistantes maternelles ne fournissent pas les repas aux enfants accueillis. Cela se détermine au moment du contrat. Certains parents préfèrent apporter les repas de leurs enfants, d’autres en délèguent conception et préparation à leur assistante maternelle. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne souhaitent pas les contrôler. 

Quand ils sont fournis (et facturés selon les modalités prévues), l’enquête démontre que les repas (tout comme les courses d’alimentation nécessaires) sont préparés hors du temps de travail rémunéré.
Plusieurs assistantes maternelles affirment se lever à 5h du matin afin de préparer le déjeuner des enfants en avance. Ne pas effectuer de tâches domestiques pendant le temps de travail auprès des enfants pour ne pas les négliger étant de fait, une exigence des PMI. D’autres profitent de leur repas familiaux du soir pour faire des quantités plus importantes et ainsi en avoir pour les enfants accueillis le lendemain midi. Néanmoins, la plupart des assistantes maternelles privilégient la fraicheur au réchauffement des aliments.

Enjeu symbolique de l’alimentation
La préparation et le déroulement des repas sont au coeur de la relation entre les assistantes maternelles et les parents. Ces derniers, quand ils confient leur enfant à une assistante maternelle et lui délèguent la préparation des repas, attendent d’elle qu’elle agisse dans la continuité de ce qui se passe à la maison : normes nutrionnelles, règles à table… Une fois la confiance établie entre la famille et leur assistante maternelle, les parents se sentent plus détendus et laissent plus de liberté à la professionnelle. Et alors, comme l’explique Anne Dupuy, « ils leur délèguent les tâches les plus compliquées et pénibles à gérer, comme par exemple l’apprentissage de la régulation de l’appétit, ou bien encore les rythmes des repas. » 

En revanche, ils se gardent volontiers la « bonne part » de l’alimentation de leur enfant, celle conforme à ses goûts… Le midi, ce sera donc fruits et légumes, les petits plaisirs restant réservés au soir lors du repas familial. Ils perçoivent donc l’assistante maternelle comme une aide, ce qui lui confère une certaine légitimité mais lui octroie aussi la responsabilité alimentaire.

Toujours se ranger derrière le parent
En cas de désaccords, les professionnelles sont unanimes : mieux vaut se ranger à l’avis des parents et éviter la menace de la rupture d’un contrat. Seules les assistantes maternelles les plus expérimentées et sollicitées se permettent un positionnement fort contribuant à asseoir leur légitimité.
Article rédigé par : Laura Bourven
Publié le 17 juillet 2019
Mis à jour le 12 mai 2021