Déconfinement : Qu’en est-il pour les assistantes maternelles ?

Le guide ministériel du déconfinement est enfin sorti, il était attendu même si un grand nombre de préconisations avaient déjà été anticipées. Si ce guide vient préciser des éléments sur le plan sanitaire et sur les mesures d’hygiène indispensables, il vient aussi confirmer les interrogations voire les angoisses qu’un grand nombre de professionnelles rencontrent. Qu’en est-il des assistantes maternelles ? Quelles consignes, quels outils peuvent-elles s’approprier entre ce qui est recommandé dans l’espace public, collectif et ce qui fait ou ferait règle dans leur espace privé ? Comment les accompagner aux mieux quand elles doivent porter, seules, des protocoles avec le sentiment de ne pas être reconnues, entendues ? L’éclairage de Sandra Chainay, psychologue clinicienne.
Il semble probablement qu’il faut d’emblée différencier, les assistantes maternelles qui ont choisi ou qui se sont vues imposer de maintenir l’accueil d’enfants et celles qui ont arrêté leur activité le temps du confinement. Les premières ont continué à accueillir des petits, dont les parents ont poursuivi leur travail (en particulier des soignants), chacun s’adaptant et s’ajustant à cette situation inédite, en faisant preuve de bon sens, avec des consignes succinctes. Les secondes ont, à l’inverse, vécu une rupture professionnelle et ont, comme un grand nombre de français, eu l’expérience des temps de confinement, plus ou moins complexes, en famille. Ces dernières sont donc confrontées aux informations contradictoires qui circulent, aux injonctions paradoxales autour des notions de volontariat, de distance, de priorité, de contamination, de prudence, de sécurité …
Le moment de la reprise soulève, une fois n’est pas coutume, les contradictions de leur fonction et des questions spécifiques liées à leur place particulière dans le monde de la petite enfance. En premier lieu, il semble important de pointer que, ce retour au travail ne signifie pas, pour elles, de franchir le seuil de la porte pour aller vers un extérieur perçu de manière plus ou moins angoissante mais de rouvrir les portes de leur domicile qui depuis quelques semaines est perçu comme un lieu protégé, protecteur.

Des protocoles qui bouleversent leurs pratiques et convictions
Comment répondre à leurs questionnements et les apaiser quant aux inquiétudes ressenties concernant une pratique qui pourrait potentiellement les exposer et exposer leurs proches ? Comment vont-elles organiser leur journée qui est souvent ponctuée de sorties, d’ouverture vers l’extérieur (avec la participation à des jardins d’éveil, à des regroupements en médiathèques ou au gymnase, à des ateliers qui sont organisés par des partenaires, etc.) ?

Il me semble qu’il faut d’emblée reconnaitre combien les protocoles viennent bousculer leurs repères et leurs convictions professionnelles. Outre l’idée que ces procédures peuvent être perçues comme intrusives, elles s’inscrivent surtout à l’encontre du projet qui les porte habituellement concernant un accueil familial, une proximité avec les enfants qui laissent une grande place à la relation individualisée au sein d’une petit nombre d’enfant (souvent 2 à 4). Cette pratique est, de fait, malmenée et les repères relégués au second plan.
Comment ne pas être trop découragée ? Comment ne pas avoir le sentiment qu’une partie, de l’essence même de leur travail, leur échappe ? Comment ne pas se sentir dépossédée du lien qu’elles tissent habituellement avec les enfants et leurs parents ?

Je pense, en premier lieu, qu’il faut accepter l’idée que cette crise sanitaire est durable et que nos pratiques vont devoir évoluer, s’adapter. En d’autres termes, il me parait trop couteux de chercher à transposer coûte que coûte ce qu’on a coutume de faire, de sauvegarder nos habitudes, de conserver ce qu’on a connu. Ne se référer qu’à « l’avant » est frustrant et décourageant.
Vous me direz que le défi est grand puisque pendant des années, à renfort de formation, de lecture, d’intérêt pour le développement de l’enfant, elles ont élaboré un accueil, attachées à des valeurs éducatives. Vous me répondrez probablement aussi que c’est plus facile à dire qu’à faire … En réalité, cette situation nous oblige à nous adapter et pour cela il faut rester actrices et s’approprier, ces nouvelles mesures, dans une pratique qui maintiendra, pour elles un sens. Pour cela, il faut tenter d’instaurer de nouveaux rituels. Arrêtons-nous un moment sur cette notion.

De nouveaux rituels ludiques autour des consignes d’hygiène
Tous les professionnels de la petite enfance auront aisément observé combien les rituels ont une place importante pour l’enfant. Ce dernier qui est sensible aux changements, aux évènements nouveaux va se trouver rassuré face à des éléments qui l’entoure qui vont s’inscrire dans la répétition, la régularité et la prévisibilité. Le rituel répond à ce besoin, il permet de se repérer dans la journée (alors que le tout-petit n’a pas encore intériorisé la temporalité) et d’éprouver un sentiment de continuité d’exister. Que le rituel soit proposé par le parent, inventé par l’enfant lui-même ou mis en place par la professionnelle il est souvent accompagné par des mots de l’adulte, qui viennent à leur tour renforcer le sentiment de sécurité. Cela va lui permettre, en somme, de prévoir, de s’adapter, d’anticiper des situations inhabituelles et de pouvoir se sentir soutenu sur le plan externe et interne pour affronter la nouveauté.

Le contexte actuel qui a souvent obligé une séparation brutale du mode de garde (elle n’était pas préparée et rare sont les personnes qui ont pu se dire au revoir) a conduit à une rupture de ses rituels, de ses repères si structurants.
Alors quels rituels peuvent être proposés ? Il n’est pas question d’en faire une liste qui s’ajouterait à d’autres listes de consignes. Cela n’aurait, en outre, pas de sens puisqu’il s’agit de les mettre en place en fonction de ce qui convient à l’enfant accueilli, en fonction de son âge, de sa réaction aux retrouvailles et ce que les assistantes maternelles savent de lui.
Pour autant, on peut imaginer des rituels autour du lavage des mains qui pourraient être accompagnés d’une chanson, de petites images qui rappellent les étapes à suivre, ou qui pourraient se faire à l’occasion de jeux d’eaux, détournement ludique du type : « C’est l’heure d’aller faire prendre le bain aux jouets ! ». L’idée étant que face aux mesures sanitaires exigeantes, il perdure une notion de spontanéité, d’interactions de qualité mais surtout de plaisirs partagés. Ces rituels peuvent se déployer également dans l’utilisation des jouets ou chaque enfant accueilli pourrait avoir des jeux, préalablement triés par l’assistante maternelle en fonction de ce qu’elle connait des goûts et des intérêts de l’enfant, regroupés dans une caisse de rangement personnel pour éviter le mélange des objets utilisés par les enfants. A noter que cela est déjà mis en place chez certaines assistantes maternelles quand elles traversent une période où des jeunes enfants vivent de manière intense la difficulté de partager.

Des petites journées pour commencer
Il me parait important, que les assistantes maternelles puissent se donner le temps de cette reprise. D’une part, en organisant des petites journées afin de (re) prendre des repères avec les jeunes enfants qui ont vécu quasiment deux mois de séparation. Cela permettrait d’espacer l’arrivée des parents, d’expérimenter les moments clés d’une journée, de se familiariser avec des nouvelles contraintes et de poser distinctement les prérequis de l’accueil. Les appréhensions actuelles sont légitimes et ne pourront pas être levées sans le passage vers l’expérimentation. Il faut certainement l’éprouver dans la réalité de la rencontre, dans le concret de la relation en s’étayant sur le dialogue avec les parents (qui sont, évidemment, à leur niveau aussi, pris par l’ambivalence et l’incertitude…). Enfin, il faut pouvoir retrouver, pour elles aussi, des rituels, des propositions qui font sens afin qu’elles puissent tenir une posture rassurante et sécurisante pour les enfants et leurs parents.

D’autre part, il s’agit de pouvoir trouver des espaces où échanger sur leurs pratiques, où évoquer leurs expériences et leur vécu autour de cette période si singulière. Ces groupes de parole pourraient être proposés plus facilement en crèche familiale, où ils existent, souvent, déjà. L’enjeu serait de les proposer aussi à celles qui sont indépendantes et qui vivent la mise en place de ces nouveaux rituels dans un certain isolement …
             
Article rédigé par : Sandra Chainay
Publié le 11 mai 2020
Mis à jour le 15 mai 2020
Bonsoir , c'est vrai qu'après deux mois d'absence des enfants : la reprise était un peu dur : plus pour le réveil le matin . Il faut s'adapter aux conseil sanitaire , mais je n'ai pas eu trop de mal car j'ai eu les premiers jours un bébé de 7 mois . Pour moi j'avais prévu le masque , la solution hydroalcoolique , les jeux d'éveil , j'ai prévu les jeux lavables et que je peux désinfecter facilement : le logement c'est juste une continuité car d'habitude je lave tous les soirs au départ des enfants . De coutume en cas de maladie infantile pour éviter la contagion des autres enfants c'est tout un protocole . Maintenant pour la distanciation c'est pas facile avec un bébé puisqu'il faut le prendre dans les bras . Mais enfin on s'adapte , mais ça se passe bien et on s'adapte . Et hier j'ai accueilli celle de 5 ans c'était un peu plus simple car ça comprend déjà et les parents expliquent . J'appréhende un peu le jour où les 4 reviennent en même . Voilà ce que je voulais partager avec vous . Madame Auvray Agnès