Lorène, assistante maternelle : ce qu’elle prévoit pour le 11 Mai

Vous avez fait connaissance avec Lorène Bulka assistante maternelle à Nice, la semaine dernière. Son témoignage, très positif, de son accueil pendant le confinement était plein d’énergie et d’espoir. Aujourd’hui, elle reprend la parole pour expliquer pourquoi le guide ministériel « Covid-19-Modes d’accueil du jeune enfant » l'a contrariée (et le mot est faible), elle qui avait bossé sur son protocole d’accueil personnel tenant compte de ses objectifs pédagogiques et de la crise sanitaire. Voici son témoignage.
Le déconfinement est là, et avec lui l’heure de la reprise a sonné. Depuis le début de cette crise, les questions sont nombreuses et les réponses quasi absentes. Il en va de même à l’annonce de la reprise. On sait juste qu’il va falloir faire plus, faire mieux, faire autrement.


« J’ai créé mon propre protocole d’accueil »
De mon côté, j’ai donc mis à profit quelques jours de vacances pour créer de toutes pièces un protocole d’accueil conforme aux exigences liées à la crise sanitaire. Croyez-moi si je vous dis que j’y ai travaillé vraiment dur : seule avec mes doutes, j’ai questionné ma pratique, mis à plat mon fonctionnement, impliqué ma famille, repensé mon organisation. Et je suis fière du résultat obtenu : parce qu’il me semblait répondre tant aux contraintes sanitaires, qu’à mes objectifs professionnels.
Oui, mes objectifs : mon projet pédagogique. C’est cela que j’ai gardé en tête pendant tout ce travail. Parce que je sais que c’est le cœur de mon métier. C’est pour lui que je me lève avec envie chaque matin. C’est pour lui que je me forme et me remets en question chaque jour. C’est encore lui qui donne du sens à mes choix professionnels et à l’accueil que je propose. Il est le reflet de mon expérience, ma carte de visite, ma valeur ajoutée.
Impensable pour moi donc de le laisser sur le bord de la route pour m’engager dans une démarche exclusivement sanitaire. Et je pensais sincèrement avoir réussi : ça n’était pas parfait c’est vrai mais c’était vraiment bien.
Et la semaine a plutôt bien commencé. Jusqu’à ce jeudi 7 Mai, jour de sortie du guide ministériel. Je l’attendais avec impatience. Alors quand j’ai vu, assise à la table du petit déjeuner, qu’il était enfin à disposition, autant vous dire que mon café du matin a refroidi !

« Le guide ministériel m’a assommée ! »
37 pages, rien que ça ! Tout n’est pas adressé aux assistants maternels bien sûr. Mais en tous cas, nous n’avons pas été oubliés et c’est un sacré bon point !
37 pages plus tard, donc… je suis un peu assommée. D’autres se diront abattus, découragés, écœurés, perdus… moi je suis juste assommée, comme immobilisée. Ma première pensée va à mon propre protocole et je me dis qu’il va falloir tout refaire… Je ne suis pas si loin pourtant, mais suffisamment pour que ça fasse une grosse différence.
Si mon protocole initial a demandé autant de travail c’est parce que je n’ai rien voulu sacrifier. Ni la bienveillance, ni le respect, ni le relationnel, ni le temps passé avec les enfants, ni le contact, ni le jeu libre, ni les activités… ni rien de ce qui fait mon métier.
Et si je suis assommée aujourd’hui c’est parce qu’il va falloir en remettre une couche : davantage de distanciation, d’hygiène, de barrières, de protection. Et dans un premier temps, cela résonne en moi comme une réduction (qui sera d’ailleurs inversement proportionnelle à l’augmentation de mon temps de travail) : moins de bienveillance, moins de respect des rythmes, moins de relationnel, moins de temps, moins de contact, moins de jeu libre, moins d’activité…
Et pour moi, ce sera juste hors de question.

« Je vais respecter les consignes en les édulcorant »
Alors oui, mes journées s’annoncent sans fin et il va encore falloir inventer, créer, imaginer, construire. Là ça tombe bien, j’adore ça. Il va aussi falloir concilier pour ne pas sacrifier mes convictions et ce pourquoi je travaille dur depuis longtemps : préserver la confiance et la sécurité affective des enfants, offrir un espace de respect, de liberté, de découvertes et de communication, offrir un accueil respectueux de l’environnement et exempt de produits toxiques.
Est-ce que je peux maintenir cet accompagnement avec une paire de gants, un bidon de javel dans une main, de l’eau et du savon dans l’autre ?
Bien sûr que non !
Est-ce que je peux maintenir cet accompagnement en comptant le nombre de jouets à disposition, et en limitant, voire en supprimant les manipulations ?
Bien sûr que non !
Est-ce que je peux maintenir cet accompagnement en refusant les échanges avec les parents, en maintenant de la distance entre les enfants et en restant enfermée derrière mon masque ?
Bien sûr que non !
Je vais respecter les consignes, mais un peu comme quand on remplace le sucre blanc par une sucrette, je vais les alléger un peu, les édulcorer.
Il y aura de la distance physique avec les parents : mais les transmissions resteront fournies car elles sont des moments clés de ma journée.
Il y aura des masques et des gants : mais uniquement pour les changes, les soins et les repas.
Il y aura de l’hygiène et du nettoyage, mais uniquement en dehors de la présence des enfants et avec de la vapeur et des produits non toxiques.
Il y aura une modification dans nos habitudes de jeu : mais ce sera plus un renouveau dans l’organisation que dans la quantité et la diversité
Ce qu’il y aura surtout, comme avant, ce sont des rires, des moments partagés, du lien, de l’affection, des émotions explosives, du mouvement et de la VIE !
Article rédigé par : Lorène Bulka
Publié le 09 mai 2020
Mis à jour le 11 mai 2020