Une Souris Verte

Comment accueillir un enfant présentant des troubles du spectre de l’autisme (TSA) ?

L’accueil des enfants présentant des troubles du spectre de l’autisme (TSA) génère aujourd’hui encore beaucoup de craintes et appréhensions au sein des structures petite enfance. Les enfants autistes laissent parfois les équipes démunies par leurs comportements inhabituels. Les professionnels, peu outillés pour permettre ces accueils dans de bonnes conditions, se questionnent sur la place de ces enfants dans le milieu ordinaire et au sein de collectifs avec d’autres enfants. Alors, comment bien les accueillir ? Quels aménagements et quelle organisation mettre en place ? Comment gérer les troubles du comportement liés aux TSA ? Explications et conseils par l’Association Une Souris verte avec l’éclairage de Vanessa Bongiovanni, neuropsychologue Thérapies Cognitives et Comportementales.
 
Le lien primordial avec les familles
Comme évoqué dans nos derniers articles, les familles jouent un rôle central dans l’accueil proposé aux enfants, qu’ils soient en situation de handicap ou non. Ce sont elles qui connaissent le mieux leur enfant, son développement et son comportement habituel. Ainsi il est toujours primordial de créer un lien fort avec les familles et d’instaurer des échanges réguliers. Cela est d’autant plus indispensable pour les enfants autistes, car il n’existe pas une forme d’autisme sur laquelle on pourrait appliquer une méthodologie précise. On parle d’ailleurs aujourd’hui de troubles du spectre de l’autisme car chaque enfant aura des comportements propres, des particularités sensorielles différentes, et des réactions singulières face à des stimuli. Le travail en collaboration avec la famille sera donc essentiel pour comprendre ces particularités, les prendre en compte dans l’organisation de l’accueil et dans l’aménagement des espaces.

Il est important de rappeler également qu’il ne nous appartient pas, en tant que professionnels de la petite enfance, de réaliser un diagnostic. Seul un médecin est en capacité de le faire, en concertation avec la famille. Il nous appartiendra donc d’accompagner les familles à chaque étape de ce processus, si nécessaire, et d’avoir un rôle d’observateur privilégié de l’enfant dans son développement.  

Structurer et adapter l’environnement de sa structure

L’accueil d’un enfant présentant des troubles du spectre de l’autisme nécessite de repenser l’aménagement de la structure. Afin de faciliter la compréhension et la reconnaissance des lieux par les enfants, il est recommandé d’attribuer une fonction à chaque espace. Un enfant autiste pourra se sentir perdu s’il ne comprend pas l’organisation spatial de la structure, par exemple si le coin repas est partagé avec le coin livre.  

Il en est de même pour le mobilier. Le matériel présent dans un espace sera perçu comme accessible par l’enfant et il n’y aurait alors aucune raison pour refuser son utilisation. Il convient donc d’organiser ses lieux de vie, de faciliter la circulation et les déplacements, et d’optimiser le rangement pour que l’enfant identifie concrètement ce qui est disponible et accessible lors de ses activités.

Si l’exploration sensorielle est un besoin chez tous les jeunes enfants et dans leur développement, elle est déterminante pour les enfants autistes. Une des expressions de l’autisme pouvant être une hypersensibilité ou à l’inverse une hyposensibilité, il convient de pouvoir réguler les sens à l’aide de matériel sensoriel en libre accès ou dans des lieux dédiés. Il sera alors intéressant de disposer de différents objets et outils permettant aux enfants de découvrir des sensorialités ou de se détendre notamment lorsque les stimulations sont trop importantes dans la structure. On proposera par exemple des grosses toupies pour réguler la fonction vestibulaire ou encore des colonnes à bulles et des fibres optiques, ou encore un casque anti-bruit. Attention toutefois à ne pas sortir tous les objets en même temps pour emmener progressivement l’enfant vers l’exploration de ces outils.

Enfin, la communication joue un rôle important pour faciliter le repérage dans les espaces et du mobilier pour les enfants autistes. Il est recommandé d’utiliser des affichages clairs (photos, pictogrammes, etc.) plutôt qu’une communication orale qui pourra avoir tendance à se perdre ou à ne présenter que peu d’intérêt chez les enfants autistes. Attention toutefois à ne pas surcharger les espaces de vie. Cela pourrait créer une pollution visuelle. L’aménagement se construit donc en connaissant l’enfant, grâce au travail d’observation, et avec les échanges avec la famille. 

Penser les activités qui rythment les journées
Dans la gestion du quotidien, l’organisation des activités est aussi importante pour faciliter la participation des enfants présentant des troubles du spectre de l’autisme. Dans la mesure du possible, il convient de prévoir à l’avance les activités. Cela permettra aux enfants d’anticiper et donc de fluidifier l’activité qui sera organisée. Cette routine pourra par exemple être matérialisée par l’usage de supports visuels dans la structure ou par des communications alternatives comme les signes.

La présentation des activités aux enfants joue aussi un rôle important. Les objectifs et attendus de l’animation devront être clairs pour le professionnel et les enfants. Pour cela, des consignes simples et courtes seront à privilégier tout en évitant les négations (préférez par exemple « reste assis » plutôt que « ne te mets pas debout »). 

La participation aux activités pourra ensuite se faire de manière progressive si besoin. Si un enfant a du mal à rester attentifs pendant les 10 minutes programmées pour un temps de chansons, mais qu’il a les capacités de participer pendant 2 minutes alors on privilégiera cette courte période et on pourra ensuite proposer un casque anti-bruit à cet enfant puis, à la fin de l’animation, le récompenser avec un objet ou une activité qu’il affectionne. D’une manière générale, on va créer petit à petit les conditions favorables pour que l’enfant participe pleinement aux activités sans qu’il soit perturbé ou que l’action génère un comportement non attendu.

La gestion des troubles du comportement liés aux TSA
Une des appréhensions majeures pour accueillir un enfant présentant des troubles du spectre de l’autisme est la réaction à avoir en cas de crise ou de comportement inhabituel. Il est important de comprendre que chaque comportement a une utilité pour l’enfant. Par le travail d’observation, les professionnels de la structure pourront comprendre l’utilité d’un comportement et tenter d’y répondre. Par exemple, si un enfant crie face à un autre enfant, il conviendra de savoir ce qui s’est passé avant et après, et de savoir si ce comportement est récurrent. Dans un second temps, une fois qu’on aura analysé les raisons et le contexte global, on pourra intervenir.

Il sera possible d’agir à l’avenir sur le contexte qui a déclenché la crise, en limitant les situations où l’enfant sera face à des stimulations ou éléments perturbateurs. Par exemple en expliquant à un enfant que son camarade ne veut pas être assis à côté de lui à ce moment précis. Mais il est aussi possible d’agir sur l’après, c’est-à-dire la réaction que l’enfant autiste aura face à un élément déclencheur. On peut alors lui apprendre à se lever et à aller s’installer ailleurs, si la présence d’un autre enfant à ses côtés le perturbe, ou à se tourner vers un casque anti-bruit si le volume sonore devient une gêne lors d’une activité.
Il est parfois difficile de comprendre les raisons de certains comportements tels que la stéréotypie (le fait de répéter les mêmes gestes, paroles ou comportements) et les écholalies (le fait de répéter les dernières syllabes ou les derniers mots qui viennent d'être prononcés). Ces comportements sont là pour réguler l’enfant, comme une pause réconfortante. En général, il faut laisser faire et ne pas trop porter d’attention à ce comportement verbal.

La socialisation est bénéfique aux enfants présentant des troubles du spectre de l’autisme pour leur développement et leur devenir d’adulte. Il est donc important que l’accueil de ces enfants commence dès le plus jeune âge dans les structures petite enfance. Pour faciliter ces démarches d’accueil, il existe une multitude de ressources et acteurs qui pourront vous accompagner tel que le Centre de Ressources Autisme (CRA) de votre région. 
Article rédigé par : Raphaël George et Amélie Laurent
Publié le 15 novembre 2021
Mis à jour le 15 novembre 2021