Une Souris Verte

Un autre regard sur le principal décret de la réforme des modes d’accueil

Le 30 août 2021, le décret relatif aux assistants maternels et aux établissements d’accueil de jeunes enfants est publié au Journal Officiel et amène un grand nombre de réformes dans le milieu de la petite enfance. Le contenu de ce décret a largement été analysé et commenté afin de comprendre les changements sur nos pratiques d’accueil. Toutefois, peu d’analyses ont été proposées sur l’incidence de ce décret autour de l’accueil des enfants en situation de handicap ou atteints de maladie chronique dans les structures de droit commun. L’équipe d’Une Souris Verte vous propose aujourd’hui un décryptage de ce décret à travers cette thématique.


 
Un accueil de tous les enfants
La loi de février 2005 (loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées) affirme le droit des enfants en situation de handicap ou atteints de maladie chronique d’être pleinement accueillis en structures ordinaires dans une dynamique inclusive. Pour autant, l’application concrète restait ambiguë. Les textes n’avaient pas été modifiés depuis août 2000 et relevaient des dispositions concernant l’intégration : les établissements « concourent à l’intégration des enfants présentant un handicap ou atteints d’une maladie chronique qu’ils accueillent ».

Le décret entré en vigueur le 1er septembre 2021 apporte des précisions : « les établissements […] offrent, avec le concours du référent « Santé et Accueil inclusif », un accueil individualisé et inclusif de chacun des enfants, notamment de ceux présentant un handicap ou atteints d’une maladie chronique […] » (Art. R. 2324-17). Cette clarification est essentielle pour nos établissements et services d’accueil non permanent car il inscrit dans le droit commun l’accueil de tous les enfants. Cette dynamique est également renforcée dans le décret avec « l’aménagement intérieur et extérieur [qui] permet de mettre en œuvre l’accueil inclusif […] » (Art. R. 2324-28).

Par ailleurs, le décret mentionne l’obligation des établissements et services d’accueil à élaborer « un projet d’établissement ou de service qui met en œuvre la charte nationale de l’accueil du jeune enfant […] » (Art. R. 2324-29). Cette charte énonce dix grands principes que chaque structure doit pouvoir décliner dans ses actions au quotidien, et dont le premier principe est une référence directe à cette dynamique inclusive : « pour grandir sereinement, j’ai besoin que l’on m’accueille quelle que soit ma situation ou celle de ma famille ».

« Les enfants qui ont des besoins spécifiques, notamment parce qu'ils sont en situation de handicap ou vivent avec une maladie chronique, participent autant que possible aux activités prévues avec tous les enfants, moyennant, le cas échéant, un aménagement ou un encadrement particulier. » (Extrait de la charte nationale de l’accueil du jeune enfant)

Les traitements et soins médicaux des enfants lors de l’accueil
Sources de nombreuses préoccupations et d’interrogations des professionnels de la petite enfance, l’administration de soins et traitements médicaux a parfois été un motif de refus d’accueil pour des enfants en situation de handicap ou atteints de maladie chronique. Le décret d’août 2021 apporte des précisions et pose un cadre clair : les professionnels peuvent administrer les soins et traitements médicaux à la demande et sur autorisation signée des titulaires de l’autorité parentale et sur prescription médicale dès lors que le médecin prescripteur n’a pas expressément prescrit l’intervention d’un auxiliaire médical. Chaque geste devra alors faire l’objet d’une inscription immédiate dans un registre dédié (Art. R. 2111-1).

Il convient de prendre également en considération l’ordonnance n° 2021-611 du 19 mai 2021 relatives aux familles, signée par le Président de la République, et qui précise dans son article 7 que : « les professionnels prenant en charge les enfants peuvent administrer à ces derniers, notamment lorsqu’ils sont en situation de handicap ou atteints de maladies chroniques, et à la demande de leurs représentants légaux, des soins ou traitements médicaux dès lors que cette administration peut être regardée comme un acte de la vie courante […] ». Aussi, « le président du conseil département organise l’accompagnement des assistants maternels dans la mise en œuvre du premier alinéa » (Art. L.2111-3-1).

En pratique, cela implique qu’un geste du quotidien comme l’alimentation par gastrostomie peut être réalisé par les équipes de la structure d’accueil. Par ailleurs, certains gestes comme l’aspiration par trachéotomie ne peuvent être exécutés que par des professionnels ayant bénéficié d’une formation spécifique et d’une habilitation. Le projet d’établissement déclinera alors les mesures d’accessibilité, de formations et d’organisations à mettre en œuvre pour répondre aux besoins des enfants accueillis. Des formations courtes et facilement accessibles via des réseaux hospitaliers et associatifs permettront aux équipes de pleinement accueillir tous les enfants.

Le rôle du référent « Santé et Accueil inclusif »
Le décret introduit une nouvelle fonction au sein du milieu de la petite enfance : celle de référent « Santé et Accueil inclusif ». Ce dernier a notamment pour mission d’« informer, sensibiliser et conseiller la direction et l’équipe de l’établissement ou du service en manière de santé du jeune enfant et d’accueil inclusif » et de « veiller à la mise en place de toutes mesures nécessaires à l’accueil inclusif des enfants en situation de handicap, vivant avec une affection chronique, ou présentant tout problème de santé nécessitant un traitement ou une attention particulière » (Art. 2324-39 II).

La présence de ce référent ne conditionne en aucun cas l’accueil inclusif au quotidien au sein de la structure. Le temps de travail dédié à cette fonction ne peut être confondu avec du temps d’encadrement des enfants (si les fonctions sont assurées par un membre du personnel de l’établissement). Le rôle du référent n’est donc pas d’être chargé directement de l’accueil d’enfants en situation de handicap, mais bien de travailler en collaboration avec les équipes pour s’assurer que la réponse aux besoins spécifiques de chaque enfant est bien mise en œuvre dans de bonnes conditions tout au long de l’année. Bien que ce référent puisse être un(e) médecin ou infirmier(e), il convient également de ne pas assimiler cette fonction à un rôle de soignant.

Cette fonction étant nouvelle, il sera intéressant d’analyser l’application effective dans les mois et années à venir et notamment l’articulation possible entre le médecin pédiatre des structures et ce référent « Santé et Accueil inclusif ».
Les récentes évolutions du cadre législatif français renforcent aujourd’hui la dynamique inclusive que chaque structure d’accueil doit mener et favorise dès le plus jeune âge la pleine participation des enfants en situation de handicap ou atteints de maladie chronique dans notre société. L’obligation de moyens des établissements engage la responsabilité des organismes gestionnaires et aujourd’hui, tout refus au motif de l’état de santé ou la situation de handicap d’un enfant pourrait être considéré comme une pratique discriminatoire et/ou de rupture de l’égalité devant le service public. Il appartient donc à tous les acteurs du milieu de la petite enfance de travailler en équipe le projet d’établissement à visée inclusive pour s’engager pleinement dans cette dynamique permettant l’accueil de tous les enfants et de leur famille.
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Article rédigé par : Odile BATON, Raphaël GEORGE et Amélie LAURENT
Publié le 20 décembre 2021
Mis à jour le 20 décembre 2021