Tatiana, fondatrice de Capucine et Mininours : « j’espère pouvoir ouvrir bientôt une crèche mixte »

Tatiana Dupin travaillait en crèche à Bourges auprès d’enfants en situation de handicap, mais la structure ayant fermé elle a voulu assurer une continuité dans une ville qui ne compte aucun EAJE dédié aux petits en situation de handicap. Elle a donc décidé de créer sa propre crèche qui en accueillera en priorité. Un projet ambitieux qu’elle compte mener à bien coûte que coûte.
Les Pros de la Petite Enfance : Comment en êtes-vous venue à travailler auprès d’enfants en situation de handicap ?
Tatiana Dupin :
Je suis auxiliaire de puériculture depuis 21 ans. J’ai beaucoup vadrouillé et j’ai même exercé comme infirmière en PMI à Mayotte - j’avais avec une dérogation pour faire du dépassement de tâches. Je suis finalement rentrée en métropole et me suis installée à Bourges en 2 000. Quinze ans plus tard j’ai intégré La Maison des Chemins, une crèche mixte qui accueillait des enfants en situation de handicap et des enfants valides. Malheureusement, quelques mois seulement après mon arrivée, la structure a dû fermer pour raisons financières…

Qu’avez-vous retiré de cette expérience, très nouvelle pour vous ?
En effet c’était la première fois que je travaillais auprès d’enfants en situation de handicap. Ces enfants sont différents, oui, mais ils ont tellement à nous apporter ! Ils sont très réceptifs à d’autres choses. Je me souviens de Romane par exemple qui n’appréciait pas une autre petite fille : dès qu’elle la voyait passer, elle disait « non ». Et la petite Léonie dont j’étais la référente, qui ne m’avait pas vue pendant 8 mois après la fermeture de la crèche… Quand on s’est retrouvées, elle m’a reconnue rien qu’à mon odeur. Ça fait quelque chose. En tout cas dans la crèche, tous les enfants se mélangeaient, on sentait une symbiose se créer.

Quand l’établissement a fermé, vous avez décidé de créer votre propre crèche. Pourquoi ?
J’étais alors représentante du personnel. Quand je me suis retrouvée face au juge, j’ai fait comprendre qu’on ne pouvait pas rester sans structure. Dans la région de Bourges, il n’existe aucun EAJE spécifique pour les enfants en situation de handicap. On m’a conseillé non pas de reprendre la crèche, mais d’ouvrir une nouvelle structure. J’ai donc monté l’Association Capucine et Mininours pour créer un multi-accueil associatif mixte du même nom. Une amie m’a rejoint pour prendre en charge la trésorerie, ainsi que la maman d’un des enfants polyhandicapés de la crèche qui reprendra la présidence de l’association.

Le projet est donc en cours depuis 2 ans, c’est un parcours du combattant ?
On peut remarquer que le handicap gène certaines personnes quand on essaie de monter une structure. Lorsque j’ai commencé mon enquête, j’ai constaté qu’il y avait bien des assistantes maternelles qui accueillent des petits en situation de handicap, mais en appelant le RAM on m’a dit que cela ne concernait pas tous les handicaps. Qu’en accueillant un enfant autiste elles n’auraient plus suffisamment de temps pour regarder l’autre enfant. Donc pas d’enfants sujets à des troubles du comportement ni d’enfants polyhandicapés. Pourtant il faut tous les prendre en compte ! La loi de 2005 nous dit d’apprendre autant aux enfants et aux parents valides à accepter l’enfant handicapé dans sa globalité. Cela fait 12 ans que cette loi est passée et elle n’est toujours pas respectée partout. Elle reste à la convenance d’une directrice de crèche. Apprendre le respect et la tolérance se joue dès l’enfance. Et puis il y a une différence entre intégrer et inclure : on peut intégrer un enfant en situation de handicap dans une structure, l’inclure s’avère souvent plus compliqué. Cela demande de s’adapter, de prendre du temps pour entendre la souffrance des familles…

Votre projet est quand bien avancé, peut-on envisager une ouverture prochaine ?
On a l’investisseur pour le local, notre dossier a été instruit par la CAF et la PMI. Notre structure rentre en complément du Pôle d’Inclusion Sociale mis en place pour tout le département. Je peux déjà dire à quoi elle ressemblera : une salle de jeu de 150 m2, une salle de psychomotricité fixe et un espace Snoezelen. Nous pourrons accueillir 12 enfants – dans l’idée, deux tiers des places seront réservées à des enfants en situation de handicap. Et nous tenons à être en lien avec toutes les institutions et professionnels qui les accompagnent pour discuter de leur suivi : un PAI regroupe tout, on ne doit faire qu’un. J’ai déjà une partie de mon personnel : une auxiliaire de puériculture, une CAP petite enfance, un co-responsable qui a un diplôme d’Etat de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport spécialité handisport. Je prépare moi-même une VAE pour obtenir le diplôme d’éducatrice de jeunes enfants et être ainsi responsable de la structure. La seule chose qui nous manque aujourd’hui pour pouvoir ouvrir la structure est une commune ou un mécène qui porte le budget de fonctionnement…


Pour contacter Tatiana : lotiro@hotmail.fr
Article rédigé par : Armelle Bérard Bergery
Publié le 18 août 2017
Mis à jour le 14 juin 2021