Projet d’établissement : comment le faire vivre

Le projet d’établissement est une démarche essentielle à la création d’un lieu d’accueil. Mais au delà des formalités, ce document doit être une réflexion vivante sur les pratiques professionnelles pour transmettre et pérenniser une approche spécifique de l’accueil du tout-petit.
A l’origine d’un lieu d’accueil, il y a toujours un projet à coucher sur le papier. Longtemps utilisée dans le milieu scolaire et social, la notion de « projet d’établissement » est arrivée à la petite enfance sur le tard, rendue obligatoire par le décret du 1er aout 2000. En réalité, les lieux d’accueil les plus structurés étaient déjà dotés d’un document similaire, formalisant leurs valeurs fortes. Car si le quotidien rempli d’imprévus, d’une crèche par exemple, se prête mal à la rigueur d’une méthodologie, il semble tout de même essentiel d’écrire noir sur blanc les grandes lignes de la pédagogie que l’on souhaite mettre en place, pour donner un sens a ce que l’on fait. 

Un projet structuré
En amont, ce document est le fruit d’une réflexion, nécessaire pour appuyer tout projet d’ouverture d’un nouvel établissement et permettre l’obtention de financements et de subventions (CAF, Conseil Général, etc.) Il présente une vue globale de la structure, décrit les conditions d’accueil des enfants d’un point de vue pédagogique et sociologique. Si la présentation du projet répond aux désirs des équipes, il doit comporter un volet social et un volet éducatif bien détaillés. Le premier définit les raisons d’être du lieu d’accueil, dans son cadre social, économique, politique et partenarial. Il tient compte du quartier, de la démographie et de la typologie des familles concernées, des catégories socioprofessionnelles et, bien sur, de leur évolution. L’angle éducatif, lui, décrit de manière globale les actions et la pédagogie mises en œuvre pour l’adaptation, l’accueil, le soin, le développement, les repas, l’éveil, le sommeil et le bien-être des enfants. Il se fonde en général sur le descriptif d’une journée ordinaire. Il inclut des projets pédagogiques qui définissent dans le détail la manière de poser un acte, de mettre en place une démarche particulière ou d’analyser un objectif et un projet d’espace, qui définit la meilleure façon d’adapter les lieux à la pédagogie, aux âges des enfants et a leur bien-être. Dans le projet global, on doit pouvoir également trouver les prestations d’accueil proposées, les dispositions particulières prises pour l’accueil des enfants porteurs de handicap ou d’une maladie chronique ; les compétences professionnelles du personnel, un laïus sur la place des familles, et, éventuellement, le règlement intérieur de la structure. 

Un outil en constante évolution
Si la première version du projet est rédigée par le gestionnaire et/ou la directrice, avant l’ouverture de la crèche, cela n’en fait pas un document figé. Il est généralement revisité dans l’année qui suit par l’équipe qui, ainsi, se le réapproprie. Le projet d’établissement accompagnera l’évolution de la structure, s’adaptant aux changements d’environnement, d’équipe ou de pédagogie. Le bon rythme ? Une révision tous les trois ans et des mises à jour régulières des pratiques mises en place. « L’année dernière, une partie de l’équipe ayant fait une formation sur la bientraitance, nous avons réaxé tout notre projet d’établissement sur ce thème, ressourcées par ce que nous y avions puisé. Maintenant qu’elles y ont participé, les équipes s’y réfèrent davantage » se souvient Florence, EJE en crèche. Lorsqu’il y a des changements majeurs sur le document, la directrice fait parvenir un exemplaire à ses supérieurs. Un projet d’établissement qui évolue est gage d’une image positive et dynamique de la crèche auprès des financeurs, des nouveaux arrivants et des parents ! Ceux-ci peuvent d’ailleurs demander à consulter le projet comme ils le souhaitent. Mais le plus souvent, un livret d’accueil, plus accessible, reprend les grands axes et infos essentielles concernant le fonctionnement de la crèche et la place donnée aux familles.  

Un support qui dynamise 
Pour éviter qu’il ne devienne un document poussiéreux, il ne tient qu’à vous de faire de ce projet d’établissement un support de travail qui donne matière à réflexion, disponible dans chaque unité. Un écrit auquel on se réfère, mais que l’on remet sans cesse en question, pour mieux accompagner l’enfant. Quand propose-t-on les activités ? Donne-t-on le dessert si l’enfant n’a pas mangé son plat ? Comment améliorer l’espace psychomotricité ? « Nous avons retravaillé les points qui nous semblaient les plus difficiles à appliquer puisque malgré les rappels, chaque unité avait des pratiques différentes et des cas particuliers » explique Sonia, auxiliaire en halte-garderie. Faute d’outils concrets à disposition, une tendance à se laisser porter par les habitudes se dessine. Insidieusement, la routine rassurante l’emporte sur l’envie de construire des projets car « on a toujours fait comme ça ». Formalisées par l’écrit, les pratiques professionnelles deviennent plus concrètes et obligent l’équipe à analyser le quotidien pour mieux le percevoir ; à prendre du recul pour l’évaluer, le critiquer et le réajuster. C’est aussi le seul moyen de transmettre la réflexion globale sur les pratiques pour éviter qu’elles ne se perdent avec les changements d’équipe ou de direction. Paradoxalement, il y a assez peu d’écrits collectifs dans les lieux d’accueil de la petite enfance, l’exercice n’étant pas des plus faciles… 

Mobiliser les équipes
Dans la plupart des structures, les équipes sont conscientes de l’importance du projet d’établissement. L’écueil, c’est le manque de temps qui lui est consacré. En imposant un fil rouge sur l’année, des rendez-vous réguliers, en y faisant souvent référence dans la pratique ou lors de journées pédagogiques, de réunions d’équipe, on peut réussir à semer cette idée dans les consciences. Ce sont les temps de discussion qui permettront à chacun de s’approprier le projet et de créer l’alchimie qui le fera vivre. Quand l’équipe connaît les grandes lignes du volet éducatif, ça lui donne l’entrain suffisant pour développer de nouvelles stratégies qui améliorent le quotidien de l’enfant. Cette envie qui vient du terrain insuffle une véritable dynamique poussant à mettre toute évolution des pratiques par écrit. Si la matière du volet social dépend de la directrice, le contenu des projets pédagogiques émane des équipes. Par leur expérience du quotidien, ces professionnels de la petite enfance ont des idées qui peuvent avoir un réel impact sur le projet éducatif. Il faut juste le leur faire savoir et valoriser leurs compétences pour les mettre en confiance. 
Article rédigé par : Laurence Yème
Publié le 16 février 2016
Mis à jour le 28 juin 2017