Laurence Jacquot, une EJE auprès d’enfants atteints d’une lésion cérébrale acquise

Educatrice de jeunes enfants diplômée en 1990, Laurence Jacquot exerce depuis 20 ans au Centre de Suivi et d’Insertion pour enfant et adolescent après atteinte cérébrale acquise (CSI) des hôpitaux de Saint-Maurice, situés dans le Val-de-Marne. Si l’accompagnement des besoins de l’enfant est au cœur de sa mission, son travail au quotidien ne ressemble en rien à celui d’une EJE en crèche. Retour sur le parcours professionnel atypique de cette EJE de 53 ans passionnée par son métier.
D’un centre d’hébergement à des maisons d’enfant à caractère social
C’est dans la crèche d’un centre d’hébergement et de réadaptation sociale pour mères isolées, en difficultés financières ou victimes de violences conjugales, que Laurence Jacquot commence sa carrière professionnelle, après avoir obtenu son diplôme d’EJE. La structure accueillait les tout-petits de ces mamans aux histoires de vie compliquées pour leur « permettre de continuer à travailler ou de rechercher un d’emploi, et de faire toutes les démarches nécessaires », indique-t-elle. « Il y avait tout un travail multidisciplinaire et on essayait aussi de faire un travail sur la parentalité », précise Laurence Jacquot. Puis, elle rejoint une maison d’enfant à caractère social, communément appelée foyer. De 1991 à 2000, elle travaille dans différentes structures et avec des enfants d’âges divers, allant de 4 ans à 18 ans. Et avant de rejoindre le CSI, elle exerce au sein d’un établissement qui fait du soin/étude pour des jeunes qui ont entre 12 et 25 ans. « Ces jeunes ont un parcours médical particulier. Ils sont dans des établissements sanitaires en internat dans lesquels ils peuvent bénéficier des soins nécessaires à leur état de santé et poursuivre leurs études. Les emplois du temps sont adaptés et l’enseignement est dispensé en petits groupes », souligne l’EJE. Son rôle : les accompagner dans leur vie quotidienne, lors du moment du coucher, mettre en place des activités après l’école… Mais l’envie de retravailler avec de jeunes enfants se fait sentir. 

Intégration à l’équipe Enfant du CSI
En 2002, Laurence Jacquot rejoint donc le Centre de Suivi et d’Insertion pour enfant et adolescent après atteinte cérébrale acquise (CSI) des hôpitaux de Saint-Maurice, l’un des trois CSI qui existent en France. « Une atteinte cérébrale acquise, c’est une lésion cérébrale qui touche le cerveau à un moment donné de la vie », explique Laurence Jacquot. Autrement dit, l’enfant ne naît pas avec. La plupart du temps, il s’agit d’AVC, de traumatismes crâniens, de tumeurs cérébrales, de méningo-encéphalites ou encore de syndromes du bébé secoué. Si la connaissance de la lésion cérébrale n’est pas un pré-requis pour intégrer le CSI, chaque professionnel qui arrive dans le service doit ensuite passer le « Diplôme interuniversitaire traumatismes crâniens chez l’enfant et adolescent - syndrome du bébé secoué ». Ce DU permet d’acquérir des connaissances médicales, juridiques, sociales afin de prendre en charge au mieux ces enfants et leur famille.  « Cette formation financée par le CSI est indispensable. Suivant le métier que l’on a, il y a des aspects que l’on va connaître et d’autres pas. Cette formation donne une ouverture sur la prise en charge globale de l’enfant », souligne l’EJE. Le CSI accueille des enfants et jeunes adultes de 2 à 25 ans. Il y a deux équipes : une équipe Enfant pour les 2-14 ans à laquelle est rattachée Laurence Jacquot et une équipe Ado-Jeune Adulte pour les 14-25 ans. Elles interviennent sur toute l’Ile-de-France. Chaque équipe est composée d’un psychologue spécialisé en neuropsychologie, d’une assistante sociale, d’un ergothérapeute, d’un médecin MPR (Médecine Physique et de Réadaptation), d’un orthophoniste et d’une secrétaire. L’équipe Enfant a par ailleurs une EJE (Laurence) et l’équipe Ado-Jeune Adulte d’un éducateur spécialisé. 

Accompagner l’enfant sur son lieu de vie
Le CSI intervient lorsque les enfants sont sortis de l’hôpital et qu’ils sont retournés chez eux. « Nous avons une mission d’accompagnement, d’insertion et d’orientation de ces enfants. En rentrant dans leur famille, peuvent émerger des besoins en termes d’aménagement scolaire par exemple s’il y a des difficultés d’apprentissage, de rééducation… il peut aussi y avoir des soucis avec le comportement de l’enfant ou du jeune. Les difficultés de comportement peuvent être une des séquelles de la lésion cérébrale acquise. On retrouve aussi des troubles de langage oral et écrit, des troubles des fonctions exécutives (planification, organisation, gestion de la double tâche…), troubles de la mémoire… », détaille Laurence Jacquot. Et l’accompagnement peut être long, sur plusieurs années. Elle se souvient ainsi d’une petite fille suivie de l’âge de 7 ans à 21 ans. « Lorsque le projet arrive à terme, nous nous retirons. C’est le cas notamment lorsque le jeune est pris en charge par une structure type Sessad (service d'éducation spécialisée et de soins à domicile) », donne pour exemple l’EJE.

Un référent pour chaque enfant accueilli
Lorsqu’un nouveau patient est pris en charge par le CSI, une présentation est d’abord faite par un médecin à tous les membres de l’équipe. Puis, sur une demi-journée l’enfant rencontre chaque professionnel de l’équipe. Les entretiens sont courts. Ils durent environ 30-40 min. A l’issue de ces rendez-vous, en réunion d’équipe, les professionnels vont partager leurs observations, leurs premières impressions… et en fonction de la problématique de l’enfant, il va y avoir un référent de nommé. « Le référent va être le fil rouge pendant la prise en charge du patient. Il va avoir l’œil pour voir si tout se met bien en place, si tout se passe bien. Il est l’interlocuteur privilégié de la famille et construit avec elle le projet personnalisé de l’enfant », précise Laurence Jacquot.

Les missions propres à l’EJE au sein du CSI
S’il y a des missions communes, il y a aussi des missions spécifiques. « Je travaille sur les activités proposées aux enfants, sur tout ce qui concerne les loisirs car ils ont besoin de moments où ils sont juste dans le plaisir et sur la parentalité aussi », indique l’EJE. Et poursuit : « Lorsque l’enfant rentre au domicile, beaucoup de parents pensent que la vie va reprendre où elle s’est arrêtée et plus ou moins rapidement peuvent se trouver confrontés à des difficultés. Il arrive ainsi que les enfants aient une intolérance à la frustration. Cela peut être d’une part liée à la lésion cérébrale mais aussi au fait que les parents sont tellement heureux de retrouver leurs enfants qu’ils ont tendance à répondre à toutes leurs demandes. Et lorsque l’on commence à leur dire non, qu’ils voient qu’ils ne sont plus le centre de l’attention, notamment lorsqu’il y a des frères et sœurs, ces enfants peuvent être un peu perdus, faire des colères entre autres. » L’objectif ici est de remettre les familles en confiance, de leur redonner leur place de parents, qu’elles puissent redonner des limites à leurs enfants afin de resécuriser ces derniers mais également, comme le souligne Laurence Jacquot, « de permettre à l’enfant de reprendre sa place d’enfant car il est enfant avant d’être malade. » Lorsqu’elle s’occupe de tout-petits, l’une de ses missions peut consister à leur trouver une place en crèche. Ce fut le cas d’une petite fille victime du syndrome du bébé secoué qui a été suivie par l’équipe Enfant du CSI. La crèche qui l’a accueillie ne prenait que des enfants marcheurs, ce qui n’était pas le cas de cette fillette. « Cela a nécessité une dérogation et donc cela amis du temps avant qu’elle puisse intégrer la structure. Ensuite, tout un travail partenarial a été mené avec la crèche, la PMI, le service d’aide éducative pour travailler sur le projet de son entrée à l’école », indique Laurence Jacquot.

La communication indispensable
« Respecter le domaine de chacun, tout en acceptant qu’il ait ce terrain commun, cela demande beaucoup de communication entre professionnels », confie l’EJE. Une communication de fait essentielle pour un accompagnement de qualité, et ce d’autant plus que les membres de l’équipe se déplacent beaucoup. « On a une réunion par semaine : chaque pro peut apporter son éclairage de par sa fonction. Tous ces éclairages, on les met dans une casserole et on essaie de faire émerger un projet qui est cohérent et qui réponde aux besoins de l’enfant et de sa famille », explique-t-elle.

Autonomie, confiance et temps
Laurence Jacquot apprécie tout particulièrement l’ouverture du service vers l’extérieur, le travail en partenariat (école, soin, loisirs…). Elle reconnaît aussi avoir une vraie autonomie, une confiance de la part des médecins, de sa hiérarchie, de ses collègues. « C’est précieux », estime-t-elle. Et ajoute : « Cela nous permet d’inventer des choses qui sortent parfois du cadre, de varier les prises en charge. » Autre point fort de son travail au CSI : le luxe de pouvoir prendre le temps. Elle souligne ainsi : « On a le temps de créer du lien, de travailler sur la confiance, d’écouter pour être au plus juste des besoins de l’enfant et de sa famille. Ce n’est pas donné à tout le monde et je ne suis pas sûre qu’en crèche, ils aient le luxe de pouvoir prendre le temps ».

Un beau métier mais avec son lot de difficultés
Cela fait 20 ans que Laurence Jacquot exerce au CSI et si on lui demande où elle se verrait dans les prochaines années : « au CSI ! », répond-elle. « Je me plais dans mon métier, dans mon service. J’ai toujours autant envie d’accompagner ces familles qui ont à un moment donné un parcours difficile autour d’une pathologie médicale. Et la diversité des enfants et des familles que l’accueille fait que l’on n’a jamais l’impression d’être dans un train-train », décrit-elle enthousiaste. Pour autant, elle évoque aussi les problématiques auxquelles elle doit faire face avec l’ensemble de son équipe : « Nous sommes confrontés comme tout le monde aux difficultés de places dans les établissements. L’évolution que j’ai vue en 20 ans : on a plus d’enfants de moins de 16 ans aujourd’hui qui sont au domicile sans solution. Ils vont être scolarisés deux demi-journées par semaine par exemple et le reste du temps ils sont chez eux. L’accompagnement des parents dans ce cas n’est pas simple. »
Article rédigé par : Caroline Feufeu
Publié le 08 juillet 2022
Mis à jour le 12 juin 2023