Coronavirus : parlons de votre sécurité . Par Amandine Micoulin

Puéricultrice, cadre de santé

Covid-19
Force est de constater que les professionnels de la petite enfance sont nombreux à décrier les différences au sein des structures en matière de santé et de sécurité dans le travail face à la crise de Covid-19 à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés.
Il suffit d’entendre ou de lire leurs interrogations, leurs inquiétudes, leurs peurs pour comprendre que les disparités existent.


Mais alors quelles sont les principales préconisations pragmatiques liées à notre profession en lien avec le Covid-19 ? Comment trouver l’organisation la plus sécure possible pour les adultes mais également pour les enfants, que ce soit à domicile ou sur les structures d’accueil ?
Afin de se protéger au mieux et d’organiser le travail, il est essentiel de connaître les modes de contamination du virus, d’où vont découler directement les conduites à tenir sur le terrain.

Le coronavirus est un virus dit à transmission « gouttelettes » :  il se transmet lorsqu’une personne contaminée émet en toussant, en éternuant, en se mouchant, des micro particules de virus dans l’air qui vont être inhalées par une autre personne et qui peuvent l’infecter.
C’est la raison pour laquelle la première recommandation est de rester à 1 mètre des personnes qui toussent ou de ne pas avoir avec elles de contact face à face non protégé supérieur 15 minutes : le virus se transmet par des particules en suspension.
Le Covid-19 n’a pas de mode de transmission cutané, donc si vous touchez une surface contaminée dans la mesure où vous vous lavez correctement les mains ensuite, vous n’avez pas de risque d’être contaminé.
Enfin, le virus ne se transmet pas par voie digestive, ce qui est essentiel dans notre profession.

Mais alors comment s’organiser avec les groupes d’enfants ? Au sein des établissements d’accueil ?
De nombreuses structures ont modifié leurs modes de fonctionnement. Normalement les groupes d’enfants sont moins nombreux, ce qui facilite ces changements. Pour commencer, l’accueil des parents doit se faire en dehors des espaces ou sections, voire en dehors de la maison si vous travaillez à votre domicile. Les enfants sont divisés en petits groupes et ceux pouvant présenter une fièvre, isolés.Les flux d’enfants au sein des espaces sont également à réfléchir : il faut éviter les déplacements, et penser que les pièces utilisées par les professionnels doivent être désinfectées.

En ce qui concerne le matériel d’éveil, sa désinfection est nécessaire après chaque utilisation.
Concrètement, il vaut mieux pensez à faire des activités avec des matériaux dits « consommables » qui ne se gardent pas, pour plus de pratique (pâte à sel, peinture à doigts etc.). Il faut éviter les produits que vous devez conserver :  les ateliers de transvasement de pates, de riz, de semoule etc. En ce qui concerne les arts plastiques, les battons de feutres doivent aussi être désinfectés après usage, vous pouvez là encore réfléchir à distribuer aux enfants du matériel à usage unique :  couper des planches de gommettes et les distribuer à chacun, utiliser des bouchons que vous donnerez aux familles ensuite, des rouleaux de cartons… Préservez-vous et soyez créatifs, pensez à tout ce qui vous permettra d’alléger votre quotidien et celui des enfants, privilégiez le temps passé auprès d’eux.
Penser une autre manière de fonctionner et de travailler pendant un période aussi chaotique ne peut se faire qu’en équipe, ensemble.

En ce qui concerne les protections à usage unique, de grandes disparités là aussi subsistent.
Certains professionnels portent un masque protecteur au quotidien, d’autres uniquement lors des changes, accompagnés ou non de sur blouses, d’autres encore mettent des gants. Ici encore, les inquiétudes subsistent, surtout lorsque la structure ne met pas le matériel adéquat à disposition du personnel : vous êtes très nombreux à exprimer vos inquiétudes face à ce manque de protections ce qui est légitime.
L’important est de pouvoir être protégé lorsqu’un enfant présente une toux ou des éternuements, et primordialement pendant des soins de nez et / ou des DRP. A cette occasion, vous devez porter un masque et si possible une sur blouse.

Pensez également à utiliser une tenue lorsque vous êtes sur votre lieu de travail et à la changer en débauchant après vous être bien lavés les mains. Mettez là dans un sac à part et lavez là en machine séparément. Les vêtements doivent être lavés à 30 degrés afin que le virus soit éliminé. Le Covid-19 ne résiste pas à la chaleur, il faut donc privilégier l’eau chaude (30 degrés) mais il n’est pas nécessaire de tout faire bouillir.

Si vous n’avez pas accès à des masques sur votre lieu de travail, notamment pour les soins de nez et les désobstruction rhino-pharyngées, il peut être intéressant d’en fabriquer. Il existe de très bons DIY pour ce faire sur les réseaux sociaux, choisissez-les avec précaution. De nombreux services hospitaliers en proposent avec divers matériaux mais aussi certains professeurs de CHU ou des organisations précisant suivre le protocole de fabrication de l’AFNOR.
Pour chaque protocole, le lavage du masque et sa durée de vie diffèrent, vous devez vous y conformer.
S’il est très important de s’équiper il l’est autant de le faire de la bonne manière, vous pouvez vous mettre gravement en danger en portant un matériel que vous pensez être protecteur s’il ne l’est pas : vous risquez alors d’avoir des conduites à risque sans le savoir car vous vous pensez protégés.
Sachez que les masques ne sont plus efficaces une fois humides, notamment lorsque vous avez respiré trop longtemps dedans :  faites-en plusieurs et lavez-les ou jetez-les s’ils sont à usage unique.
Sachez que vous ne devez pas avoir honte de vous protéger, c’est tout à fait naturel de craindre une pandémie mondiale, personne n’est préparé à cela, vous avez le droit de ne pas être rassurés, notamment parce que vous êtes en contact avec des personnes à risque.
Il est primordial que vous puissiez en parler en équipe, à votre direction : elle est aujourd’hui plus que jamais un vrai atout.

Si vous êtes confronté à des parents qui ne comprennent ou n’acceptent pas la nouvelle organisation et que vous avez la chance d’avoir autour de vous une équipe, surtout ne restez pas isolés, discutez-en ensemble, ne serais ce que pour avoir le même discours et couper court aux demandes de dérogations.
La règle est faite pour qu’elle profite et protège une majorité, vous aurez toujours des personnes qui ne seront pas d’accord mais qui devront s’y soumettre.Vous faites un merveilleux métier et continuez pour certaines d’entre vous à travailler, c’est courageux, pensez à rester soudés et vous protéger les uns les autres.
A domicile vous pouvez vous sentir isolé, peut-être est-ce le moment de voir autour de vous si vous n’avez pas des collègues avec qui échanger, de vous créer un réseau.

Vous pouvez demander aux parents ce qui est dit ou non à la maison aux enfants sur la crise actuelle. L’objectif en tant que professionnel n’est pas d’expliquer la crise actuelle voire de « prendre les devants » si la famille ne l’a pas fait, par contre vous pouvez en parler avec les parents si tel est le cas.
Il est nécessaire de rassurer les enfants et de leur donner les raisons des changements qui s’opèrent à la maison ou dans la structure, ils vivent aussi ce confinement, ressentent les peurs de leurs familles ou des adultes qui les entourent et ne savent pas toujours comment les exprimer.
Si vous avez tendance à vous tenir plus à « distance », si vous portez un masque en permanence ou au cours des soins, si vous désinfectez les surfaces et les sections plus que d’habitude et même si vous êtes inquiets, il faut le verbaliser aux enfants.
Expliquez-leur pourquoi vous portez un masque, pourquoi les groupes sont plus petits, les activités différentes.
Les enfants ressentent nos émotions et les traduisent à travers leur propre prisme. C’est une des raisons qui fait que la plupart du temps ils se sentent responsable de ce que l’on vit : « maman a du chagrin parce que j’ai été méchant » ou s’imaginent le pire « si Anne et Marie sont inquiètes alors c’est qu’il y a un très grand danger ».
Le plus important il me semble est de poser des mots sur les ressentis : « je comprends que tu ais peur, tu as dû sentir que les grandes personnes sont inquiètes, tu vois que nous portons des masques parfois et que nous nettoyons tout. ».
Dire à un enfant que l’on est inquiet ne revient pas à l’inquiéter mais plutôt à le rendre irresponsable de cette inquiétude, et c’est déjà pas mal.  
Expliquez également les raisons de vos nouvelles organisations s’il y a lieu d’être : elles sont là parce qu’en ce moment il faut que l‘on protège tous les enfants et les grandes personnes, les papas et les mamans aussi. C’est pour ça qu’ils ne rentrent plus dans l’espace / la section le matin et le soir.
Si vous avez des notions de communication gestuelle associée à la parole, mettez-les en pratique, surtout si vous portez un masque.

Ne vous jugez pas les uns des autres mais plutôt unissez-vous, soyez indulgents, il n’y a que cela pour vous aider tous à accompagner au mieux les enfants pour qui la période est également très difficile car ils sont de vraies éponges : en restant soudés et bienveillants.
Je vous adresse tout mon soutien et toutes mes pensées, et merci à vous tous car vous êtes de ceux grâce à qui la France continue de « tourner » aujourd’hui, et de cela, vous pouvez en être fier.

 
Article rédigé par : Amandine Micoulin
Publié le 06 avril 2020
Mis à jour le 06 avril 2020