Les bonnes résolutions d’une pro de la petite enfance. Par Amandine Micoulin

Puéricultrice, cadre de santé

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disputes bébés
Les bonnes résolutions sont là, je les vois venir :
« Je vais être plus pédagogue, mieux m’occuper de ce groupe d’enfants, relayer mes collègues au besoin, apprendre à gérer les enfants provocateurs.
Tiens d’ailleurs à la rentrée, je prendrai Maxime dans mon groupe parce que je l’ai évité ces derniers temps, il faut dire j’ai du mal à le supporter, il ne fait que crier et en plus il tape. Je sais bien que ce n’est pas de sa faute mais ça m’énerve quand même. Je me retrouve à gérer des crises toute la journée et je me sens épuisée.
Soyons honnête : dans ma crèche on est loin d’une publicité pour des couches ou des petits pots où les enfants sont rondelets, souriants et tout doux, des bisounours tu parles !!

Là où je travaille moi, ça crie, ça chahute, ça se mord, les nez coulent sans cesse sur mes habits quand je câline, je me reçois des coups de coude, des coups de pieds, on me tire les cheveux, je me fais mordre, et encore, je suis une adulte !
Remballez gentiment vos images angéliques de chérubins jouant au ballon sous un ciel ensoleillé, moi je dois expliquer tous les jours aux parents qui ont trop regardé la télé que c’est normal que leur enfant ait envie d’arracher tous les cheveux de la petite Mathilde parce qu’elle avait dans les mains le foulard rouge qu’il voulait.

Alors, bonne résolution de 2020 : Je vais prendre en compte tout ce que l‘on m’a dit sur la bienveillance et les neurosciences, je vais arrêter de râler quand j’ai 8 enfants à charge dans ma crèche et que ça m’agace.
J’ai envie d’aller travailler le cœur léger, de m’épanouir dans ce que je fais, de ne plus voir ma directrice comme un contrôle mais plutôt comme une accompagnante.
Finalement, avec le recul et les jours de vacances que j’ai eu grâce à la fermeture hivernale, je sens bien que j’exagère, les enfants vont bien, ça l’air pire ailleurs, je ne suis pas si mal lotie ! »


J’espère que vous aurez compris que ce texte qui est finalement si vrai quand on est un tant soit peu honnête est tout à fait ironique et n’est qu’un prétexte pour vous faire passer en ce début d’année 2020 un message : laissez-vous être parfaitement imparfaits.
Je suis la première à essayer d’évoluer, à prendre en compte ce que j’apprends et à tenter maladroitement de le relier à mon comportement sur le terrain et je suis à la fois tout simplement Humaine !
Il faut que l’on s’accorde le droit de ne pas toujours avoir envie, de ne pas toujours aller travailler avec « la fleur au fusil », d’avoir parfois envie de buller au soleil, d’éviter telle ou telle collègue, de se simplifier la vie.
Bien sûr que l’on travaille tous à un meilleur nous-même mais sortis de la pression du sois-heureux, on serait tous au final bien plus détendus.

Dernièrement, j’ai suivi un cours de qualité de vie au travail, un joli mot pour ne plus dire souffrance professionnelle. Pendant les travaux de groupe que nous avons fait il est apparu que la plupart de mes collègues avaient pour objectif l’épanouissement de leur équipe, ce avec quoi je suis personnellement d’accord mais pas trop quand même !
J’avais la sensation que nous allions trop loin.
Je me suis tout simplement dit qu’en tant que directeur, je dois mettre tout en œuvre pour que les gens s’épanouissent dans leur travail, mais que je ne peux pas exiger qu’ils y soient heureux et épanouis. Finalement c’est atroce ! La barre et beaucoup trop haut placée !
Que dire alors de ceux et de celles qui ont une vie personnelle riche en dehors de leur profession et qui souhaitent laisser leur travail à la place qu’il occupe : simplement un travail ? Est-ce qu’ils ont moins de qualités professionnelles pour autant ?

Mes arguments n’ont pas trouvé preneur, futurs coachs que nous étions, nous placions la réussite en tête de liste.
J’ai travaillé avec de nombreuses personnes, à l’hôpital, en crèche, en formation, et je suis convaincue que chacun a en lui assez de défauts et de qualités pour bien accompagner les enfants.
Car après tout, comment expliquer à un enfant qu’il a le droit de se tromper, de ne pas toujours être à la hauteur, qu’il faut qu’il laisse venir ses émotions, qu’elles soient positives ou négatives si l’on s’empêche soi-même de les vivre ? Si l’on attend de soi d’être toujours exemplaire ?
L’exemple me parle car il fait partie d’une questionnent personnel. Albert Einstein qui avait peut-être un peu de jugeote (enfin je crois !) n'a dit que : "donner l'exemple n'est pas le principal moyen d'influencer les autres, c'est le seul moyen".
Alors donnons-leur l’exemple d’être juste des Hommes.
 
Article rédigé par : Amandine Micoulin
Publié le 31 décembre 2019
Mis à jour le 31 décembre 2019