Père Noël. Par Anne-Cécile George

Directrice de crèche, infirmière-puéricultrice

DR
Pére Noêrl ( film avec Tahar Rahim)
Cher lecteur,
Pour cette nouvelle chronique j’avais envie de partager avec toi mes difficultés du moment. Comme tu le sais, en début d’année j’ai repris les études. Lesdites études coûtent un bras (je les finance en partie). J’aurais préféré t’écrire une chronique sur le Père Noel, mais cela fait bien longtemps que je n’y crois plus (deux semaines précisément). Si j’avais une once d’espoir qu’il vienne m’apporter un sac de billets, j’aurais pu effleurer le sujet.
Mais il y deux semaines (donc), mon fils est rentré de l’école et m'a annoncé qu'il savait tout au sujet du vieux monsieur à la barbe blanche "maman, je sais maintenant que ce sont les parents qui font ça pour faire plaisir aux enfants ".

D'une part j'étais choquée par sa révélation (adieu sac de billets) et d’autre part je me rendais compte de ma naïveté. J’avais cru qu’un enfant scolarisé en CP gardait l'illusion du PN jusqu’au CE2 au moins. C’était sans compter le nombre d’enfants dans la cour qui se délectent de l’apprendre aux plus jeunes, comme un rite de passage … (je vous laisse imaginer celui de la 6ème). 
Le fiston a ajouté qu'il était surpris que ses parents achètent exactement ce qu’il avait mis sur sa liste les années précédentes, et ce dans le seul but de faire plaisir : soit nous renvoyons une image de parents radins cassant la tirelire à Noël ou alors de tortionnaires bons qu'à faire plaisir une fois par an à ses enfants, j’hésite. Enfin, le plus gros mensonge des adultes où tout le monde est de mèche y compris les médias, était enfin dévoilé. J’avais la crainte qu’il croie qu’on l’ait dupé, pris pour un lapin de six semaines, mais je fus soulagée quand il me dit « ça va, je vous en veux pas ».
Parce qu’en vrai en tant que parent, nous sommes pieds et mains liés face à cet énorme mensonge sociétal. Si on ne participe pas à la fête, on se retrouve vite marginalisé. Je me souviens d’une maman qui avait posé la question à une réunion de crèche « et si on ne souhaite pas que notre enfant croie au Père Noël, personnellement nous sommes contre… ». Un silence pesant vint s’abattre sur la réunion. Les regards se croisèrent. Que dire, que faire ? Comment ? un parent n’allait pas jouer la comédie du Père Noel à son enfant ? Le psychologue présent à la réunion s’était empêtré dans des explications aussi longues qu’un jour sans pain, et je me rappelle avoir été heureuse qu’il se charge de répondre. Enfin quelqu’un qui avait des… de la ressource (je cherche mes mots).

Mais en vrai, on pouvait aisément comprendre le point de vue des parents. Comment peux t on duper nos bambins en sacrifiant la confiance qu’ils placent en nous ? Après l’annonce, les enfants sont assez en phase avec la réalité : les adultes sont capables de mensonges, les adultes sont capables de leur mentir. Je vous rassure les miens sont au fait depuis longtemps, j’ai pour habitude de promettre des sorties à la piscine et de ne plus trouver la motivation le jour J. « Tu nous as menti !! t’avais promis qu’on irait à la pistouche » « ah bon ? j’ai dit ça moi ? ». C’est moche. Tu comprendras aisément que le petit dernier était blasé par ce mensonge qui venait grossir une liste déjà bien fournie.

Enfin revenons-en aux parents qui-ne-voulaient-pas-prononcer-le-nom-du-PN et qui étaient cernés par la publicité, les films de Noël qui passent en boucle sur M6 les dimanches de décembre, la crèche qui fait une descente du Père Noel, le centre commercial qui organise une séance photo avec Monsieur Noël et ses lutins, la parade de la Ville où ils vivent avec un Père No¨l au meilleur de sa forme sur son traineau… comment faisaient ils ? Soit, ils hibernaient au fond d’une grotte en Ardèche ou partaient vivre au Pôle Nord pendant un mois. Ah non… bah non...bref, tu comprendras donc que le sac de billet s’éloignant du pied du sapin, il fallait trouver une solution. Devant mon désarroi, mes copines de classe ont proposé de vendre des bracelets brésiliens devant le métro.
Moi j’avais proposé de racketter les petits à la sortie de l’école fin décembre, mais on ne peut pas… ce seront les vacances scolaires. D’ailleurs à propos, j’ai prévu une petite brocante début janvier à Orléans, y aura des sacs à dos, des cartables, et des cartables à roulettes à vendre. En prévision de la rentrée de septembre 2019, ça peut être pas mal. Sur ce « Joyeux Noël » !

 
Article rédigé par : Anne-Cécile George
Publié le 03 décembre 2018
Mis à jour le 03 décembre 2018