L’imperfection du maître. Par Bernadette Moussy

EJE, formatrice (enseignement des courants pédagogiques)

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Dans son petit ouvrage, Le travail intellectuel*, l’auteur nous dit que nous sommes à une époque trop formelle et intellectuelle. On présente trop souvent ce qu’il faut savoir plutôt que la façon d’apprendre. Sa référence d’apprentissage est celle qu’utilise un artiste qui enseigne son art en créant devant ses élèves et par la suite va de l’un à l’autre pour donner des conseils. Il va jusqu'à dire qu’il aurait bien donné des mois de cours à la Sorbonne pour un seul jour dans un atelier de dessin. Au premier chapitre**, nous découvrons : qu'une pédagogie parfaite serait sans valeur pour former un homme, qui a besoin tout à la fois qu'on soit adroit et maladroit, pour qu'il arrive à sa taille [...] Un maître... nous excite par ce qui lui manque et qui nous sollicite à être notre propre maitre intérieur. Jean Guitton nous parle d’excitation devant le manque.

Qu’en est-il pour nous les éducateurs du petit enfant ? Qu’en est-il de la place de l’imperfection dans la relation éducative ? Pour une fois cherchons un peu, en contre point de ce que l’on lit ou entend de la part de ceux qui donnent de bons conseils. Guitton nous dit : Un maître... nous excite par ce qui lui manque et qui nous sollicite à être notre propre maitre intérieur. S’agit-il d’indisponibilité, comme de ne pas répondre immédiatement aux besoins des enfants ? Si un espace-temps à ce moment-là est créé, il peut laisser à l’enfant la possibilité de s’en emparer pour, par exemple, résoudre lui-même une situation problématique. Je me souviens être restée seule avec un grand nombre d’enfants. Ce fut l’un de mes meilleurs souvenirs pédagogiques, car certains ont pris le relais, je les ai vu aider les autres, d’autres se sont déshabillés seuls… Les enfants ont pris ma place, à leur niveau, ils ont pris les choses en main.

Il peut nous manquer de la patience, alors nous pressons l’enfant. Il peut nous manquer de comprendre ce qui se passe lorsqu’il nous regarde prêt à pleurer. C’est vrai que nous ne savons pas tout. Il y a des questions qui se posent auxquelles nous ne pouvons répondre au moins dans l’immédiat. L’enfant le sent, il y a quelque fois malentendu car nous interprétons à côté. Que nous reste-t-il ? S’expliquer, partager nos limites avec lui, lui dire…que notre impatience est due à notre fatigue ou autre chose dont il ne doit pas se sentir l’auteur. Nous partageons avec lui la situation en toute humilité.

Et s’il s’agissait d’accepter nos imperfections ? L’enfant est plus que nous dans la communication non verbale, il l’a connait notre part d’ombre. Il a besoin d’adultes qui soient vrais dans leur attitude devant la vie.

Si nous reprenons l’exemple que l’auteur nous donne de l’artiste qui crée devant ses élèves, cela peut vouloir dire que l’enfant a besoin de témoignage. Il demande des adultes qui vivent avec lui et non pour lui. Nous sommes ensembles adroits ou maladroit. Dans une alternance de vie en mouvement que nous partageons.

* Guitton Jean, « Le travail intellectuel, conseils à ceux qui étudient et à ceux qui écrivent », Aubier-Montaigne, Paris, 1951, 190 pages. Réédition en 1986 et 1992. Philosophe, il fut académicien de 1961 à 1999
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Article rédigé par : Bernadette Moussy
Publié le 16 septembre 2017
Mis à jour le 18 septembre 2017