La liberté et le plein air. Par Claire Boutillier

Assistante maternelle, psychologue

Enfants qui jouent dehors
Certaines de mes collègues n’emmènent les enfants jouer dehors que quand il fait beau. De mon côté, il n’y a pas un jour où nous ne sortons jouer dehors, ça serait insupportable pour moi comme pour eux… D’ailleurs, quand mes parents me parlent de leur enfance, il y a quelque chose qui m’interpelle toujours, que j’ai connu dans une moindre mesure et mes propres enfants moins encore : la liberté. La vraie liberté, pas seulement la possibilité de grimper sur une structure sécurisée dans une aire de jeux bien fermée…

Ma famille est originaire du Nord Pas de Calais, vers Dunkerque. Petits, mon père comme ma mère allaient jouer avec les enfants de leurs cités dans les dunes, sur la côte, après guerre (après 1945). Les plus grands (des jeunes ados) « surveillaient » les plus petits (4-5 ans). Ils pouvaient partir des heures… Mon père jouait notamment dans l’épave d’un avion de guerre et ma mère faisait également des trouvailles étonnantes (armes, casques..) dans le sable, avec ses amis. Petite (mais quand même pas avant 5-6 ans), je suppose que mes parents savaient rarement où je jouais avec mes cousins : à la ferme, dans les silos à grains, dans les enclos des chèvres, avec les chevaux voir jusqu’aux sangliers (cela dit là, nous ne nous risquions pas dans l’enclos !).
Nous jouions avec tout (et n’importe quoi), nous pouvions courir, crier, imaginer des histoires, jouer à nous faire peur… Dans les bois, nous nous attachions aux « lianes » pour sauter par dessus des fossés remplis d’orties (aïe !). Je n’ai pas souvenir que nous nous ennuyions. C’est vrai que nous prenions des risques, c’est vrai qu’il y aurait pu avoir des accidents graves. Mais aujourd’hui, je sais ce que ca m’apportait : cette impression de liberté et d’insouciance, le plaisir d’explorer selon nos envies. En même temps, cela avait l’inconvénient de créer dans mon esprit deux mondes, qui avaient du mal à fusionner dans celui d’un temps partagé de complicité : celui des enfants et celui des adultes.

Dans notre rue, cette année, 3 cambriolages : je ne laisse même pas mes enfants jouer seuls dans la cour devant la maison (cela étant, je vous rassure, les cambrioleurs ne recherchaient pas des enfants..). Bien évidemment, je ne me pose pas la question avec les petits que j’accueille. Nous jouons ensemble, ils ne sont jamais livrés à eux-mêmes. Bien sur, ils jouent aussi seuls ou entre eux, mais souvent dans un périmètre délimité et sous mon regard. C’est pourquoi je fais en sorte, été comme hiver, de les emmener le plus possible dehors : là où ils peuvent courir, crier, sauter, s’imaginer des histoires… C’est en allant au maximum dans les parcs, dans les endroits où je me sens sûre, où j’ai tout de même toujours un œil sur eux, mais où ils peuvent toutefois grimper, s’accrocher, décharger les tensions… Cela étant, il faut qu’ils aient aussi et où que nous soyons la possibilité de se poser, de s’arrêter, de s’allonger, il ne s’agit pas d’en faire des coureurs de fonds ! Ca demande alors (les jours de pluie, surtout) un peu de matériel : des combinaisons de pluie, des toiles cirées… Aujourd’hui, il n’est pas facile de laisser autant de liberté aux enfants qu’auparavant. Surtout, il s’agit de ne pas confondre liberté et indifférence face à leurs explorations, au risque de créer chez eux le sentiment de ne pas compter aux yeux des adultes. Il y a je le crois un juste milieu entre ce que mes parents ont connu et ce que nous pouvons faire avec nos enfants. Entre la liberté et la présence affectueuse et bienveillante, entre le fait de préserver leur insouciance et la prime éducation.
Article rédigé par : Claire Boutillier
Publié le 02 septembre 2016
Mis à jour le 04 août 2017