Cahier de doléances. Par Françoise Näser

Assistante maternelle, auteure

cahier de doléances et de propositions
Ma précédente chronique a suscité quelques commentaires dont celui d’une charmante collègue qui, en termes fleuris, m’a clairement indiqué tout le mal qu’elle en pensait. Pour résumer, elle soutenait que nous, assistantes maternelles, n’avions aucune raison légitime de nous plaindre de nos conditions de travail.
Cela m’a donc donné l’idée, en ces temps de grand débat, d’ouvrir sur ma page Facebook un cahier de doléances et de propositions. Nos collègues, une petite centaine peut-être, ont alors eu l’occasion de s’exprimer en toute liberté sur ce qu’elles estimaient être le plus important pour elles, avec pour seule contrainte, de n’émettre qu’une seule doléance - exercice difficile pour beaucoup - en développant pourquoi ce sujet impactait leur quotidien professionnel, et de faire éventuellement des propositions.

Comme nous toutes je pense, nos collègues émettent en tout premier lieu, le souhait d’une plus grande reconnaissance. C’est la doléance qui revient le plus souvent : elles souhaitent être des salariées comme les autres, mais, et c’est pour moi une surprise, c’est la médecine du travail qui manquerait le plus à notre statut de salariée. La médecine du travail pour faire reconnaître les TMS (troubles musculo-squelettiques) liés aux gestes répétitifs et aux charges portées, comme maladies professionnelles, mais aussi pour obtenir une écoute mieux adaptée que celle de notre médecin traitant. Et de fait, combien d’assistantes maternelles travaillent malades, de peur de mettre les parents en difficulté et au final, de perdre leur contrat, combien ne consultent pas par manque de temps, ou repoussent plus que raisonnablement des examens jugés trop contraignants ou une opération qui nécessiterait un arrêt maladie. « Un grand nombre d’assistantes maternelles vieillissent (et oui il faut le dire) : pas évident de dire « mal au bras, mal au dos » ; on minimise ! » (Céline)
D’autres propositions ont été faites qui vont dans le sens d’une meilleure reconnaissance comme celle d’organiser des portes ouvertes, de participer à des forums Petite Enfance : d’être mises en valeur par la commune, la mairie, pour mieux rassurer les parents. Ou bien encore de bénéficier de reportages positifs dans la presse, ou même d’une campagne de publicité nationale visant à nous faire sortir de l’ombre. D’obtenir une carte professionnelle pour pouvoir faire des achats de matériels en gros.

Mais une plus grande reconnaissance ne va pas sans une meilleure formation. De très nombreux témoignages vont également dans ce sens, en particulier concernant la formation continue. On constate une demande presque unanime de formations continues effectuées sur le temps de travail et plus sur le temps libre, ainsi qu’une simplification du système. Faut-il pour cela rendre la formation continue obligatoire ? Les avis divergent. Certaines souhaitent une formation initiale plus intense suivie d’un diplôme, d’autres non. Comment trouver réellement notre place au sein des métiers de la Petite Enfance sans réelle qualification ou diplôme, là est bien la question. « Et ça permettrait aussi de faire du tri avec un concours, ensuite un diplôme, puis un agrément ; ça limiterait les erreurs de casting et ça devrait évidement entraîner une revalorisation sévère de votre salaire qui est beaucoup trop bas ! » (Sandrine, parent-employeur).
Une réelle formation (initiale ou continue) pour être un peu plus que des professionnelles de terrain, dont seule l’expérience est mise en avant. « Je ne crois pas que ce soit le gouvernement qui ne veut pas de nous, ce sont les parents (enfin un bon nombre de parents), ils assimilent la crèche à une école pour bébé, et l'assmat à la voisine qui rend service, tout en se disant qu'ils ne savent pas ce qu'il se passe chez la voisine, et on n’est pas aidées sur ce coup ». (Sophie) Non, on n’est pas aidées, c’est sûr !

L’autre volet mis en avant par mon petit sondage concerne les rapports avec nos instances et en particulier la PMI. On peut dire qu’il y a sur ce sujet également une quasi-unanimité : le respect du référentiel ! Les disparités d’un département à l’autre, mais aussi d’une PMI locale à l’autre, et même d’une puéricultrice à l’autre, apportent son lot de stress car nous ne savons jamais ce qui sera exigé de nous : « je voudrais bien qu'en préambule à l'agrément, on nous fournisse un kit de la parfaite assmat avec des fiches techniques pour gérer autant les contrats que les éveils. » (Pascale)
Comment est-il possible en effet que nous n’ayons au final aucune consigne, aucun protocole, aucun règlement national auquel nous référer ? Pourquoi tant de disparités d’un organisme de formation à l’autre, d’une puéricultrice à l’autre ? « Je trouve personnellement que les puéricultrices et les médecins de PMI ont une approche trop hygiéniste et sécuritaire du rapport avec l'enfant. Or les apports en neurosciences viennent démontrer que l'accompagnement du jeune enfant nécessite bien d'autres qualités... » (Karine) Ces relations, parfois excellentes, mais parfois aussi tendues (voire inexistantes) avec la PMI, participe à ce sentiment de solitude, pour ne pas dire d’abandon : « On pourrait se confier à la PMI mais comme cet organisme a aussi un rôle de contrôle, on se voit mal leur avouer qu'on est à bout, sous peine de voir notre agrément retiré. Bref, nous manquons d'écoute et de supports pour nous épancher. Une ligne téléphonique d'écoute et d'entraide, anonyme pour les assistants maternels, serait bienvenue ! » (Marine)

Bien d’autres sujets ont émergé, touchant presque toutes les facettes de notre métier, comme par exemple la mise en place d’une mutuelle santé et d’un comité d’entreprise (dépendant peut-être du Conseil départemental), et d’un organisme de gestion des contrats gratuit pour éviter les trop nombreuses erreurs : le débat fut passionnant, respectueux et enrichissant.
Il est clair néanmoins qu’une telle étude nécessiterait une méthodologie bien plus structurée que la mienne, et devrait toucher un panel bien plus large. C’est pourquoi, je lance un appel à une organisation nationale qui reprendrait mon idée à grande échelle et aurait les moyens de faire remonter nos doléances et nos propositions en haut lieu. Les assistantes maternelles ont des idées, profitons-en pour faire avancer les choses !
Publié le 31 janvier 2019
Mis à jour le 08 février 2019
Comment pourrait on ne choisir qu'une doléance, quand tout ce qui est énuméré ici, représente parfaitement nos gros besoins et nos principales préoccupations ? Je choisirai... Je n'y arrive pas.... Je choisirai reconnaissance ded TMS en maladie professionnelle . Mais reconnzissance egalement de notre métier qui peut etre tres difficile parfois.