Des assistantes maternelles et des montagnes russes ! Par Françoise Näser

Assistante maternelle, auteure

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Pro avec enfant à domicile
Quelle stupéfaction pour des centaines de milliers de parents d’apprendre, grâce aux chaînes d’infos en continu jeudi en fin d’après-midi, sans aucun signe annonciateur ni préambule, que leur assistante maternelle ne travaillerait pas durant trois semaines ! La nouvelle se répand telle une traînée de poudre, de bouche à oreille, de papa à maman (et inversement), de téléphone à smartphone. On imagine sans mal la violence du choc ! Certains s’étaient bien sûr posé la question, mais sachant que les assistantes maternelles étaient restées mobilisées tout au long de la crise sanitaire, personne n’avait sérieusement envisagé que ce serait différent cette fois-ci. Stupéfaction, inquiétude, doute : après tout, nous sommes le premier avril ! Une mauvaise blague ?

Ainsi certains parents qui viennent chercher leur enfant jeudi soir connaissent déjà l’incroyable nouvelle, avant nous bien souvent ! Car nous, nous étions peut-être occupées à terminer les activités de Pâques, à ranger les jouets, à préparer les départs, à consoler l’un, à calmer l’autre, à coller des gommettes ou à chanter, dans une bulle protectrice, loin des turbulences du monde. A la stupéfaction des parents s’ajoute donc parfois la nôtre, et que répondre à leur inquiétude, à leurs questions : nous n’en savons pas plus qu’eux, c’est une situation totalement inédite ! Quant à ceux qui apprendront la nouvelle dans la soirée, ils passeront une bien mauvaise nuit, à la recherche d’une solution d’accueil pour leur enfant.

Mais nous avons appris, après toutes les incohérences et les contradictions du premier confinement, où nous avons entendu tout et son contraire, à faire preuve de circonspection. Ce ne serait pas la première fois que les assistantes maternelles seraient soumises à des injonctions contradictoires : les montagnes russes, on nous les a déjà fait prendre, et plus d’une fois ! Prudence donc, il est urgent d’attendre. Les médias tournent en boucle sur la nouvelle, certains semblant par là même découvrir ce métier. Tiens-donc, 800 000 familles concernées, tout de même ! C’est quoi déjà, une assistante maternelle ? Elles accueillent plus d’enfants que les crèches ? Pas possible !

Une fois tous les petits partis, il faudra donc rester aux aguets, attendre des informations plus fiables, mieux certifiées, vérifier les contenus des articles de presse. Un œil sur le site du Conseil départemental, un œil sur les réseaux sociaux. Vers 21h, la nouvelle semble belle et bien avérée : « en cohérence avec les crèches, les assistantes maternelles ne pourront plus accueillir d’enfants pendant trois semaines » . L’intersyndicale qui demandait à pouvoir suspendre l’accueil des enfants aurait-elle été écoutée et entendue ? Encore une première ! Mais prudence, nous sommes toujours le 1er avril …
Le lendemain, retour à la normalité dans un monde de fous, certains diront rétropédalage, cacophonie, cafouillage, quoi qu’il en soit « les assistantes maternelles peuvent poursuivre l’accueil » . Que s’est-il donc passé durant la soirée ? Un indice ? « La FEPEM rassurée par les derniers arbitrages du gouvernement », la puissante Fédération des particuliers employeurs se félicite donc que Matignon soit revenu sur sa décision initiale ».  La FEPEM, bien sûr ! Au regard de chaque situation familiale particulière, de chaque état de santé, de contraintes et de difficultés, les réactions parmi les collègues sont diamétralement opposées : certaines sont rassurées et soulagées de pouvoir travailler, d’autres voudraient juste des consignes claires pour savoir quoi faire et éviter les litiges, d’autres encore se montrent déçues et inquiètes.

Car n’avait-on pas asséné mi-mars, à notre plus grande surprise, qu’une enquête « menée par l’Institut Pasteur a confirmé les travaux précédemment publiés, notamment qu’il n’y a pas de sur-risque à maintenir les écoles ouvertes mais qu’en revanche faire garder son enfant par une assistante maternelle élève le risque de 39%. » ? Le virus circulerait donc plus chez nous ? Parce que nous proposons un accueil familial, et que c’est en famille que la contamination est la plus importante ? Parce qu’il est plus difficile d’imposer le port du masque en famille ? En parfaite incohérence avec ces résultats, on ferme donc les écoles et on continue l’accueil chez les assistantes maternelles ... Quant aux Mam, n’en parlons pas, la situation reste houleuse, laissant les parents et les professionnelles dans une parfaite incertitude : entre décret émanant du Premier ministre et circulaire du ministère de la santé, les interprétations vont bon train.

Mais attention une petite phrase force l’admiration ! Car si les assistantes maternelles continuent à accueillir les enfants, et même sans parler cette fois-ci de public prioritaire, « le Gouvernement recommande aux parents, dans un esprit de responsabilité collective, de ne pas y recourir, sauf en cas d’absolue nécessité »
Mais quelle est donc la définition exacte de l’absolue nécessité ? Il est évident que chaque personne, chaque parent-employeur s'estime être dans une absolue nécessité de confier son enfant, pour pouvoir lui-même conserver son emploi et travailler. Télétravailler avec des tout-petits, sérieux ? Combien seront-ils à ne pas nous confier leur bébé ? Au moment où chacun s'inquiète pour son emploi et craint la crise économique peut-être plus que la maladie, au final, il est bien évident que nous allons continuer à accueillir normalement les petits, flambée épidémique et risque sanitaire accru ou pas.

 
Article rédigé par : Françoise Näser
Publié le 05 avril 2021
Mis à jour le 05 avril 2021