Les premiers maux de l’hiver. Par Françoise Näser

Assistante maternelle, auteure

enfant malade
Il semblerait qu’on prédise un hiver 2021-2022 difficile aux tout-petits que la période liée à la Covid19 a épargnés : grâce aux gestes barrières et surtout au port du masque, il semblerait qu’ils soient moins tombés malade et aient donc moins développé de défenses immunitaires contre les maux de l’hiver. Le Conseil scientifique redoute même des épidémies de grande ampleur, de bronchiolites en particulier. Nous avons bien eu quelques rhinopharyngites, nez qui coulent et inévitables toux, quelques varicelles, mais pas d’épidémies graves comme les hivers précédents. Pour les enfants, les parents et les modes d’accueil un soulagement passager qui ne saurait durer éternellement.

La question de la maladie des tout-petits reste délicate pour les modes d’accueil et en particulier pour les assistantes maternelles en contact direct avec leurs parents-employeurs sans le filtre d’une institution, même si tout semble avoir été noté noir sur blanc dans le Contrat d’accueil, explicité et accepté. Bébé tombe malade, c’est un problème pour le parent qui doit coûte que coûte remplir ses obligations professionnelles : les jours enfants malades sont en règle générale bien trop restreints, en aucun cas en adéquation avec la réalité que vivent ces jeunes parents. Cette situation place donc l’assistante maternelle dans une posture délicate. D’autant que selon les régions, il est parfois difficile d’obtenir rapidement un rendez-vous médical ce qui met tout le monde dans l’embarras.

Accueillir un enfant malade pour nous qui ne sommes pas des professionnelles de santé représente un stress à différents niveaux : « Le stress lié à ces improvisations médicales est d’autant plus pénible à vivre que certains parents ne respectent pas les règles de confiance qui ont été établies. Il n’est pas rare, car cela leur semble trop compliqué par rapport à leurs obligations professionnelles, qu’au lieu de garder à leur domicile leur enfant fiévreux ou malade, ils le confient à l’ass. mat. en début de journée, en occultant les symptômes, pensant sans doute qu’il ne s’agit que d’un vilain rhume. Ce faisant, ils placent le professionnel dans une grande difficulté. » (1)

Le premier stress, c’est la pose du diagnostic : bébé est visiblement malade, inconfort, agitation, modification du comportement, fièvre peut-être … Il serait bon de consulter, d’avoir un avis médical : nous pouvons le suggérer, le réclamer mais difficilement l’imposer. Nous pouvons nous référer à notre Contrat d’accueil où est sans doute notée la conduite à tenir en cas de maladie de l’enfant, et concernant la Covid, au dernier Guide ministériel en date du 25 Août 2021 qui indique clairement que les parents ne doivent « pas confier leur enfant s’il présente des symptômes du Covid19 (ex. fièvre supérieur à 38°) » : ce qui ne va pas être simple à faire respecter car là encore, comment l’imposer sans entrer dans un rapport de force qui nuirait à l’harmonie des relations en place ? Il nous faudra cet hiver savoir adopter à nouveau une « organisations-compromis entre exigences sanitaires » (2) et réalités de terrain, au risque de ne jamais travailler avec des bébés qui ont très facilement et pour tout un tas de raisons 38° de fièvre !

Le deuxième stress, c’est l’accueil de l’enfant malade diagnostiqué : Bébé est effectivement malade, nous avions vu juste, sans doute contagieux, alors que faire ? Merci aux médecins qui pensent à préciser si oui ou non, l’accueil est alors possible, que ce soit en crèche ou chez l’assistante maternelle ! Parce que lorsque nous arrivons à convaincre nos parents-employeurs de bien vouloir consulter et que le médecin, lui, diagnostique "une p'tite gastro pas contagieuse", "une bronchiolite pas contagieuse" non plus, une "varicelle déjà presque terminée" ou une rhinopharyngite qui ne risque pas du tout de contaminer tout le monde, et qu'il n'y a donc vraiment aucun problème à confier bébé à sa nounou, nous nous sentons assez démunies ! Démunies, contrariées et sans doute déjà contaminées !

Bébé est donc diagnostiqué et si nous l’accueillons, il faudra peut-être lui donner un traitement. Sur ce point la réforme des modes d’accueil apporte enfin une réponse claire : les assistantes maternelles y sont autorisées à la demande des parents sous réserves que les gestes pratiqués relèvent des actes de la vie courante, de disposer d’un protocole d’administration des médicaments, d’une ordonnance médicale à jour, des autorisations parentales, des médicaments qui doivent être fournis par les parents, d’un registre d’administration des médicaments. Néanmoins, pour l’assistante maternelle qui accueille un ou plusieurs enfants malades, les journées sont bien longues, à espérer que la maladie n’empire pas chez elle, que l’état de l’enfant ne dégénère pas et qu’aucune erreur ne saura lui être reprochée !

Le troisième stress, c’est devoir gérer au mieux la réaction des autres parents, irrités et mécontents que l’on ait accueilli un enfant malade, pouvant éventuellement contaminer le leur. Des tensions peuvent naître, entre les différents parents, et entre ceux-ci et l’assistante maternelle ! Comme pour l’enfant qui tape, ou celui qui mord, l’enfant « toujours malade » risque fort d’être stigmatisé ! Et si par malheur, c’est l’assistante maternelle qui finit au fond de son lit, terrassée par quelques microbes malvenus, ce sont en général tous ses parents-employeurs qui s’étonnent ! On aurait pu imaginer que l’immunité était délivrée avec l'agrément, mais non ! Nounou est souffrante, en arrêt maladie peut-être, et donc non-rémunérée. Une perte de salaire sèche, l’angoisse de peut-être perdre ses contrats si les arrêts sont trop fréquents, encore un autre stress ...

1.Louise et Sonny Perseil dans « Le scandale des assistantes maternelles » (L’Harmattan, 2020) page 62
2.Une expression de Marine Schmoll, psychologue dans "le jeu libre sous contraintes :un mode d'accueil à l'envers ?"

 
Article rédigé par : Françoise Näser
Publié le 26 octobre 2021
Mis à jour le 26 octobre 2021